Voulez-vous que je me fasse soeur de charit��? Je ne demande pas mieux que de surmonter mes d��go?ts en vue de la charit��; mais vous voulez que je cherche le bonheur de l'amour, l�� o�� je ne vois �� pratiquer que l'immolation de la p��nitence!
--Je ne vous pr��cherai rien, Sabina; je ne vaux ni mieux ni moins que vous; seulement, je crois avoir un instinct plus chaud, un d��sir plus ardent de la dignit�� de l'homme, et cette ardeur vraie est venue le jour o�� je me suis senti artiste. Depuis ce jour le genre humain m'est apparu, non pas partag�� en castes diverses, mais sem�� de types sup��rieurs par eux-m��mes. Je ne crois donc pas l'habitude assez influente sur les ames, assez destructive du pouvoir divin, pour avoir fl��tri �� jamais la post��rit�� des esclaves. Quand il pla?t �� Dieu que la Fornarina soit belle, et que Rapha?l ait du g��nie, ils s'aiment sans se demander le nom de leurs a?eux. La beaut�� de l'ame et du corps, voil�� ce qui est noble et respectable; et, pour ��tre sortie d'une ronce, la fleur de l'��glantier n'est pas moins suave et moins charmante.
--Oui, mais pour aller la respirer, il faut vous d��chirer dans de sauvages buissons. Et puis, L��once, nous ne pouvons pas voir de m��me la beaut�� id��ale. Vous ��tes homme et artiste, c'est-��-dire que vous avez un sentiment �� la fois plus mat��riel et plus exalt�� de la forme; votre art est mat��rialiste. C'est le divin Rapha?l ��pris de la robuste Fornarina. Eh bien, oui! la ma?tresse du Titien me parait aussi une belle grosse femme sensuelle, nullement id��ale.....Nous autres patriciennes, nous ne concevons pas... Mais, grand Dieu! voici un ��quipage qui vient �� nous, et qui ressemble tout �� fait �� celui de la marquise!
--Et c'est elle-m��me avec le jeune docteur!
--Voyez, L��once, voici une femme plus facile �� satisfaire que moi! Nous allons surprendre une intrigue. Elle se faisait passer pour malade, et la voil�� qui se prom��ne avec...
--Avec son m��decin, comme vous avec le v?tre, Madame. Elle s'amuse par ordonnance.
--Oui, mais vous n'��tes que le m��decin de mon ame...
--Vous ��tes cruelle, Sabina! que savez-vous si ce beau jeune homme ne s'adresse pas plut?t �� son coeur qu'�� ses sens?... Et si elle pensait aussi mal de vous, ne serait-elle pas profond��ment injuste, puisque moi, qui suis en t��te-��-t��te avec vous, je ne m'adresse ni �� votre coeur, ni...
--Juste ciel! L��once! vous m'y faites penser. Elle est m��chante, elle a besoin de se justifier par l'exemple des autres... elle va passer pr��s de nous. Elle est hardie; au lieu de se cacher elle va nous observer, me reconna?tre... c'est peut-��tre d��j�� fait!
--Non, Madame, r��pondit L��once, votre voile est baiss��, et elle est encore loin; d'ailleurs... prends �� gauche, le chemin de Sainte-Apollinaire! cria-t-il au jockey qui lui servait de cocher, et qui conduisait avec vitesse et r��solution.
Le wurst s'enfon?a dans un chemin ��troit et couvert, et la cal��che de la marquise passa, peu de minutes apr��s, sur la grande route.
--Vous voyez, Madame, dit L��once, que la Providence veille sur vous aujourd'hui, et qu'elle s'est incarn��e en moi. Il faut faire souvent un long trajet dans ces montagnes pour trouver un chemin praticable aux voitures, aboutissant �� la rampe, et il s'en est ouvert un comme par miracle au moment o�� vous avez d��sir�� de fuir.
--C'est si merveilleux, en effet, r��pondit lady G... en souriant, que je pense que vous l'avez ouvert et fray�� d'un coup de baguette. Oui, c'est un enchantement! Les belles haies fleuries et les nobles ombrages! J'admire que vous ayez song�� �� tout, m��me �� nous donner ici l'ombre et les fleurs qui nous manquaient lorsque nous suivions la rampe. Ces chataigniers centenaires que vous avez plant��s l�� sont magnifiques. On voit bien, L��once, que vous ��tes un grand artiste, et que vous ne pouvez pas cr��er �� demi.
--Vous dites des choses charmantes, Sabina, mais vous ��tes pale comme la mort! Quelle crainte vous avez de l'opinion! quelle terreur vous a caus��e cette rencontre et ce danger d'un soup?on! Je ne me serais jamais dout�� qu'une personne aussi forte et aussi fi��re f?t aussi timide!
--On ne se conna?t qu'�� la campagne, disent les gens du monde. Cela veut dire que l'on ne se conna?t que dans le t��te-��-t��te. Ainsi, L��once, nous allons ce matin nous d��couvrir mutuellement beaucoup de qualit��s et beaucoup de d��fauts que nous n'avions encore jamais aper?us l'un chez l'autre. Ma timidit�� est vertu ou faiblesse, je l'ignore.
--C'est faiblesse.
--Et vous m��prisez cela?
--Je le blamerai peut-��tre. J'y trouverai tout au moins l'explication de ce raffinement de go?ts, de cette habitude de d��dains exquis dont vous me parliez tout �� l'heure. Vous ne vous rendez peut-��tre pas bien compte de vous-m��me. Vous attribuez peut-��tre trop �� la d��licatesse exag��r��e de vos perceptions aristocratiques
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