ces mots: «Votre réponse
positive dans une heure, par votre trompette avec le retour du mien, est
ce que je vous demande au péril de ce qui pourrait s'ensuivre.»
--Je ne vous ferai pas attendre si longtemps, riposta Frontenac! Et il
ajouta: «Dites à votre général que c'est par la bouche de mes canons et
à coups de fusil que je lui répondrai...»
Quand le parlementaire fut rendu à bord de son vaisseau, les soldats de
Québec saluèrent leurs ennemis par une salve d'artillerie. Un boulet
lancé par le brave Lemoyne de Ste Hélène fit tomber à l'eau le pavillon
amiral, que deux Canadiens, l'un de Québec et l'autre de Beauport,
allèrent chercher en canot d'écorce, sous une pluie de balles.
Ce glorieux trophée fut porté en triomphe à la cathédrale, où il resta
jusque en 1759.
Les premiers coups de canon tirés par les soldats de Frontenac furent le
signal d'une lutte qui dura six jours.
Bref, les Anglais essuyèrent une défaite humiliante, et ils disparurent
dans la nuit du 22 octobre...
Le général Phips perdit six cents hommes, et neuf de ses vaisseaux
sombrèrent dans le bas du fleuve avec une grande partie de leurs
équipages.
Frontenac, tout en immortalisant son nom, venait de sauver la colonie!
[Illustration: Déco]
[Illustration: Front.]
OÙ DUCHOUQUET SE RÉVÈLE UN ADROIT LIMIER
---
La veuve DeBoismorel avait recommencé ses gracieux envois de fleurs.
Son messager était un petit garçon d'une quinzaine d'années, à l'oeil vif
et intelligent. Il paraissait très discret. Aux questions qu'on lui posait
sur la provenance des fleurs, il répondait invariablement par un muet
sourire.
Un jour que Duchouquet passait en voiture près du marché de la
haute-ville, il aperçut le petit messager qui trottinait sur le trottoir.
--Où vas-tu donc de ce pas? lui cria-t-il.
--A la basse-ville et à Charlesbourg, monsieur.
--Alors, monte ici, nous ferons route ensemble, car je me rends
précisément au Bourg-Royal.
Le petit gâs, sans se faire prier, grimpa dans la voiture, heureux de
s'exempter une marche de sept milles.
--Aimes-tu les chevaux? lui demanda Duchouquet.
--Oh! oui, monsieur, je les aime beaucoup, beaucoup!
--Eh bien! prends les guides et conduis à ma place.
Puis, d'un air indifférent, il ajouta:
--Je te connais de vue depuis longtemps, mais j'ignore ton nom.
--Je m'appelle Louis Renaud, monsieur.
--Et tu demeures?
--Au pied du Coteau Sainte-Geneviève.
Duchouquet, craignant de paraître trop curieux, ne voulut pas lui en
demander davantage. Il lui offrit des bonbons qui furent agréés avec
joie.
Le gamin descendit chez un nommé Bédard, près de l'église de
Charlesbourg, et Duchouquet fit mine de continuer sa course dans la
direction de Bourg-Royal.
--Je viendrai te prendre dans une heure, dit-il à Louis Renaud.
--Merci, monsieur; je vous attendrai.
Le lecteur a sans doute deviné que Duchouquet n'avait nullement
l'intention de se rendre au Bourg-Royal. C'était un prétexte qu'il s'était
donné pour accompagner l'enfant, dans l'espoir d'en obtenir des
renseignements utiles.
Au bout d'une dizaine d'arpents, il attache son cheval à un arbre, alluma
sa pipe et s'assit sur le gazon.
Une heure plus tard, Duchouquet reprenait l'enfant qui portait un vase
rempli de framboises.
--Tiens! tiens! est-ce toi qui as cueilli ces jolis fruits?
--Oui, monsieur.
--C'est pour ton maître ou ta maîtresse sans doute?
--Non, monsieur, c'est pour moi-même.
--Veux-tu me les vendre?
--Oh! je n'oserais pas vous les vendre, mais vous me feriez un gros
plaisir si vous vouliez bien les accepter.
--Volontiers, fit Duchouquet; et il glissa dans la poche de l'enfant une
pièce de cinquante sols. Mais en retirant sa main, il sortit de la poche
(accidentellement en apparence) deux grandes enveloppes,
soigneusement scellées, qui tombèrent dans la voiture.
Il est bon de dire que, du coin de l'oeil, il avait déjà remarqué ces
enveloppes.
--Ah! ah! fit-il en riant, te voilà devenu facteur de Sa Majesté!
--Ce sont deux lettres pour la France qu'on m'a chargé de remettre au
capitaine du brigantin qui fera voile demain matin.
--Je puis d'éviter cette course, car je dois porter des colis, ce soir, à bord
du vaisseau, et je pourrai donner ces lettres au capitaine Blondin que est
mon meilleur am.
--Vous êtes vraiment trop bon; je vous remercie d'avance pour ce
nouveau service.
Duchouquet plaça les deux plis dans son gousset, et, ayant derechef
confié les guides à l'enfant il se croisa les bras et se prit à rêver à la
veuve DeBoismorel ou plutôt à la déception qu'il réservait à cette
intrigante.
Pas n'est besoin d'ajouter que le rusé renard, dès son retour au Château
Saint-Louis, remit les lettres au gouverneur.
Frontenac, après s'être fait raconter les détails de l'aventure, dit à son
serviteur:
--Je vous félicite. Vous avez déployé beaucoup de tact et d'adresse dans
cette affaire.
Resté seul, le gouverneur examina ces lettres dont l'une était adressée à
la
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