Ubu Roi | Page 9

Alfred ry
de soif et sommes fatigué. Sire Soldat, ayez l'obligeance de porter notre casque à finances, et vous, sire Lancier, chargez-vous du ciseau à merdre et du baton à physique pour soulager notre personne, car, je le répète, nous sommes fatigué.
(Les soldats obéissent.)
Pile:
--Hon! Monsieuye! il est étonnant que les Russes n'apparaissent point.
Père Ubu:
--Il est regrettable que l'état de nos finances ne nous permette pas d'avoir une voiture à notre taille; car, par crainte de démolir notre monture, nous avons fait tout le chemin à pied, tra?nant notre cheval par la bride. Mais quand nous serons de retour en Pologne, nous imaginerons, au moyen de notre science en physique et aidé des lumières de nos conseillers, une voiture à vent pour transporter toute l'armée.
Cotice:
--Voilà Nicolas Rensky qui se précipite.
Père Ubu:
--Et qu'a-t-il, ce gar?on?
Rensky:
--Tout est perdu, Sire, les Polonais sont révoltés. Giron est tué et la Mère Ubu est en fuite dans les montagnes.
Père Ubu:
--Oiseau de nuit, bête de malheur, hibou à guêtres! Où as-tu péché ces sornettes? En voilà d'une autre! Et qui a fait ?a? Bougrelas, je parie. D'où viens-tu?
Rensky:
--De Varsovie, noble Seigneur.
Père Ubu:
--Gar?on de ma merdre, si je t'en croyais je ferais rebrousser chemin à toute l'armée. Mais, seigneur gar?on, il y a sur tes épaules plus de plumes que de cervelle et tu as rêvé des sottises. Va aux avant-postes mon gar?on, les Russes ne sont pas loin et nous aurons bient?t à estocader de nos armes, tant à merdre qu'à phynances et à physique.
Le général Lascy:
--Père Ubu, ne voyez-vous pas dans la plaine les Russes?
Père Ubu:
--C'est vrai, les Russes! Me voilà joli. Si encore il y avait moyen de s'en aller, mais pas du tout, nous sommes sur une hauteur et nous serons en butte à tous les coups.
L'Armée:
--Les Russes! L'ennemi!
Père Ubu:
--Allons, messieurs, prenons nos dispositions pour la bataille. Nous allons rester sur la colline et ne commettrons point la sottise de descendre en bas. Je me tiendrai au milieu comme une citadelle vivante et vous autres graviterez autour de moi. J'ai à vous recommander de mettre dans les fusils autant de balles qu'ils en pourront tenir, car 8 balles peuvent tuer 8 Russes et c'est autant que je n'aurai pas sur le dos. Nous mettrons les fantassins à pied au bas de la colline pour recevoir les Russes et les tuer un peu, les cavaliers derrière pour se jeter dans la confusion, et l'artillerie autour du moulin à vent ici présent pour tirer dans le tas. Quant à nous, nous nous tiendrons dans le moulin à vent et tirerons avec le pistolet à phynances par la fenêtre, en travers de la porte nous placerons le baton à physique, et si quelqu'un essaye d'entrer, gare au croc à merdre!!!
Officiers:
--Vos ordres, Sire Ubu, seront exécutés.
Père Ubu:
--Eh cela va bien, nous serons vainqueurs. Quelle heure est-il?
Le général Lascy:
--Onze heures du matin.
Père Ubu:
--Alors, nous allons d?ner, car les Russes n'attaqueront pas avant midi. Dites aux soldats, Seigneur Général, de faire leurs besoins et d'entonner la Chanson à Finances.
(Lasky s'en va.)
Soldats et Palotins:
--Vive le Père Ubu, notre grand Financier! Ting, ting, ting; ting, ting, ting; ting, ting, tating!
Père Ubu:
--O les braves gens, je les adore. (Un boulet russe arrive et casse l'aile du moulin.) Ah! j'ai peur, Sire Dieu, je suis mort! et cependant non, je n'ai rien.

Scène IV
LES MêMES, UN CAPITAINE, puis L'ARMéE RUSSE.
Un Capitaine (arrivant):
--Sire Ubu, les Russes attaquent.
Père Ubu:
--Eh bien, après, que veux-tu que j'y fasse? ce n'est pas moi qui le leur ai dit. Cependant, Messieurs des Finances, préparons-nous au combat.
Le Général Lascy:
--Un second boulet.
Père Ubu:
--Ah! je n'y tiens plus. Ici il pleut du plomb et du fer et nous pourrions endommager notre précieuse personne. Descendons. (Tous descendent au pas de course. La bataille vient de s'engager. Ils disparaissent dans des torrents de fumée au pied de la colline.)
Un Russe (frappant).
--Pour Dieu et le Czar!
Rensky:
--Ah! je suis mort.
Père Ubu:
--En avant! Ah, toi, Monsieur, que je t'attrape, car tu m'as fait mal, entends-tu? sac à vin! avec ton flingot qui ne part pas.
Le Russe:
--Ah! voyez-vous ?a. (Il lui tire un coup de revolver.)
Père Ubu:
--Ah! Oh! Je suis blessé, je suis troué, je suis perforé, je suis administré, je suis enterré. Oh, mais tout de même! Ah! je le tiens, (Il le déchire.) Tiens! recommenceras-tu, maintenant!
Le général Lascy:
--En avant, poussons vigoureusement, passons le fossé. La victoire est à nous
Père Ubu:
--Tu crois? Jusqu'ici je sens sur mon front plus de bosses que de lauriers.
Cavaliers russes:
--Hurrah! Place au Czar!
Le Czar arrive accompagné de Bordure déguisé.)
Un Polonais:
--Ah! Seigneur! Sauve qui peut, voilà le Czar!
Un Autre:
--Ah! mon Dieu! il passe le fossé.
Un Autre:
--Pif! Paf! en voilà quatre d'assommés par ce grand bougre de lieutenant.
Bordure:
--Ah! vous n'avez pas fini, vous autres! Tiens, Jean Sobiesky, voilà ton compte. (Il l'assomme.) A d'autres, maintenant! (Il fait un massacre de Polonais.)
Père Ubu:
--En avant, mes amis! Attrapez ce bél?tre!
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