pour
multiplier aux lecteurs les occasions de lire ce brief récit et succincte
narration de la navigation faicte en 1535-36 par le capitaine Jacques
Cartier aux îles de Canada, Hochelaga, Saguenay et autres[3].
Occasion rare et précieuse, s'il en fut jamais, exceptionnelle bonne
fortune de pouvoir déguster, comme un fruit d'exquise saveur, ce beau
français du 16ième siècle, un français vieux, ou plutôt jeune comme
l'âge de Rabelais et de Montaigne, exhalant en parfum la fraîcheur
éternelle de l'esprit.
Forcément, l'attention des plus légers liseurs s'arrêtera sur ces passages
empruntés à l'original unique--imprimés à dessein avec d'anciens
caractères typographiques--- extraits bizarres, étranges comme un
grimoire, où l'orthographe primitive des mots, le suranné des
expressions, la latinisme des tournures de phraser, donnent un cachet de
haute valeur archéologique.
[Note 2: Je me suis servi pour mon travail de la "Réimpression figurée
de l'édition originale rarissime de 1545 avec les variantes des
manuscrits de la bibliothèque impériale."--Paris--Librairie
Tross--1863--J'ai aussi consulté l'édition canadienne des Voyages de
Jacques Cartier publiée en 1843 sous les auspices de la Société
Littéraire et Historique de Québec.]
[Note 3: D'Avezac. Introduction historique à la Relation du Second
Voyage de Jacques Cartier, page xvj.]
Et de même que la lecture des romans de Jules Verne a développé le
goût des études scientifiques, de même la paraphrase littéraire d'un
document archéologique éveillera-t-elle peut-être, chez plusieurs jeunes
gens instruits, l'idée de consulter nos archives, de les lire, et de se
prendre, eux aussi, à leur savante et fascinante étude. Ce sera du même
coup développer chez les lettrés le goût de l'histoire par excellence,
celle de notre pays.
Tout le travail archéologique proprement dit est terminé maintenant, les
manuscrits déchiffrés, copiés, collationnés, imprimés, se rangent
aujourd'hui en beaux volumes sur les rayons de toutes nos
bibliothèques. Il n'y a plus qu'à ouvrir le livre... et à le lire! Et on ne
lirait pas? Je ne puis croire à cet excès d'indifférence ou de paresse!
* * *
"PRENDRE PAR L'IMAGINATION CEUX-LA QUI NE VEULENT
PAS DE BON GRÉ SE LIVRER A L'ÉTUDE," tel est l'objet entier de
ce livre.
Encore l'imagination de celui qui invente à conditions pareilles aux
miennes se trouve-t-elle, avec un semblable canevas, terriblement
réduite, affreusement bridée, dans le champ même de ses évolutions, le
terrain par excellence de ses manoeuvres, la description. Son action
restreinte demeure étroitement liée aux causeries d'équipages que
défraient un petit nombre de circonstances inconnues, mais
vraisemblables, aussi rares et aussi vulgaires cependant que les
événements quotidiens, traversant la monotonie d'un long et triste
hivernage. Qui plus est, ces causeries de matelot se rattachent à très
peu de sujets; sujets difficiles que l'imagination ne trouve qu'en
évoquant la vérité des sentiments intenses, vivaces, je le veux bien
admettre, mais aussi, communs à tous les hommes: sentiments de
regrets amers, angoisses lancinantes, d'illusions éblouies, croisées
presqu'aussitôt de désespoirs extrêmes, tous sentiments personnels à
ces Français, acteurs d'une héroïque aventure, encore plus rongés de
nostalgie que de scorbut.
Aussi, ai-je cru devoir introduire dès le départ de l'action, un interprète
qui l'accompagne à travers l'intrigue, jusqu'à la fin du récit. Cet
interprète n'est pas mis là uniquement pour traduire les pensées ou les
sentiments des principaux rôles, la seule clarté du langage devant
suffire à cela, mais pour compléter chez le lecteur la connaissance
historique de ces mêmes personnages, de l'époque et du pays où ils ont
vécu, de leurs travaux, de leurs oeuvres.
Pour créer le type de ce personnage je n'ai eu qu'à me souvenir. Car j'ai
connu, intimement connu, dans ma vie d'écolier, au Séminaire de
Québec, Monsieur l'abbé Charles Honoré Laverdière, l'érudit
archéologue, l'éminent prêtre historien; et nul autre que lui ne m'a
semblé plus apte à remplir vaillamment ce premier rôle.
J'ai dit interprète, j'aurais mieux fait d'écrire coryphée; car mon
cicerone fantaisiste lui correspond et lui ressemble étonnamment. Avec
cette différent toutefois que le coryphée des tragédies grecques donne
la réplique aux acteurs en scène, cause, discute approuve, censure,
pleure, se lamente s'inquiète, se réjouit, se glorifie, s'exalte avec eux;
tandis que, dans le cas actuel, notre Mentor donne la réplique à
l'auditoire, c'est-à-dire aux lecteurs du livre. Il cause avec eux, discute,
approuve, condamne les idées, les sentiments, les espérances, les
désespoirs, les ambitions, les étonnements, les rêves des compagnons
de Jacques Cartier. Il profite conséquemment de l'occasion
continuellement présente de donner à ses auditeurs un Cours quasi
complet d'Histoire du Canada. Un nom d'homme ou de ville, une
parole, une action, une place, un monument, cités aux dialogues, ou
mentionnés dans la partie descriptive de l'ouvrage, sont pour lui autant
de raison de prendre la parole.
Ajoutez encore, comme prétextes de causerie, les analogies
d'événements ou de circonstances, les coïncidences heureuses ou
bizarres, les antithèses surprenantes d'une vie toute semée d'aventures
singulières, les parallèles glorieux, ou les fâcheux contrastes
providentiellement
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