Teverino | Page 9

George Sand
dit Sabina. Je crois que vous l'avez recrut�� pour me punir d'avoir pris un peu d'humeur de la rencontre de la marquise.
--J'ai peut-��tre eu un motif plus s��rieux, r��pondit L��once. Vous ne le devinez pas?
--Nullement.
--Je veux bien vous le dire; mais c'est �� condition que vous l'��couterez tr��s-s��rieusement.
--Vous m'inqui��tez!
--C'est d��j�� quelque chose. Sachez donc que j'ai mis ce tiers entre nous pour me pr��server moi-m��me.
--Et de quoi, s'il vous pla?t?
--Du danger cach�� au fond de toutes les conversations qui roulent sur l'amour entre jeunes gens.
--Parlez pour vous, L��once; je ne me suis pas aper?ue de ce danger. Vous m'aviez promis de ne pas laisser l'ennui approcher de moi; je comptais sur votre parole, j'��tais tranquille.
--Vous raillez? C'est trop facile. Vous m'aviez promis plus de gravit��.
--Allons, je suis tr��s-grave, grave comme ce cur��. Que vouliez-vous dire?
--Que, seul avec vous, j'aurais pu me sentir ��mu et perdre ce calme d'o�� d��pend ma puissance sur vous aujourd'hui. Je fais ici l'office de magn��tiseur pour endormir votre irritation habituelle. Or, vous savez que la premi��re condition de la puissance magn��tique c'est un flegme absolu, c'est une tension de la volont�� vers l'id��e de domination immat��rielle; c'est l'absence de toute ��motion ��trang��re au ph��nom��ne de l'influence myst��rieuse. Je pouvais me laisser troubler, et arriver �� ��tre domin�� par votre regard, par le son de votre voix, par votre fluide magn��tique, en un mot, et alors les r?les eussent ��t�� intervertis.
--Est-ce que c'est une d��claration, L��once? dit Sabina avec une hauteur ironique.
--Non, Madame; c'est tout le contraire, r��pondit-il tranquillement.
--Une impertinence, peut-��tre?
--Nullement. Je suis votre ami depuis longtemps, et un ami s��rieux, vous le savez bien, quoique vous soyez une femme ��trange et parfois injuste. Nous nous sommes connus enfants: notre affection fut toujours loyale et douce. Vous l'avez cultiv��e avec franchise, moi avec d��vouement. Peu d'hommes sont autant mes amis que vous, et je ne recherche la soci��t�� d'aucun d'eux avec autant d'attrait que la v?tre. Cependant vous me causez quelquefois une sorte de souffrance ind��finissable. Ce n'est pas le moment d'en rechercher la cause; c'est un probl��me int��rieur que je n'ai pas encore cherch�� �� r��soudre. Ce qu'il y a de certain, c'est que je ne suis pas amoureux de vous et que je ne l'ai jamais ��t��. Sans entrer dans des explications qui auraient peut-��tre quelque chose de trop libre apr��s cette d��claration, je pense que vous comprenez pourquoi je ne veux pas ��tre ��mu aupr��s d'une femme aussi belle que vous, et pourquoi la figure paisible et rebondie qui est l�� m'��tait n��cessaire pour m'emp��cher de vous trop regarder.
--En voil�� bien assez, L��once, r��pondit Sabina, qui affectait d'arranger ses manchettes afin de baisser la t��te et de cacher la rougeur qui br?lait ses joues. C'en est m��me trop. Il y a quelque chose de blessant pour moi dans vos pens��es.
--Je vous d��fie de me le prouver.
--Je ne l'essaierai pas. Votre conscience doit vous le dire.
--Nullement. Je ne puis vous donner une plus grande preuve de respect que de chasser l'amour de mes pens��es.
--L'amour! Il est bien loin de votre coeur! Ce que vous croyez devoir craindre me flatte peu; je ne suis pas une vieille coquette pour m'en enorgueillir.
--Et pourtant, si c'��tait l'amour, l'amour du coeur comme vous l'entendez, vous seriez plus irrit��e encore.
--Afflig��e peut-��tre, parce que je n'y pourrais pas r��pondre, mais irrit��e beaucoup moins que je ne le suis par l'aveu de votre souffrance _ind��finissable_.
--Soyez franche, mon amie; vous ne seriez m��me pas afflig��e; vous ririez, et ce serait tout.
--Vous m'accusez de coquetterie? vous n'en avez pas le droit: qu'en savez-vous, puisque vous ne m'avez jamais aim��e, et que vous ne m'avez jamais vue aimer personne?
--��coutez, Sabina, il est certain que je n'ai jamais essay�� de vous plaire. Tant d'autres ont ��chou��! Sais-je seulement si quelqu'un a jamais r��ussi �� se faire aimer de vous? Vous me l'avez pourtant dit une fois, dans un jour d'expansion et de tristesse; mais j'ignore si vous ne vous ��tes pas vant��e par exaltation. Si je vous avais laiss�� voir que je suis capable d'aimer ardemment, peut-��tre eussiez-vous reconnu que je m��ritais mieux que votre amiti��. Mais, pour vous le faire comprendre, il e?t fallu ou vous aimer ainsi, ce que je nie, ou feindre, et m'enivrer de mes propres affirmations. Cela e?t ��t�� indigne de la noblesse de mon attachement pour vous, et je ne sais pas descendre �� de telles ruses: ou bien encore, il e?t fallu vous raconter les secrets de ma vie, vous peindre mon vrai caract��re, me vanter en un mot. Fi! et n'��tre pas compris, ��tre raill��!... Juste punition de la vanit�� pu��rile! Loin de moi une telle honte!
--De quoi vous justifiez-vous donc, L��once? Est-ce que je me plains de n'avoir que votre amiti��? est-ce que j'ai jamais d��sir�� autre chose?
--Non, mais de ce que je m'observe si scrupuleusement,
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