Supplement au Voyage de Bougainville | Page 4

Denis Diderot
�� leurs extravagances et �� leurs vices?; un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux. Mais je me console?; je touche �� la fin de ma carri��re?; et la calamit�� que je vous annonce, je ne la verrai point. O tahitiens?! mes amis?! vous auriez moyen d'��chapper �� un funeste avenir?; mais j'aimerais mieux mourir que de vous en donner le conseil. Qu'ils s'��loignent, et qu'ils vivent.??
Puis s'adressant �� Bougainville, il ajouta?:
??Et toi, chef des brigands qui t'ob��issent, ��carte promptement ton vaisseau de notre rive?: nous sommes innocents, nous sommes heureux?; et tu ne peux que nuire �� notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature?; et tu as tent�� d'effacer de nos ames son caract��re. Ici tout est �� tous?; et tu nous as pr��ch�� je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes?; tu as partag�� ce privil��ge avec nous?; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras?; tu es devenu f��roce entre les leurs. Elles ont commenc�� �� se ha?r?; vous vous ��tes ��gorg��s pour elles?; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres?; et voil�� que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un d��mon?: qui es-tu donc, pour faire des esclaves?? Orou?! toi qui entends la langue de ces hommes-l��, dis-nous �� tous, comme tu me l'as dit �� moi-m��me, ce qu'ils ont ��crit sur cette lame de m��tal?: Ce pays est �� nous. Ce pays est �� toi?! et pourquoi?? parce que tu y as mis le pied?? Si un Tahitien d��barquait un jour sur vos c?tes, et qu'il gravat sur une de vos pierres ou sur l'��corce d'un de vos arbres?: Ce pays est aux habitants de Tahiti, qu'en penserais-tu?? Tu es le plus fort?! Et qu'est-ce que cela fait?? Lorsqu'on t'a enlev�� une des m��prisables bagatelles dont ton batiment est rempli, tu t'es r��cri��, tu t'es veng��?; et dans le m��me instant tu as projet�� au fond de ton coeur le vol de toute une contr��e?! Tu n'es pas esclave?: tu souffrirais plut?t la mort que de l'��tre, et tu veux nous asservir?! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas d��fendre sa libert�� et mourir?? Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton fr��re. Vous ��tes deux enfants de la nature?; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi?? Tu es venu?; nous sommes-nous jet��s sur ta personne?? -avons-nous pill�� ton vaisseau?? t'avons-nous saisi et expos�� aux fl��ches de nos ennemis?? t'avons-nous associ�� dans nos champs au travail de nos animaux?? Nous avons respect�� notre image en toi. Laisse nous nos moeurs?; elles sont plus sages et plus honn��tes que les tiennes?; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumi��res. Tout ce qui nous est n��cessaire et bon, nous le poss��dons. Sommes-nous dignes de m��pris, parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins superflus?? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger?; lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous v��tir. Tu es entr�� dans nos cabanes, qu'y manque-t-il, �� ton avis?? Poursuis jusqu'o�� tu voudras ce que tu appelles commodit��s de la vie?; mais permets �� des ��tres sens��s de s'arr��ter, lorsqu'ils n'auraient �� obtenir, de la continuit�� de leurs p��nibles efforts, que des biens imaginaires. Si tu nous persuades de franchir l'��troite limite du besoin, quand finirons-nous de travailler?? Quand jouirons-nous?? Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuelles et journali��res la moindre qu'il ��tait possible, parce que rien ne nous para?t pr��f��rable au repos. Va dans ta contr��e t'agiter, te tourmenter tant que tu voudras?; laisse-nous reposer?: ne nous ent��te ni de tes besoins factices, ni de tes vertus chim��riques. Regarde ces hommes?; vois comme ils sont droits, sains et robustes. Regarde ces femmes?; vois comme elles sont droites, saines, fra?ches et belles. Prends cet arc, c'est le mien?; appelle �� ton aide un, deux, trois, quatre de tes camarades?; et tachez de le tendre. Je le tends moi seul. Je laboure la terre?; je grimpe la montagne?; je perce la for��t?; je parcours une lieue de la plaine en moins d'une heure. Tes jeunes compagnons ont eu peine �� me suivre?; et j'ai quatre-vingt-dix ans pass��s. Malheur �� cette ?le?! malheur aux Tahitiens pr��sents, et �� tous les Tahitiens �� venir, du jour o�� tu nous as visit��s?! Nous ne connaissions qu'une maladie?; celle �� laquelle l'homme, l'animal et la plante ont ��t�� condamn��s, la vieillesse?; et tu nous en as apport�� une autre, tu as infect�� notre sang. Il nous faudra peut-��tre exterminer de nos propres
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