Terre-Neuve et les Terre-Neuviennes | Page 5

Henri de la Chaume
petite barque de Bristol, poussa ce cri: ?Terre! terre!?
Le capitaine était John Cabot, et son fils, Sébastien, avait rang de premier officier. Des cris d'enthousiasme s'élevèrent du pont, et dans les rochers de la c?te, l'écho étonné répétait sans comprendre les sons qu'il n'avait encore jamais entendus.
L'histoire dit pourtant que les morues ne s'en émurent point, ne pouvant s'imaginer de quels malheurs pour leur race la venue de ces hommes était le signal.
Elles partageaient alors avec les phoques la souveraineté absolue de l'?le et de ses dépendances, mais l'Angleterre ne tardera pas à les en déposséder à son profit, sous prétexte que Sébastien Cabot qui commandait le Mathieu était né à Bristol.
Au mois de février de l'année suivante, le roi Henri VII accorda à John Cabot une nouvelle patente l'autorisant à renouveler son expédition à la tête de six navires. Mais, cette fois, le vieil Italien n'y alla pas et confia sa mission à son fils Sébastien, alors agé de vingt-trois ans.
Néanmoins, malgré sa perfide joie à harponner toute proie nouvelle, ce ne fut que quatre-vingt-six ans plus tard qu'Albion songea à établir officiellement sa domination sur Newfoundland. En effet, nulle tentative de colonisation n'avait été faite durant ce laps de temps, presque un siècle.
Les phoques, déjà renommés pour leur habileté diplomatique, s'étaient constitués en congrès avec les marins. Des plénipotentiaires avaient été nommés, et une conférence s'était réunie sur les bancs, qui avait décidé qu'il fallait employer la plus extrême prudence à ne pas éveiller la dévorante ambition des Anglais; que pour cela il était nécessaire d'observer le plus grand silence et de ne point former d'attroupements sur la voie publique.
Mais, quatre-vingt-six ans plus tard, le congrès s'étant assemblé de nouveau pour voter des félicitations à ses peuples, les Anglais le surprirent pendant qu'il délibérait, et une extermination générale fut résolue.
Ce jour-là, quatre vaisseaux de guerre anglais et trente-six navires de pêche de toutes nationalités se trouvaient réunis dans le port de Saint-Jean.
Sir Humphrey Gilbert descendit à terre. Des otages pris parmi les phoques et les morues furent tra?nés devant lui chargés de cha?nes. Tout autour, des officiers et un assez grand nombre d'autres personnes formèrent le cercle. Sir Humphrey donna alors lecture d'une patente royale l'autorisant à prendre possession de Terre-Neuve au nom de la reine élisabeth, et à exercer sa juridiction sur l'?le et sur tous les autres domaines de la couronne dans la même région.
Puis, se tournant vers les otages, il leur déclara que leur autopsie allait être ordonnée. Deux chirurgiens de la marine royale s'avancèrent alors, scalpel en main, et ce fut à cette occasion que la vivisection fut pratiquée pour la première fois. De l'économie anatomique de la morue il fut déduit que sa chair fournirait un aliment à la fois substantiel et délicat. Quant au phoque, sa peau rembourrée de graisse fit penser qu'il serait un produit précieux pour l'industrie nécessaire au développement du pays.
En conséquence, guerre ouverte fut déclarée aux peuples sous-marins, et tous moyens proclamés bons et loyaux pour les mettre en conserves.
La juridiction de sir Humphrey Gilbert, selon qu'elle était délimitée par la patente, s'étendait à deux cents lieues à la ronde. Aussi comprenait-elle, avec Terre-Neuve, la Nouvelle-écosse, le Nouveau-Brunswick, une partie du Labrador, le Cap-Breton et l'?le du Prince édouard.
C'était presque un royaume, et sir H. Gilbert avait amené avec lui du Devonshire environ deux cent cinquante colons, pour commencer à le peupler. Il fut soutenu dans son entreprise par son célèbre demi-frère, sir Walter Raleigh. Celui-ci avait d'abord fait partie de l'expédition dirigée par sir Humphrey. Mais une maladie contagieuse éclata à son bord, et il dut regagner l'Angleterre.
C'est ainsi que furent jetés les premiers fondements de l'empire colonial que l'Angleterre s'est conservé dans l'Amérique du Nord.
Mais Terre-Neuve seule nous occupe, pour l'instant, et comme son histoire est peu intéressante, je ne ferai que vous l'esquisser à grands traits.
Il n'est cependant peut-être pas inutile de rappeler que les Fran?ais furent les véritables colonisateurs de Terre-Neuve.
Après la découverte des Cabot, ce sont des navigateurs fran?ais, Cartier, puis Champlain, qui viennent débarquer sur ses c?tes. En 1525, Fran?ois Ier envoie Verazini déployer la Salamandre sur la ?terre nouvellement trouvée? et déclarer aux phoques et aux morues qu'ils passent sous sa royale domination. En 1604, le premier établissement fran?ais est fondé, et Terre-Neuve et l'Acadie, aujourd'hui Nouvelle-écosse, sont à nous pendant tout le cours du dix-septième siècle et jusqu'au traité d'Utrecht.
Une coalition nous les enlève pour les donner alors à l'Angleterre. Durant cette période, toutes les places fortes de Terre-Neuve, et surtout Saint-Jean, changent vingt fois d'occupants.
Enfin 1713 nous chasse définitivement de nos anciennes possessions, ne nous laissant que les ?les Saint-Pierre et Miquelon, et des droits de pêche sur une partie des c?tes de Terre-Neuve. Ces droits, qui nous seront renouvelés dans la suite par plusieurs traités, méritent une étude
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