Une Confédération Orientale comme solution de la Question dOrient (1905) | Page 5

Un Latin

Cette dernière ligne partirait de Cladova en Serbie, sur le Danube (au-dessous des Portes
de Fer), passerait par Nisch (Serbie), Prischtina, Ipek (Turquie), Podgoritza (Monténégro),
pour aboutir à Scutari d'Albanie; de là, une voie d'intérêt monténégrin rejoindrait Antivari
(Monténégro) et un second embranchement aboutirait sur le territoire ottoman à Médua.
La longueur totale de cette ligne ne dépasserait guère 500 kilomètres; elle permettrait à
l'Italie d'entrer en communication directe avec la Serbie, la Roumanie et la Russie, sans
recourir aux lignes austro-hongroises, et de contrebalancer les avantages que la
monarchie dualiste retirera bientôt du chemin de fer de Salonique. Une autre ligne, que
nous conseillerons comme intéressant au premier chef l'Italie et les pays balkaniques du
sud, serait celle qui partirait de Vallona en Albanie, pour rejoindre à Monastir la ligne
unissant cette dernière ville à Salonique et à Constantinople.
La voie de Bosnie à Salonique ne servira, en effet, que les intérêts de l'Allemagne et de
l'Autriche. La Vieille Serbie subit déjà la tutelle autrichienne et l'Albanie est menacée du
même sort. Ainsi, après avoir échappé au danger de l'invasion moscovite, les peuples
d'Orient seraient menacés de tomber au rang de satellites économiques et peut-être
politiques de la plus grande Allemagne!
L'Autriche-Hongrie occupe les côtes dalmates jusqu'à la frontière monténégrine; si elle
possédait de plus Durazzo et Vallona, en face de Brindisi et d'Otrante, cela constituerait

une menace intolérable pour l'Italie, qui devrait renoncer pour longtemps à voir ses ports
de Venise et de Bari dans une situation florissante.
Aussi Rome ne néglige-t-elle rien afin d'être prête à toute éventualité; et, d'autre part,
l'importance des crédits militaires et maritimes récemment approuvés par les Délégations,
à Vienne, serait de nature à faire croire que l'Autriche-Hongrie envisage, parmi les
obstacles qui pourraient lui barrer la route de Salonique, non seulement les peuples slaves
balkaniques, mais peut-être encore son actuelle alliée latine.
Et il ne s'agit pas pour celle-ci d'un caprice ou d'un besoin nouvellement senti: déjà, dans
ses discours, le grand Cavour avait souvent témoigné de tout l'intérêt qu'il attachait à la
question d'Orient et en particulier à la question adriatique.
Comme l'a fort bien dit M. Charles Loiseau, dans son remarquable ouvrage intitulé
l'Équilibre adriatique: «La seule affinité géographique convie à un rapprochement
Italiens et «Balkaniens». La rareté de leurs relations commerciales est une offense à la
nature qui les unit par un mince bras de mer. Leur intérêt commun est manifestement de
disputer à l'Autriche-Hongrie la route de Salonique.»
«Il importe à la Serbie, au Monténégro, même à la Bulgarie, que le gouvernement de
Rome fasse sentir son influence de l'autre côté du canal d'Otrante. Et réciproquement, il
importe à l'Italie que, par leur poids spécifique, ces petits États contribuent à l'équilibre
albano-macédonien.»
On voit donc qu'il existe de nombreux points noirs à l'horizon du côté des grandes
puissances, soit alliées, soit temporairement associées dans un but de réformes à établir. Il
n'y a pas longtemps que les menées et les soulèvements bulgares, l'anarchie et la terreur
répandue par les fameux comitadjis, ont failli compromettre le classique équilibre
européen et provoquer des complications internationales. Et voici qu'un comité
macédonien-hellène vient de se constituer en Grèce pour lutter, en Macédoine, contre
cette terreur révolutionnaire répandue par les Bulgares et venger tous les meurtres de
Grecs dans ces régions. On ne calomnie peut-être pas ce nouveau comité en lui prêtant
d'autres visées; dans tous les cas, composé lui-même d'éléments révolutionnaires, il ne
saurait faire de l'ordre avec du désordre.
C'est le mouvement slave et les représailles turques, qui en furent la conséquence, qui ont
précisément remis sur le tapis la question d'Orient.
Cette fois, la Russie et l'Autriche-Hongrie, en tant que mandataires de l'Europe, ont réussi
à réaliser un des points principaux du programme de Murszteg: une gendarmerie
internationale a été créée. Des officiers étrangers, de nationalités diverses, ayant à leur
tête le général italien De Georgis, déploient une activité très méritoire qui ne peut
manquer de donner quelques résultats favorables[6]. Il va sans dire que la Turquie
n'accepte qu'à son corps défendant ce contrôle européen qui l'atteint dans son autorité
souveraine, son prestige et même sa sécurité; mais elle cède devant l'insistance
particulièrement menaçante de l'Autriche-Hongrie.
[Note 6: L'action de la gendarmerie européenne en Macédoine a été répartie en cinq

secteurs: les Autrichiens sont à Uskub, les Italiens à Monastir, les Anglais à Kavala, les
Français à Serrès et les Russes à Salonique.]
Cette réforme aboutira-t-elle complètement, et les petits États intéressés à se partager le
domaine européen des Turcs laisseront-ils ceux-ci, en les supposant même sincères,
persévérer dans la voie des réformes? Nous ne le croyons pas.
Car, à l'imitation et à l'incitation de certaines grandes puissances, les États balkaniques
gravitent, de leur côté, autour de la politique de conquête, chacun mettant des bornes,
dans le présent, à son idéal particulier,
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