a?n��, Ostap; c'est qu'il sait tout, le vieux chien, et il fait mine de ne rien savoir.
-- Je crois bien que l'archimandrite ne vous a pas m��me donn�� �� flairer de l'eau-de-vie, continuait Boulba. Convenez, mes fils, qu'on vous a vertement ��trill��s, avec des balais de bouleau, le dos, les reins, et tout ce qui constitue un Cosaque. Ou bien peut- ��tre, parce que vous ��tiez devenus grands gar?ons et sages, vous rossait-on �� coups de fouet, non les samedis seulement, mais encore les mercredis et les jeudis.
-- Il n'y a rien �� se rappeler de ce qui s'est fait, p��re, r��pondit Ostap; ce qui est pass�� est pass��.
-- Qu'on essaye maintenant! dit Andry; que quelqu'un s'avise de me toucher du bout du doigt! que quelque Tatar s'imagine de me tomber sous la main! il saura ce que c'est qu'un sabre cosaque.
-- Bien, mon fils, bien! par Dieu, c'est bien parl��. Puisque c'est comme ?a, par Dieu, je vais avec vous. Que diable ai-je �� attendre ici? Que je devienne un planteur de bl�� noir, un homme de m��nage, un gardeur de brebis et de cochons? que je me dorlote avec ma femme? Non, que le diable l'emporte! je suis un Cosaque, je ne veux pas. Qu'est-ce que cela me fait qu'il n'y ait pas de guerre! j'irai prendre du bon temps avec vous. Oui, par Dieu, j'y vais.
Et le vieux Boulba, s'��chauffant peu �� peu, finit par se facher tout rouge, se leva de table, et frappa du pied en prenant une attitude imp��rieuse.
-- Nous partons demain. Pourquoi remettre? Qui diable attendons- nous ici? �� quoi bon cette maison? �� quoi bon ces pots? �� quoi bon tout cela?
En parlant ainsi, il se mit �� briser les plats et les bouteilles. La pauvre femme, d��s longtemps habitu��e �� de pareilles actions, regardait tristement faire son mari, assise sur un banc. Elle n'osait rien dire; mais en apprenant une r��solution aussi p��nible �� son coeur, elle ne put retenir ses larmes. Elle jeta un regard furtif sur ses enfants qu'elle allait si brusquement perdre, et rien n'aurait pu peindre la souffrance qui agitait convulsivement ses yeux humides et ses l��vres serr��es.
Boulba ��tait furieusement obstin��. C'��tait un de ces caract��res qui ne pouvaient se d��velopper qu'au XVIe si��cle, dans un coin sauvage de l'Europe, quand toute la Russie m��ridionale, abandonn��e de ses princes, fut ravag��e par les incursions irr��sistibles des Mongols; quand, apr��s avoir perdu son toit et tout abri, l'homme se r��fugia dans le courage du d��sespoir; quand sur les ruines fumantes de sa demeure, en pr��sence d'ennemis voisins et implacables, il osa se rebatir une maison, connaissant le danger, mais s'habituant �� le regarder en face; quand enfin le g��nie pacifique des Slaves s'enflamma d'une ardeur guerri��re et donna naissance �� cet ��lan d��sordonn�� de la nature russe qui fut la soci��t�� cosaque (kasatchestvo). Alors tous les abords des rivi��res, tous les gu��s, tous les d��fil��s dans les marais, se couvrirent de Cosaques que personne n'e?t pu compter, et leurs hardis envoy��s purent r��pondre au sultan qui d��sirait conna?tre leur nombre: ?Qui le sait? Chez nous, dans la steppe, �� chaque bout de champ, un Cosaque.? Ce fut une explosion de la force russe que firent jaillir de la poitrine du peuple les coups r��p��t��s du malheur. Au lieu des anciens oud��ly[8], au lieu des petites villes peupl��es de vassaux chasseurs, que se disputaient et se vendaient les petits princes, apparurent des bourgades fortifi��es, des kour��ny[9] li��s entre eux par le sentiment du danger commun et la haine des envahisseurs pa?ens. L'histoire nous apprend comment les luttes perp��tuelles des Cosaques sauv��rent l'Europe occidentale de l'invasion des sauvages hordes asiatiques qui mena?aient de l'inonder. Les rois de Pologne qui devinrent, au lieu des princes d��poss��d��s, les ma?tres de ces vastes ��tendues de terre, ma?tres, il est vrai, ��loign��s et faibles, comprirent l'importance des Cosaques et le profit qu'ils pouvaient tirer de leurs dispositions guerri��res. Ils s'efforc��rent de les d��velopper encore. Les hetmans, ��lus par les Cosaques eux-m��mes et dans leur sein, transform��rent les kour��ny en polk[10] r��guliers. Ce n'��tait pas une arm��e rassembl��e et permanente; mais, dans le cas de guerre ou de mouvement g��n��ral, en huit jours au plus, tous ��taient r��unis. Chacun se rendait �� l'appel, �� cheval et en armes, ne recevant pour toute solde du roi qu'un ducat par t��te. En quinze jours, il se rassemblait une telle arm��e, qu'�� coup s?r nul recrutement n'e?t pu en former une semblable. La guerre finie, chaque soldat regagnait ses champs, sur les bords du Dniepr, s'occupait de p��che, de chasse ou de petit commerce, brassait de la bi��re, et jouissait de la libert��. Il n'y avait pas de m��tier qu'un Cosaque ne s?t faire: distiller de l'eau-de-vie, charpenter un chariot, fabriquer de la poudre, faire le serrurier et
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