Vittoria Accoramboni | Page 2

Stendhal
des Rusticacci, pr?s Saint-Pierre, d?sir?rent obtenir sa main. Il y eut force jalousies et bien des rivalit?s; mais enfin les parents de Vittoria pr?f?r?rent F?lix Peretti, neveu du cardinal Montalto, qui a ?t? depuis le pape Sixte Quint, heureusement r?gnant.
F?lix, fils de Camille Peretti, soeur du cardinal, s'appela d'abord Fran?ois Mignucci; il prit les noms de F?lix Peretti lorsqu'il fut solennellement adopt? par son oncle.
Vittoria, entrant dans la maison Peretti, y porta, �� son insu, cette pr??minence que l'on peut appeler fatale, et qui la suivait en tous lieux; de fa?on que l'on peut dire que, pour ne pas l'adorer, il fallait ne l'avoir jamais vue*. L'amour que son mari avait pour elle allait jusqu'�� une v?ritable folie; sa belle-m?re, Camille, et le cardinal Montalto lui-m?me, semblaient n'avoir d'autre occupation sur terre que celle de deviner les go�Cts de Vittoria, pour chercher aussit��t �� les satisfaire. Rome enti?re admira comment ce cardinal, connu par l'exigu?t? de sa fortune non moins que par son horreur pour toute esp?ce de luxe, trouvait un plaisir si constant �� aller au-devant de tous les souhaits de Vittoria. Jeune, brillante de beaut?, ador?e de tous, elle ne laissait pas d'avoir quelquefois des fantaisies fort co�Cteuses. Vittoria recevait de ses nouveaux parents des joyaux du plus grand prix, des perles, et enfin ce qui paraissait de plus rare chez les orf?vres de Rome, en ce temps-l�� fort bien fournis. * On voit �� Milan, autant que je puis me souvenir, dans la biblioth?que Ambrosienne, des sonnets remplis de gr?ce et de sentiments, et d'autres pi?ces de vers, ouvrage de Vittoria Accoramboni. D'assez bons sonnets ont ?t? faits dans le temps sur son ?trange destin?e. Il parait qu'elle avait autant d'esprit que de gr?ces et de beaut?.
Pour l'amour de cette ni?ce aimable, le cardinal Montalto, si connu par sa s?v?rit?, traita les fr?res de Vittoria comme s'ils eussent ?t? ses propres neveux. Octave Accoramboni, �� peine arriv? �� l'?ge de trente ans, fut, par l'intervention du cardinal Montalto, d?sign? par le duc d'Urbin et cr??, par le pape Gr?goire XIII, ?v?que de Fossombrone; Marcel Accoramboni, jeune homme d'un courage fougueux, accus? de plusieurs crimes, et vivement pourchass? par la corte*, avait ?chapp? �� grand'peine �� des poursuites qui pouvaient le mener �� la mort. Honor? de la protection du cardinal, il put recouvrer une sorte de tranquillit?. * C'?tait le corps arm? charg? de veiller �� la s�Cret? publique, les gendarmes et agents de police de l'an 1580. Ils ?taient command?s par un capitaine appel? Bargello, lequel ?tait personnellement responsable de l'ex?cution des ordres de monseigneur le gouverneur de Rome (le pr?fet de police).
Un troisi?me fr?re de Vittoria, Jules Accoramboni, fut admis par le cardinal Alexandre Sforza aux premiers honneurs de sa cour, aussit��t que le cardinal Montalto en eut fait la demande.
En un mot, si les hommes savaient mesurer leur bonheur, non sur l'insatiabilit? infinie de leurs d?sirs, mais par la jouissance r?elle des avantages qu'ils poss?dent d?j��, le mariage de Vittoria avec le neveu du cardinal Montalto e�Ct pu sembler aux Accoramboni le comble des f?licit?s humaines. Mais le d?sir insens? d'avantages immenses et incertains peut jeter les hommes les plus combl?s des faveurs de la fortune dans des id?es ?tranges et pleines de p?rils.
Bien est-il vrai que si quelqu'un des parents de Vittoria, ainsi que dans Rome beaucoup en eurent le soup?on, contribua, par le d?sir d'une plus haute fortune, �� la d?livrer de son mari, il eut lieu de reconna?tre bient��t apr?s combien il e�Ct ?t? plus sage de se contenter des avantages mod?r?s d'une fortune agr?able, et qui devait atteindre si t��t au fa?te de tout ce que peut d?sirer l'ambition des hommes.
Pendant que Vittoria vivait ainsi reine dans sa maison, un soir que F?lix Peretti venait de se mettre au lit avec sa femme, une lettre lui fut remise par une nomm?e Catherine, n?e �� Bologne et femme de chambre de Vittoria. Cette lettre avait ?t? apport?e par un fr?re de Catherine, Dominique d'Aquaviva, surnomm? le Mancino (le gaucher). Cet homme ?tait banni de Rome pour plusieurs crimes; mais, �� la pri?re de Catherine, F?lix lui avait procur? la puissante protection de son oncle le cardinal, et le Mancino venait souvent dans la maison de F?lix, qui avait en lui beaucoup de confiance.
La lettre dont nous parlons ?tait ?crite au nom de Marcel Accoramboni, celui de tous les fr?res de Vittoria qui ?tait le plus cher �� son mari. Il vivait le plus souvent cach? hors de Rome mais cependant quelquefois il se hasardait �� entrer en ville, et alors il trouvait un refuge dans la maison de F?lix.
Par la lettre remise �� cette heure indue, Marcel appelait �� son secours son beau-fr?re F?lix Peretti; il le conjurait de venir �� son aide, et ajoutait que, pour une affaire de la
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 12
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.