le coryphée parlait quelquefois au nom de la foule, de même Laverdière parlera, de sa voix claire et forte, au nom de l'histoire du Canada. Cet homme autorisé en sera l'interprète accompli, et sa parole sera si vraie, si juste, que chacun, en l'écoutant, croira entendre un écho de ses propres pensées.
Et si le lecteur constate une divergence, ou plus, une contradiction entre Laverdière, pronon?ant le jugement de la postérité, l'opinion publique actuellement re?ue, quelques heures de sage réflexions ne tarderont pas à lui faire reconna?tre et accepter la sentence du prêtre historien. Car Laverdière ne tergiverse jamais et jamais n'hésite entre l'opinion que l'on a et l'opinion que l'on devrait avoir sur tel homme, telle époque ou tel événement historique.
* * *
C'est donc au milieu d'un groupe de matelots que Laverdière se présente. Les hardis malouins, les audacieux Bretons, compagnons de la fortune et de la gloire de Jacques Cartier apparaissent; au lieu d'une troupe de comédiens, c'est l'équipage d'une marine fran?aise qui donne à bord de trois vaisseaux, je ne dirai pas le premier acte, mais la première scène de cet immortel drame historique joué au Canada par la France Catholique royale, pendant trois siècles consécutifs, et sans chute de rideau. Laverdière n'est que le coryphée du spectacle; conséquemment il lui appartient, et, comme toutes les opinions que je lui prête, la critique qu'il en peut faire est réversible, et les lecteurs de ce livre ont le droit de l'applaudir ou de le siffler.
Un r?le d'équipage pour canevas! J'avoue la désespérante aridité de mon sujet; mais la logique de mon raisonnement autant que le but de mon travail n'empêchent de choisir. D'autre part, le mot No?l, pour qui le médite profondément, nous ouvre tout un horizon de l'histoire canadienne-fran?aise. Ce vieux cri de joie gauloise portera-t-il bonheur à cet essai littéraire? Mes espérances veulent répondre oui; mais je me souviens à temps que l'Avenir seul a la parole. D'ailleurs, étant donné l'ingratitude et le fardeau d'une pareille étude, je n'en estimerai mon succès que meilleur, si toutefois le succès... arrive.
S'il arrive! Eh! viendra-t-il jamais? Franchement j'aimerais mieux attendre la Justice. Cette redoutable Boiteuse tarde souvent jusqu'au soir de la vie; elle est lente, si lente quelquefois que les méchants, que les coupables, les impunis de tous les forfaits comme les heureux de tous les crimes, finissent par croire qu'il existe pour elle une vieillesse et qu'elle pourrait bien mourir avant eux. Mais Elle vient à son heure, toujours avant la fin, jamais trop tard. Le Succès, lui, n'est pas tenu d'arriver. Voilà ce qui inquiète. A tout événement, l'on me tiendra peut-être compte de n'avoir pas apporté à l'appui de ma thèse un exemple facile ou de labeur ou d'imagination.
ERNEST MYRAND
Québec, 25 décembre 1887.
éCOLE NORMALE-LAVAL Québec, 4 avril 1887.
L'honorable G. OUIMET. Surintendant de l'Instruction Publique.
MONSIEUR LE SURINTENDANT.
J'ai entendu lire l'ouvrage de Monsieur Ernest Myrand, Une fête de No?l sous Jacques Cartier. L'impression qui m'est restée de cette lecture est des plus favorables.
Au point de vue religieux, il ne m'a paru y avoir absolument rien à reprendre; au contraire, tout y est édifiant, moral, rempli de cette foi na?ve et ardente qui animait nos pieux ancêtres Bretons et Normands.
Au point de vue historique ce travail ne mérite que des éloges. L'auteur, pénétré de respect et d'affection pour les vénérables monuments de notre histoire a pris pour base de son récit nos plus anciennes annales, et a voulu rassurer et satisfaire les lecteurs sceptiques ou incrédules en mettant toujours en note le texte primitif des documents sur lesquels il s'appuie.
Cet ouvrage, qui a d? co?ter à son auteur beaucoup de recherches, me para?t propre à faire aimer notre histoire et à faire étudier nos vieilles archives, mine précieuse qui g?t depuis si longtemps dans la poussière de l'oubli et qui renferme encore tant de richesses inexplorées. Chaque fois que l'occasion s'en est présentée, le brillant écrivain à travaillé à grouper habilement une foule de faits historiques, à les lier en faisceaux et à en former comme une gerbe de lumière propre à éclairer la marche et à soulager la mémoire de l'étudiant; la vérité est partout respectée et l'on s'instruit en s'amusant à une saine lecture.
C'est un bon moyen, je crois, de vulgariser l'histoire consignée dans nos archives canadiennes comme Jules Verne a vulgarisé la science, en la présentant sous une forme attrayante et à la portée de tous les esprits. Tout Canadien aimera à lire Une fête de No?l sous Jacques Cartier et en retirera, sans aucun doute, de grands avantages.
Le style de cet ouvrage m'a paru élégant, facile, plein de chaleur et de mouvement, propre à en assurer le succès dans toutes les classes de la société.
Veuillez agréer, Monsieur le Surintendant, l'hommage de mon sincère et respectueux dévouement.
L. N. BéGIN, Ptre.
ARGUMENT ANALYTIQUE
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PROLOGUE
UN CAUSEUR D'AUTREFOIS.
Le 24 Décembre 1885, à
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