Tribulat Bonhomet | Page 9

Auguste
ayant suffisamment troubl�� l'esprit,--nous montames respirer sur le tillac o�� nous allumames nos cigares.
Je m'��tais abstenu, durant le banquet, de me m��ler �� la discussion politique--(toujours si anim��e en ces occasions),--qui avait ��clat��, naturellement, aux entremets.
Ce genre de discussions ne me para?t int��ressant qu'avec les dames.
H��! qui serait, alors, insensible �� leurs fins sourires, �� leurs exclamations intempestives et gracieuses, �� leur air entendu, aux louables efforts de leurs prunelles pour para?tre p��n��trantes, inqui��tes, surprises, etc.!... Je le r��p��te: la discussion politique avec les dames est une chose captivante et qui donne �� songer.
Afin de m��riter leur estime et leur confiance, ma physionomie devient alors plus bienveillante, plus paternelle, plus tendre que de coutume! et je leur d��bite gravement, en baissant les yeux, les absurdit��s les plus r��voltantes, que mes cheveux blancs font v��n��rer. De sorte que mes moindres paroles font foi pr��s du sexe enchanteur.
Du reste, la conversation politique serait tout aussi amusante avec le sexe fort si celui-ci savait y apporter la grace et l'enjouement d��sirables;--car je n'ai jamais entendu personne rien pr��voir de vraiment s��rieux en fait d'��v��nements.
Sir Henry Clifton, lui aussi, n'avait pas desserr�� les l��vres; ce qui fait que j'avais de lui une haute opinion: rien ne me paraissant plus difficile que le silence �� son age. En politique, il devait, pr��sumai-je, partager mes id��es, et je puis les notifier ainsi:
Par tout pays, tout citoyen, digne de ce nom, dispose, entre ses travaux et ses repas, d'environ trois heures de loisir par jour. Il comble, �� l'ordinaire, ces moments de r��pit �� l'aide d'une petite causerie, digestive et innocente, sur les affaires de sa patrie. Or, s'il ne se passe rien de marquant ni de ?grave?. sur quoi pourra-t-il fonder sa discussion?--Il s'ennuiera, faute de sujet d'entretien:--et l'ennui des citoyens est fatal presque toujours aux chefs des ��tats. Le bras est pr��s de fonctionner quand la langue est oisive, et, comme il faut remplir les trois heures pr��cit��es, le causeur d'hier devient l'��meutier d'aujourd'hui. Voil�� le triste secret des r��volutions.
Il me para?t donc du devoir de tout bon gouvernement de susciter, le plus souvent possible, des guerres, des ��pid��mies, des craintes, des esp��rances, des ��v��nements de tout genre (heureux ou malheureux, peu importe), des choses, enfin, capables d'alimenter la petite causerie innocente et digestive de chaque citoyen.
Apr��s vingt, trente, quarante ann��es de qui-vive! perp��tuel, les rois ont d��tourn�� l'attention: ils ont r��gn�� tranquillement, se sont bien amus��s, et tout le monde est content. Voil��, selon moi, l'une des d��finitions principales de la haute diplomatie: occuper l'esprit des citoyens, �� quelque prix que ce soit, afin d'��viter soi-m��me toute attention, quand on eut l'honneur de recevoir des mains de Dieu la mission de gouverner les hommes! Et Machiavelli,--mon ma?tre bien-aim��--(je pleure en pronon?ant ce nom),--n'a jamais trouv�� une formule plus nette que celle-l��! On con?oit donc mon indiff��rence pour les ��v��nements, les soudainet��s politiques et les complications des cabinets de l'Europe; je laisse l'int��r��t des controverses qu'ils suscitent �� des esprits cari��s par une soif natale de perdre le temps.
Je louai donc in petto sir Henry Clifton pour sa r��serve et pour sa mani��re silencieuse de boire.
Sir Henry Clifton ��tait vraiment dans un ��tat plus prononc�� que le ?gris d'officier?; il poss��dait la couleur compl��mentaire, et je vis que le chapitre approchait des expansions sentimentales.
Moi, j'avais tout mon sang-froid, et je guettai ma victime. La nuit ��tait couverte d'��toiles. Le vent nord-ouest fra?chissait et nous poussait doucement: la lanterne rouge du banc de quart illuminait l'��cume et la bu��e d'argent des flots contre le bois du navire. Par instants les hurrahs du punch des officiers nous parvenaient, �� travers l'entrepont, m��l��s aux immenses bruits de la houle.
Le voyant silencieux, je craignis une question sur mon genre de vie et--peut-��tre--sur mes travaux!... J'entamai donc la conversation, suivant mes proc��d��s irr��sistibles:
--Oui, tenez, dis-je, mon jeune ami! Parbleu! j'ai votre affaire! Dois-je vous l'avouer?--J'y songe depuis que j'ai eu le v��ritable plaisir de vous serrer la main.--(Ici, je baissai la voix en regardant vaguement devant moi comme un homme qui se parle �� lui-m��me):--C'est l��, j'en risquerais la gageure, ce qui vous convient.--Personne capable!--Veuve aventureuse, exp��riment��e, toutefois!--Une belle femme! --Caract��re de seconde main!--Fortune,--oh! fortune des Mille et une Nuits!... C'est le mot.--Oui, ajoutai-je,--(et je levai brusquement les sourcils en fixant des yeux ternes sur son ��paulette),--oui, c'est l�� tout �� fait votre affaire.
Apr��s une certaine stupeur--pr��vue:
--Ah! ah! s'��cria sir Henry Clifton, en secouant, par contenance, avec son petit doigt, la cendre de son cigare. Ah! Ah! L'excellent, le malin docteur!--Du diable, si je comprends!
Ce fut avec mansu��tude que je posai la main sur son bras, et que, les yeux absolument noy��s dans l'espace c��leste, je lui soufflai dans l'oreille:
--Une pr��sentation, sauf obstacle, peut avoir lieu lundi, dans la journ��e, de une heure �� deux--et votre hymen serait perp��tr�� dans
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