Une politique europèenne : la France, la Russie, lAllemagne et la guerre au Transvaal | Page 8

Etienne Grosclaude

l'insistance de M. Gladstone, substitua à la convention antérieure le
traité de 1884, dans lequel étaient nettement réglés les rapports de
l'Angleterre avec la République sud-africaine et qui ne portait plus trace
d'une suzeraineté, dont la suppression faisait la base du nouvel accord.

Le Transvaal était réintégré dans tous ses droits nationaux, sous cette
seule réserve que l'Angleterre bénéficierait d'une faculté de veto sur les
traités conclus avec d'autres États que l'Orange Free State, pendant un
délai de six mois après leur rédaction.
C'est pour le rétablissement de cette suzeraineté, jamais exercée et
promptement dénoncée, que le gouvernement britannique fait la guerre,
après avoir joué longtemps d'un autre prétexte aussi peu fondé, la
revendication des droits politiques des uitlanders (résidents étrangers),
en dépit du traité de 1884, dont l'article 4 précise la nature de ces droits,
exclusivement commerciaux, et sans la moindre prétention à une
ingérence politique. M. Krüger avait pourtant, à une époque où il se
faisait encore illusion sur la sincérité de certaines doléances, ouvert la
porte du second Raad aux uitlanders justifiant comme électeurs de deux
ans de séjour et de quatre ans comme éligibles, sous la seule condition,
bien entendu, qu'ils renonçassent à la nationalité anglaise. Le nombre
fut infime de ceux qui mirent à profit cette occasion d'échapper à leur
sort de uitlanders persécutés. Ils voulaient bien partager les avantages
des burghers, mais ils ne songeaient pas un seul instant à renoncer aux
prérogatives des citoyens britanniques.
Les éphémères exploitants de ce camp minier qu'est la ville de
Johannesburg, selon l'expression de M. Paul Leroy-Beaulieu,
prétendaient faire la loi aux maîtres du sol transvaalien, à ceux qui
l'avaient conquis de leurs armes, arrosé de leur sang, défendu de toutes
leurs énergies et constitué en un État qui représente, observons-le en
passant, avec l'Orange Free State, la seule république contemporaine
vraiment digne de ce nom.
Jameson prétendit régler la question d'un coup de main; on lui donna
sur les doigts; M. Chamberlain l'a rouverte avec une poigne plus
exercée, mais qui ne paraît pas devoir être plus heureuse.
La politique impérialiste avait, il faut le reconnaître, été fort habilement
menée jusqu'à l'éclat malencontreux du raid de ce Jameson, dont le zèle
intempestif compromit tout pour longtemps. On avait patiemment
travaillé à investir le Transvaal, d'abord en lui coupant toute
communication avec la mer; après avoir inutilement tenté de ravir la

baie de Delagoa au Portugal, auquel elle fut rendue par l'arbitrage du
maréchal de Mac-Mahon en 1875, on passait, en 1884, avec les tribus
du Tongaland un traité qui étendait la puissance britannique sur la côte
de l'océan Indien jusqu'aux possessions portugaises. Puis, sans perdre
de temps, on opéra du côté de la terre ferme, sous l'inspiration
énergique et prévoyante de Cecil Rhodes, poussant vigoureusement le
protectorat du Bechuanaland entre la République sud-africaine et la
colonie allemande du Damaraland, qui manifestaient des velléités de se
rejoindre, et devançant, bientôt après, l'expansion transvaalienne dans
le Mashonaland, où elle était à la veille de s'installer en vertu d'un traité
passé avec Lobengula par le président Krüger. Puis la Compagnie
anglaise de l'Afrique du Sud, habituellement désignée sous le nom de
Chartered, était créée par Cecil Rhodes, entre les mains duquel elle est
actuellement un instrument politique redoutable après avoir été un
instrument financier assez désastreux pour nécessiter aux yeux de son
promoteur l'opération du Transvaal qui pourrait seule rendre évitable
ou tout au moins masquer une banqueroute, dans laquelle seraient
compromis quelques-uns des plus grands noms de l'aristocratie anglaise.
Consulter sur ce point les déclarations précises de M. Wilson, l'ancien
éditeur du Times, le directeur de l'Invistor's Review.
De tous les serviteurs de la Grande-Bretagne, M. Cecil Rhodes--dont
l'impérialisme va jusqu'à accepter de ses concitoyens le surnom de
Napoléon du Cap--est peut-être le personnage qui répond le mieux aux
aspirations actuelles de la vanité nationale. Cet homme est au plus haut
degré représentatif de la force primant tout ce qui lui fait obstacle, et de
la force la plus estimée, la mieux utilisée par le génie anglais, la force
du capital. Parti à quatorze ans, poitrinaire, et sans ressources, pour
Natal, où on lui offrait un petit emploi dans une maison de
charbonnages, il est devenu en peu d'années le lutteur aux larges
épaules et le millionnaire aux coups formidables: son coup d'essai, un
coup de maître, où éclate le génie de la conception autant que celui de
la réalisation, c'est la syndicature des mines de Kimberley, dont il
solidarise les intérêts jusqu'alors antagonistes par une concentration qui
leur assure une suprématie durable sur le marché du diamant. Telle est
l'opération que l'argot du métier appelle l'amalgamation de la De Beers.
Il fonde ensuite les Goldfields, réparant dans une assez large mesure le

préjudice causé à sa fortune par l'erreur de l'ingénieur Williams. Ce
Gardner, l'un des spécialistes les plus compétents
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 28
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.