ces explications succinctes concernant les populations roumaines d'au delà du Danube. L'Occident conna?t moins, en effet, cet élément latin, malgré son importance en Macédoine comme intelligence, comme richesse, et même comme nombre[11].
[Note 11: La Macédoine s'est sensiblement dépeuplée depuis les tristes événements de ces dernières années, et ne compte guère plus de 1,800,000 habitants, chiffre qui se décompose approximativement de la fa?on suivante:
300,000 Turcs. 375,000 Roumains. 200,000 Albanais musulmans. 100,000 Albanais chrétiens. 450,000 Bulgares. 50,000 Serbes. 250,000 Grecs 100,000 Israélites.]
Il serait pourtant d'une absolue impossibilité d'arriver à une entente comprenant le royaume de Roumanie--bien qu'état extra-balkanique, sauf pour la Dobroudja--comme à un démembrement éventuel de la Turquie d'Europe, sans tenir compte de ce facteur important.
Il est bon de rappeler que le gouvernement ottoman, bien avant d'admettre, dans la commission des réformes, un délégué ?valaque? comme représentant d'un élément distinct,--un point sur lequel nous reviendrons,--a formellement reconnu aux Roumains de l'Empire l'indépendance religieuse, synonyme en Turquie d'individualité de race, et cela malgré l'énergique opposition du patriarcat grec de Constantinople.
Le patriarcat, en vertu d'une tradition ou plut?t d'une usurpation séculaire, tend à confondre l'orthodoxisme avec l'hellénisme dans l'ouest et le sud de la péninsule balkanique, et redoute, après l'hégémonie religieuse des Bulgares, celle des Roumains de Turquie, et vraisemblablement plus tard celle des Albanais du rite oriental. Notons en passant, ou plut?t répétons, puisque nous l'avons dit à propos de l'exarchat bulgare, que la volonté de ces différentes races de posséder une église propre, indépendante du patriarcat, ne constitue pas en réalité un schisme, du moment qu'elles restent fidèles à tous les dogmes de l'orthodoxie.
La propagande grecque en Macédoine est entrée ces temps derniers dans une phase de violence dangereuse, depuis qu'effrayée par les progrès de la cause roumaine, elle semble vouloir imiter les procédés d'intimidation des comitadjis bulgares[12]. Si cette attitude continuait à être ouvertement soutenue par les ministres de l'église patriarcale, elle constituerait un réel danger pour la paix en Macédoine et ne ferait sans doute que le jeu de l'Autriche-Hongrie, toute prête à faire avancer ses régiments de Novibazar pour venir rétablir l'ordre, au cas où l'Europe craindrait d'abandonner ce soin aux troupes impériales ottomanes.
[Note 12: Les collisions que l'on a signalées tout dernièrement dans diverses localités et notamment à Monastir, se sont d'ailleurs produites entre Roumains dits grécomanes ou hellénisés, fermement attachés à l'église grecque représentée par le Patriarcat, et Roumains que l'on pourrait appeler latinisants, c'est-à-dire qui recherchent avant tout, dans l'institution de communautés et d'églises roumaines, la conservation de leur individualité ethnique.]
Les panhellénistes sauraient-ils oublier--et ce souvenir devrait les incliner à l'équité--que les Roumains du Pinde et les Albanais, les premiers surtout, furent longtemps les plus fermes soutiens de l'hellénisme, et que l'un des précurseurs de la révolution grecque, le poète Rigas, Roumain de Thessalie, ne confondait pas dans ses chants les diverses races balkaniques, lorsqu'il s'écriait:
Bulgares et Albanais, Serbes et Roumains, épirotes et insulaires, d'un même élan Tirez le sabre pour la liberté; L'Hellade vous appelle et vous tend les bras!
Bulgares, Roumains, Serbes, Albanais et Grecs, telles sont précisément les nationalités épiro-macédoniennes que nous allons maintenant examiner avec quelque détail. à la classification établie, voici cent ans et plus, par le barde très averti de l'émancipation hellénique, nous n'aurons à ajouter, pour être complet, que les Monténégrins.
CHAPITRE III
LES BULGARES
La principauté de Bulgarie fut créée sur des bases assez équitables par le traité de Berlin; mais ses habitants n'ont jamais pu oublier que le traité de San-Stefano leur assignait un territoire s'étendant du Danube à l'Archipel et englobant la Macédoine et une partie de la Thrace. Aussi, pour arriver à regagner les frontières que voulait d'abord leur assurer la Russie et dont les priva le veto de l'Europe, les Bulgares ont-ils déployé une énergie, une audace révolutionnaire susceptibles de provoquer les plus grandes complications, si l'Autriche-Hongrie et la Russie, en tant que puissances mandataires, n'avaient assumé la charge d'enrayer leur action en Macédoine par l'application, si laborieuse, si décevante d'ailleurs, d'un programme de réformes.
Au point de vue historique, les prétentions des Bulgares à s'étendre seuls vers le sud ne sont pas plus légitimes que les prétentions des Grecs à s'étendre seuls vers le nord, puisque les territoires convoités par les uns et par les autres ont une population qui n'est en majorité ni slave ni hellénique. Dans tous les cas, les Bulgares ne sauraient invoquer le droit historique, puisque ce peuple, en partie composé d'éléments touraniens et finnois slavifiés, est le dernier venu de tous dans la péninsule balkanique, où il trouva, au sixième siècle, l'élément roumain, dont il subit l'influence civilisatrice et avec lequel il vécut en bonne intelligence.
Du septième au douzième siècle, l'histoire des Bulgares se confond avec celle des Roumains du sud; sous la dynastie des Assanides, l'Empire roumano-bulgare fait plus d'une fois trembler sur leur tr?ne les ma?tres de Byzance, qu'il s'agisse
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