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Sur la pierre blanche, by Anatole France
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Title: Sur la pierre blanche
Author: Anatole France
Release Date: December, 2004 [EBook #7173] [This file was first posted on March 21, 2003]
Edition: 10
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, SUR LA PIERRE BLANCHE ***
Carlo Traverso, Charles Franks and the Online Distributed Proofreading Team.
This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr.
ANATOLE FRANCE
SUR LA PIERRE BLANCHE
Tu semblés avoir dormi sur la pierre blanche, au milieu du peuple des songes.
PHILOPATRIS, XXI.
TABLE
I. Quelques Fran?ais liés d'amitié, qui passaient le printemps à Rome
II. GALLION
III. Quand Nicole Langelier eut achevé sa lecture
IV. La salle était étroite, tendue d'un papier enfumé
V. PAR LA PORTE DE CORNE OU PAR LA PORTE D'IVOIRE
VI. Quand Hippolyte Dufresne eut achevé ta lecture
SUR LA PIERRE BLANCHE
I
Quelques Fran?ais, liés d'amitié, qui passaient le printemps à Rome, se rencontraient souvent dans le Forum désenseveli. C'étaient Joséphin Leclerc, attaché d'ambassade en congé; M. Goubin, licencié ès lettres, annotateur; Nicole Langelier, de la vieille famille parisienne des Langelier, imprimeurs et humanistes; Jean Boilly, ingénieur; Hippolyte Dufresne, qui avait des loisirs et aimait les arts.
Le 1er mai, vers cinq heures du soir, ils franchirent comme de coutume, la petite porte septentrionale, inconnue du public, où le commandeur Giacomo Boni, directeur des fouilles, les accueillit avec son aménité silencieuse et les conduisit jusqu'au seuil de sa maison de bois, ombragée de lauriers, de troènes et de cytises, qui domine cette vaste fosse creusée, au siècle dernier, dans le marché aux boeufs de la Rome pontificale, jusqu'au sol du Forum antique.
Là, ils s'arrêtent et regardent.
En face d'eux se dressent les f?ts tronqués des stèles honoraires et l'on voit comme un grand damier avec ses dames à la place où fut la basilique Julia. Plus au sud, les trois colonnes du temple des Dioscures trempent dans l'azur du ciel leurs volutes bleuissantes. A leur droite, surmontant l'arc ruineux de Septime Sévère et les hautes colonnes des demeures de Saturne, les maisons de la Rome chrétienne et l'h?pital des femmes étagent sur le Capitole leurs fa?ades plus jaunes et plus fangeuses que les eaux du Tibre. Vers leur gauche s'élève le Palatin flanqué de grandes arches rouges et couronné d'yeuses. Et sous leurs pieds, d'un mont à l'autre, entre les dalles de la voie Sacrée aussi étroite qu'une rue de village, sortent de terre des murs de brique et des bases de marbre, restes des édifices qui couvraient le Forum au temps de la force latine. Le trèfle, l'avoine et l'herbe des champs, que le vent a semés sur leur fa?te abaissé, leur font un toit rustique où flamboie le coquelicot. Débris d'entablements écroulés, multitude de piliers et d'autels, enchevêtrement de degrés et d'enceintes: tout cela, non point petit, assurément, mais d'une grandeur contenue et pressée.
Sans doute Nicole Langelier relevait dans son esprit la foule des monuments autrefois resserrée dans cet espace illustre:
--Ces édifices, dit-il, de proportions sages et de dimensions modérées, étaient séparés les uns des autres par des ruelles ombreuses. Il y avait là de ces vicoli qu'on aime dans les pays du soleil, et les magnanimes neveux de Rémus, après avoir entendu les orateurs, trouvaient le long des temples, pour manger et dormir, des coins frais, mal odorants, où les écorces de pastèques et les débris de coquillages n'étaient jamais balayés. Certes les boutiques qui bordaient la place exhalaient des senteurs puissantes d'oignon, de vin, de friture et de fromage. Les étals des bouchers étaient chargés de viandes, spectacle agréable aux robustes citoyens, et c'est à l'un de ces bouchers que Virginius prit le couteau dont il tua sa fille. Sans doute il y avait là aussi des bijoutiers et des marchands de petits dieux domestiques, protecteurs du foyer, de l'étable et du jardin. Tout ce qu'il faut à des citoyens pour vivre se trouvait réuni sur cette place. Le marché et les magasins, les basiliques, c'est-à-dire les bourses de
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