Voyage de J. Cartier au Canada | Page 5

Jacques Cartier
de Ramusio qu'il nous faut recourir pour retrouver, sous un
vêtement étranger, avec le titre pompeux de grand capitaine de mer, un français de
Dieppe, dans lequel il nous est permis de reconnaître l'astronome & pilote Pierre Crignon,
qui fut le compagnon des frères Parmentier dans leur voyage de 1529 à Sumatra, & qui
avait également navigué sur les côtes du Brésil & de Terre-Neuve.
En décrivant cette dernière, qui s'étend, continent & îles, du 40° au 60° degrés de latitude
sur une longueur de trois cent cinquante lieues, il fait remarquer la brisure accusée par le
cap Ras entre la direction de la côte méridionale qui se refuse vers l'ouest, & celle de la
côte boréale qui court vers le nord. Aux Portugais est due la découverte des soixante-dix
lieues environ de littoral comprises entre le cap Ras & le cap de Boavista; tout ce qui est
au sud du cap Ras a été exploré en 1504 par ses Normands, & par les Bretons, qui y ont
laissé leur nom à un cap bien connu; tout ce qui est au nord du cap de Boavista a été
relevé pareillement par les dits Normands & Bretons: le capitaine Jean Denys, de
Honfleur, avec le pilote Camart, de Rouen, y conduisit son navire en 1506, & en rapporta,
dit-on, une carte assez étendue; puis, en 1508, le capitaine Thomas Aubert, commandant
le navire la Pensée, armé par Jean Ango, père du célèbre gouverneur de Dieppe, y
transporta le premier des colons normands.
Dix ans après, en 1518, suivant l'interprétation commune, mais peut-être en réalité
quelques années plus tard, fut entreprise une expédition analogue «par le sieur baron de
Léry & de Saint-Just vicomte de Guen, lequel ayant le courage porté à choses hautes,

désiroit s'establir par delà & y donner commencement à une habitation de François» il
s'était approvisionné d'hommes & de bestiaux, & fit voiles jusqu'à l'île de Sable en face
des pêcheries bretonnes; mais la longueur du voyage l'ayant trop longtemps tenu sur la
mer, il fut contraint de décharger là son bestail, vaches & pourceaux, faute d'eaux douces
& de pâturages»; & cette expédition avortée n'eut d'autre résultat que d'avoir jeté sur cette
terre aride des animaux qui s'y multiplièrent graduellement, & devinrent, longtemps après,
une ressource inespérée pour d'autres Français qu'une fortune de mer devait un jour
condamner à y séjourner cinq ans entiers dans un déplorable abandon.
Jusqu'alors, ce n'étaient que des expéditions privées.
IX
Enfin le roi de France se détermina à prendre lui-même sa part dans le lotissement des
terres d'outre-mer que se faisaient à leur guise les autres souverains de l'Europe
occidentale, & il envoya officiellement à son tour, à la découverte des pays
transatlantiques où il lui conviendrait de prendre pied.
Le temps était déjà loin, où l'on avait cru retrouver en ces contrées le Japon, la Chine &
les Indes d'Asie: les navigations de Cabot dans le nord, comme celles de Vespuce dans le
sud avaient démontré qu'il s'agissait en réalité d'un monde nouveau; & bien qu'on le crût
réuni à ses dernières limites aux régions boréales asiatiques, l'extension des conquêtes
espagnoles dans l'ouest, & la circumnavigation de Magellan, avaient appris qu'il y avait
au-delà de ce nouveau continent une autre mer par laquelle on arrivait à l'Orient véritable,
si plein de richesses & de merveilles: quelque passage, moins éloigné que le détroit
franchi par l'escadre castillane, pouvait exister sur l'immense ligne des côtes américaines,
& conduire par une voie plus courte à ces iles des épices, objet de tant de convoitises
rivales.
François 1er mit en 1523 aux ordres du florentin Jean Verrazzano quatre navires pour
aller à la recherche d'un tel passage & prendre possession des terres où il serait possible
de le rencontrer. Mais une tempête fit avorter les premières tentatives; les vicissitudes de
la guerre & de la mer ne laissèrent au navigateur la faculté d'effectuer son exploration que
dans une seconde campagne & avec une seule nef, la Dauphine sur laquelle il partit
définitivement de Madère le 17 janvier 1524 pour aller atterrir à la fin de février vers 34°
de latitude, sur une côte inconnue qu'il longea l'espace de cinquante lieues en tirant au
sud sans y découvrir aucune baie; ce qui lui fit reprendre la bordée du nord, & suivre
ensuite le littoral à l'est & au nord-est jusqu'au parallèle de 41° 40' descendant à terre par
intervalles, pour reconnaître le pays, où la vigne croissait en abondance, & les habitants,
dont le teint était généralement foncé & les moeurs hospitalières; il rencontra enfin une
belle a grande rivière, aux eaux profondes, aux pittoresques rivages (le Hudson), d'où un
orage soudain le força de s'éloigner à son grand regret, pour ne s'arrêter qu'après une
course de quatre-vingts lieues encore droit à l'est, où il rencontra
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