Traduction nouvelle, Tome II | Page 9

Aristophanes
ce qui dépend du conseil et de la
délibération repose sur toi.
LA HUPPE.
Non, de par Zeus! ce n'est plus pour nous le moment de sommeiller, ni
de temporiser à la façon de Nikias; mais il faut agir au plus vite. Et
d'abord entrez dans mon nid, sur ma paille, sur les feuilles sèches que
voici, et dites-moi votre nom.
PISTHÉTÆROS.
C'est chose facile: mon nom est Pisthétæros.
LA HUPPE.
Et lui?
EVELPIDÈS.
Evelpidès, du dême de Krios.
LA HUPPE.
Bonne chance à tous les deux!
PISTHÉTÆROS.
Nous acceptons l'augure.
LA HUPPE.
Entrez donc.

PISTHÉTÆROS.
Allons. Toi, sers-nous de guide.
LA HUPPE.
Allez.
PISTHÉTÆROS.
Hé! hé! l'ami! reviens vite sur tes pas. Voyons, voyons, dis-nous un peu.
Comment, moi et mon compagnon, vivrons-nous avec vous la gent
ailée, étant tous deux sans ailes?
LA HUPPE.
Facilement.
PISTHÉTÆROS.
Vois maintenant comme dans les fables æsopiques il est dit que le
renard fit un jour imprudemment société avec l'aigle.
LA HUPPE.
Ne crains rien. Vous mangerez d'une certaine racine qui vous donnera
des ailes à tous les deux.
PISTHÉTÆROS.
Entrons donc. Tiens, Xanthias et toi, Manodoros, prenez notre bagage.
LE CHOEUR.
Holà, toi! Je t'appelle, je t'appelle!
LA HUPPE.
Pourquoi m'appelles-tu?

LE CHOEUR.
Emmène ces gens faire un bon dîner avec toi; mais le rossignol aux
doux chants, dont la voix égale celle des Muses, laisse-le ici près de
nous, en nous quittant, afin que nous en soyons charmés.
PISTHÉTÆROS.
Oh! de par Zeus! cède à leurs désirs. Fais sortir l'aimable oiseau des
joncs à ombelles.
EVELPIDÈS.
Fais-le sortir, au nom des dieux, afin que nous voyions l'oiseau
chanteur.
LA HUPPE.
Puisqu'il vous plaît ainsi, je dois le faire. Sors, Proknè, et montre-toi à
nos hôtes. (Proknè paraît.)
PISTHÉTÆROS.
O Zeus vénéré, quelle jolie petite personne ailée! Quelle délicatesse,
quel éclat!
EVELPIDÈS.
Sais-tu que je la cajolerais avec plaisir?
PISTHÉTÆROS.
Quelle riche parure d'or! On dirait d'une vierge.
EVELPIDÈS.
Je serais tout à fait en humeur de lui donner des baisers.
PISTHÉTÆROS.

Mais, mon pauvre garçon, elle a un bec long de deux broches.
EVELPIDÈS.
Eh bien, de par Zeus! il n'y a qu'à enlever l'écaillé qui lui couvre la tête,
et à lui donner ensuite de bons baisers.
LA HUPPE.
Allons-nous-en.
PISTHÉTÆROS.
Guide-nous, et à la Bonne Fortune!
PARABASE ou CHOEUR.
O aimée, ô charmante, ô la plus chérie de toute la gent ailée, compagne
de mes chants, rossignole, nourrie avec moi, tu es venue, tu es venue,
on te voit, tu m'apportes ton chant suave. Allons, toi qui modules sur la
flûte harmonieuse des accents printaniers, prélude à mes anapestes. (On
entend le son d'une flûte.)
Voyons, humains, aveugles de nature, êtres semblables à des feuilles,
créatures de rien, pétris de boue, pareils à des ombres, inintelligents,
privés d'ailes, éphémères, infortunés mortels, qu'on prendrait pour des
songes, prêtez l'oreille à nous, qui sommes immortels, durant toujours,
aériens, exempts de vieillesse, occupés de pensées impérissables.
Quand vous aurez appris parfaitement de nous les phénomènes d'en
haut, la nature des oiseaux, la genèse des dieux et des fleuves, de
l'Érébos et du Khaos, votre science parfaite vous permettra de dire
adieu de ma part à Prodikos pour le reste.
Le Khaos, la Nuit, le noir Érébos et le vaste Tartaros existaient au
commencement: il n'y avait ni terre, ni air, ni ciel. Dans le sein infini de
l'Érébos, la Nuit aux ailes noires enfante d'abord un oeuf sans germe,
d'où, après des révolutions d'années, naquit le gracieux Érôs au dos
brillant de deux ailes d'or, semblable aux tourbillons roulés par le vent.

Érôs, uni au Khaos ailé et ténébreux, dans le vaste Tartaros, engendra
notre race, et la produisit tout d'abord à la lumière. Ainsi, à l'origine, la
race des immortels n'existait pas encore, avant qu'Érôs eût tout uni. Les
éléments une fois unis les uns aux autres, parut le Ciel, l'Océan, la
Terre et les dieux bienheureux, race éternelle. Voilà comment nous
sommes les plus anciens de tous les bienheureux: que nous sommes fils
d'Érôs, mille preuves l'attestent. Nous avons des ailes et nous sommes
avec ceux qui aiment. Nombre de beaux garçons, qui avaient juré le
contraire, au déclin de leur jeunesse, ont éprouvé notre puissance, et se
sont prêtés à des amants qui offraient l'un une caille, l'autre un
porphyrion, celui-ci une oie, celui-là un oiseau persique. Les mortels,
c'est de nous, oiseaux, qu'ils reçoivent les plus grands services. D'abord
nous leur indiquons les saisons, printemps, hiver, automne: semer,
lorsque la grue, sonnant de la trompette, émigré vers la Libyè et avertit
le nocher de suspendre le gouvernail et de dormir; elle conseille à
Orestès de se tisser une læna, afin qu'il n'aille pas, parce qu'il grelotte,
dépouiller autrui. Le milan, à son tour, par sa venue, annonce une autre
saison, c'est-à-dire le moment de tondre la toison printanière des brebis;
puis
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