d'être le flagorneur du peuple et n'hésitant jamais à lui dire la
vérité.
Cela se vit bien aux Jacobins, le 19 mars 1792, quand le ministre
girondin Dumouriez vint, coiffé du bonnet rouge, promettre à la société
de se conduire en bon patriote. Au moment où, la tête nue et les
cheveux poudrés, Robespierre se dirigeait vers la tribune pour lui
répondre, un _sans-culotte_ lui mit un bonnet rouge sur la tête. Aussitôt
il arracha le bonnet sacré et le jeta dédaigneusement à terre, témoignant,
par là, combien peu il était disposé à flatter bassement la multitude.
Dès le mois de juillet, il posa nettement, dans son journal et à la tribune
des Jacobins, la question de la déchéance et de la convocation d'une
Convention nationale. «Est-ce bien Louis XVI qui règne? écrivit-il.
Non, ce sont tous les intrigants qui s'emparent de lui tour à tour.
Dépouillé de la confiance publique, qui seule fait la force des rois, il
n'est plus rien par lui-même.»
«... Au-dessus de toutes les intrigues et de toutes les factions, la nation
ne doit consulter que les principes et ses droits. La puissance de la cour
une fois abattue, la représention nationale régénérée, et surtout la nation
assemblée, le salut public est assuré.»
Le 10 août, le peuple fit violemment ce que Robespierre aurait voulu
voir exécuter par la puissance législative. Il le félicita de son heureuse
initiative et complimenta l'Assemblée d'avoir enfin effacé, au bruit du
canon qui détruisait la vieille monarchie, l'injurieuse distinction établie,
malgré lui, par la Constituante entre les citoyens actifs et les citoyens
non actifs.
Dans la soirée même, sa section, celle de la place Vendôme, le nomma
membre du nouveau conseil général de la commune. Élu président du
tribunal institué pour juger les conspirateurs, il donna immédiatement
sa démission en disant qu'il ne pouvait être juge de ceux qu'il avait
dénoncés, et qui, «s'ils étaient les ennemis de la patrie, s'étaient aussi
déclarés les siens».[3]
[Note 3: Lettre insérée dans le Moniteur du 28 août 1792.]
Nommé également membre de l'assemblée électorale chargée de choisir
les députés à la Convention nationale, Il prit peu de part aux
délibérations de la Commune. Le bruit des affreux massacres de
septembre vint tardivement le frapper au milieu de ses fonctions
d'électeur. A cette nouvelle, il se rendit au conseil général où, avec
Deltroy et Manuel, il reçut la mission d'aller protéger la prison du
Temple qui fut, en effet, épargnée par les assassins.[4]
[Note 4: Procès-verbaux du conseil général de la commune de Paris.
Archives de la ville, v. 22, carton 0.70.]
Jusqu'ici, rien de sanglant n'apparaît ni dans ses actes ni dans ses
paroles. Maintenant, jusqu'où doit aller, devant l'histoire, sa part de
responsabilité dans les mesures sévères, terribles que, pour sauver la
Révolution et la patrie, la Convention allait bientôt prendre ou ratifier?
C'est ce dont le lecteur jugera d'après ce récit, écrit d'après les seules
sources officielles, authentiques et originales.
IV
Élu membre de la Convention nationale par les électeurs de Paris,
Robespierre fut, dès les premières séances, l'objet d'une violente
accusation de la part des hommes de la Gironde. Déjà Guadet, aux
Jacobins, lui avait reproché amèrement d'être l'idole du peuple, et
l'avait exhorté naïvement à se soustraire par l'ostracisme à cette
idolâtrie. Lasource l'accusa d'aspirer à la dictature. A l'accusation
dirigée contre lui, il opposa toute sa vie passée. «La meilleure réponse à
de vagues accusations est de prouver qu'on a toujours fait des actes
contraires. Loin d'être ambitieux, j'ai toujours combattu les ambitieux.
Ah! si j'avais été l'homme de l'un de ces partis qui, plus d'une fois,
tentèrent de me séduire, si j'avais transigé avec ma conscience et trahi
la cause du peuple, je serais à l'abri des persécutions....»
Barbaroux et Louvet vinrent à la rescousse. Le frivole auteur de
Faublas, devançant les Thermidoriens, voulait absolument que la
Convention frappât d'un acte d'accusation l'adversaire de son parti,
parce qu'on l'avait proclamé l'homme le plus vertueux de France et que
l'idolâtrie dont un citoyen était l'objet pouvait être mortelle à la patrie,
parce qu'on l'entendait vanter constamment la souveraineté du peuple,
et qu'il avait abdiqué le poste périlleux d'accusateur public. Malgré le
vide et le ridicule de ces accusations, une partie de la Convention
applaudit à la robespierride de Louvet, que le ministre Roland fit
répandre dans les provinces à quinze mille exemplaires.
Écrasante fut la réponse de Robespierre. Il n'eut pas de peine à prouver
qu'à l'époque où l'on prétendait qu'il exerçait la dictature, toute la
puissance était entre les mains de ses adversaires. Après avoir reproché
à ceux-ci de ne parler de dictature que pour l'exercer eux-mêmes sans
frein, il termina par un appel à la conciliation, ne demandant d'autre
vengeance contre ses calomniateurs «que le retour de la paix et le
triomphe de la liberté».
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