Une ville flottante

Jules Verne
Une ville flottante, by Jules
Verne

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Title: Une ville flottante
Author: Jules Verne
Release Date: February 22, 2006 [EBook #17832]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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VILLE FLOTTANTE ***

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Jules Verne
UNE VILLE FLOTTANTE

(1871)

Table des matières
I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII XIII XIV XV XVI XVII XVIII
XIX XX XXI XXII XXIII XXIV XXV XXVI XXVII XXVIII XXIX
XXX XXXI XXXII XXXIII XXXIV XXXV XXXVI XXXVII
XXXVIII XXXIX

I
Le 18 mars 1867, j'arrivais à Liverpool. Le Great Eastern devait partir
quelques jours après pour New York, et je venais prendre passage à son
bord. Voyage d'amateur, rien de plus. Une traversée de l'Atlantique sur
ce gigantesque bateau me tentait. Par occasion, je comptais visiter le
North-Amérique, mais accessoirement. Le Great Eastern d'abord. Le
pays célébré par Cooper ensuite. En effet, ce steamship est un
chef-d'oeuvre de construction navale. C'est plus qu'un vaisseau, c'est
une ville flottante, un morceau de comté, détaché du sol anglais, qui,
après avoir traversé la mer, va se souder au continent américain. Je me
figurais cette masse énorme emportée sur les flots, sa lutte contre les
vents qu'elle défie, son audace devant la mer impuissante, son
indifférence à la lame, sa stabilité au milieu de cet élément qui secoue
comme des chaloupes les Warriors et les Solférinos. Mais mon
imagination s'était arrêtée en deçà. Toutes ces choses, je les vis pendant
cette traversée, et bien d'autres encore qui ne sont plus du Domaine
maritime. Si le Great Eastern n'est pas seulement une machine
nautique, si c'est un microcosme et s'il emporte un monde avec lui, un
observateur ne s'étonnera pas d'y rencontrer, comme sur un plus grand
théâtre, tous les instincts, tous les ridicules, toutes les passions des
hommes.
En quittant la gare, je me rendis à l'hôtel Adelphi. Le départ du Great
Eastern était annoncé pour le 20 mars. Désirant suivre les derniers
préparatifs, je fis demander au capitaine Anderson, commandant du

steamship, la permission de m'installer immédiatement à bord. Il m'y
autorisa fort obligeamment.
Le lendemain, je descendis vers les bassins qui forment une double
lisière de docks sur les rives de la Mersey. Les ponts tournants me
permirent d'atteindre le quai de New-Prince, sorte de radeau mobile qui
suit les mouvements de la marée. C'est une place d'embarquement pour
les nombreux boats qui font le service de Birkenhead, annexe de
Liverpool, située sur la rive gauche de la Mersey.
Cette Mersey, comme la Tamise, n'est qu'une insignifiante rivière,
indigne du nom de fleuve, bien qu'elle se jette à la mer. C'est une vaste
dépression du sol, remplie d'eau, un véritable trou que sa profondeur
rend propre à recevoir des navires du plus fort tonnage. Tel le Great
Eastern, auquel la plupart des autres ports du monde sont
rigoureusement interdits. Grâce à cette disposition naturelle, ces
ruisseaux de la Tamise et de la Mersey ont vu se fonder presque à leur
embouchure, deux immenses villes de commerce, Londres et Liverpool;
de même et à peu près pour des considérations identiques, Glasgow sur
la rivière Clyde.
À la cale de New-Prince chauffait un tender, petit bateau à vapeur,
affecté au service du Great Eastern. Je m'installai sur le pont, déjà
encombré d'ouvriers et de manoeuvres qui se rendaient à bord du
steamship. Quand sept heures du matin sonnèrent à la tour Victoria, le
tender largua ses amarres et suivit à grande vitesse le flot montant de la
Mersey.
À peine avait-il débordé que j'aperçus sur la cale un jeune homme de
grande taille, ayant cette physionomie aristocratique qui distingue
l'officier anglais. Je crus reconnaître en lui un de mes amis, capitaine à
l'armée des Indes, que je n'avais pas vu depuis plusieurs années. Mais je
devais me tromper, car le capitaine Mac Elwin ne pouvait avoir quitté
Bombay. Je l'aurais su. D'ailleurs Mac Elwin était un garçon gai,
insouciant, un joyeux camarade, et celui-ci, s'il offrait à mes yeux les
traits de mon ami, semblait triste et comme accablé d'une secrète
douleur. Quoi qu'il en soit, je n'eus pas le temps de l'observer avec plus
d'attention, car le tender s'éloignait rapidement, et l'impression fondée

sur cette ressemblance s'effaça bientôt dans mon esprit.
Le Great Eastern était mouillé à peu près à trois milles en amont, à la
hauteur des premières maisons de Liverpool. Du
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