Souvenirs entomologiques - Livre I | Page 6

Jean-Henri Fabre
chacun m��me origine. Illiger, sur une observation trop peu suivie pour m��riter confiance aveugle, a mis en avant l'aventure de son Gymnopleure; et le m��me fait a ��t�� r��p��t�� pour les Scarab��es, parce que, en effet, il est tr��s commun de voir deux de ces insectes occup��s en commun soit �� faire rouler une pilule, soit �� la retirer d'un endroit difficile. Mais le concours de deux ne prouve en rien que le bousier dans l'embarras soit all�� requ��rir main forte aupr��s des camarades. J'ai eu, dans une large mesure, la patience que recommande M. Blanchard; j'ai v��cu de longs jours, pourrais-je dire, en intimit�� avec le Scarab��e sacr��; je me suis ing��ni�� de toutes les mani��res pour voir clair, autant que possible, dans ses us et coutumes et les ��tudier sur le vif, et je n'ai jamais rien surpris qui de pr��s ou de loin, fit songer �� des compagnons appel��s en aide. Comme je le relaterai bient?t, j'ai soumis le bousier �� des ��preuves bien autrement s��rieuses que celles d'une cavit�� o�� la pilule aurait pu choir; je l'ai mis dans des embarras plus graves que celui d'une pente �� remonter, vrai jeu pour le Sisyphe ent��t�� qui semble se complaire �� la rude gymnastique des endroits d��clives, comme si la pilule en devenant de la sorte plus ferme, gagnait ainsi en valeur; j'ai fait na?tre par mon artifice des situations o�� l'insecte avait besoin plus que jamais de secours, et jamais �� mes yeux n'a paru quelque preuve de bons offices entre camarades. J'ai vu des pill��s, j'ai vu des pillards, et rien de plus. Si plusieurs bousiers entouraient la m��me pilule, c'est qu'il y avait bataille. Mon humble avis est donc que quelques Scarab��es r��unis autour d'une m��me pelote dans des intentions de pillage, ont donn�� lieu �� ces r��cits de camarades appel��s pour donner un coup de main. Des observations incompl��tes, ont fait d'un audacieux d��trousseur un compagnon serviable, qui se d��range de son travail pour pr��ter un coup d'��paule.
Ce n'est pas affaire de faible port��e que d'accorder �� un insecte une intelligence de la situation vraiment ��tonnante, et une facilit�� de communication entre individus de la m��me esp��ce plus surprenante encore. J'insiste donc sur ce point. Comment? Un Scarab��e dans la d��tresse concevrait l'id��e d'aller qu��rir de l'aide? Il s'en irait au vol, explorant le pays tout �� la ronde, pour trouver des confr��res �� l'oeuvre autour d'une bouse; et les trouvant, par une pantomime quelconque, par le geste des antennes en particulier, il leur tiendrait �� peu pr��s ce langage: ?Dites donc, vous autres, ma charge a vers�� l��-bas dans un trou; venez m'aider �� la retirer. Je vous revaudrai cela dans l'occasion.? Et les coll��gues comprendraient! Et, chose non moins forte, ils laisseraient aussit?t l�� leur travail, leur pilule commenc��e, leur ch��re pilule expos��e aux convoitises des autres et certainement pill��e en leur absence, pour s'en aller pr��ter secours au suppliant! Tant d'abn��gation me laisse d'une profonde incr��dulit��, que corrobore tout ce que j'ai vu pendant des ann��es et des ann��es, non dans des boites �� collection, mais sur les lieux m��mes de travail du Scarab��e. En dehors des soins de la maternit��, soins dans lesquels il est presque toujours admirable, l'insecte, �� moins qu'il ne vive en soci��t��, comme les Abeilles, les Fourmis et les autres, ne se pr��occupe d'autre chose que de lui-m��me.
Mais terminons l�� cette digression, qu'excuse l'importance du sujet. J'ai dit qu'un Scarab��e, propri��taire d'une boule qu'il pousse �� reculons, est fr��quemment rejoint par un confr��re, qui accourt le seconder dans un but int��ress��, et le piller si l'occasion s'en pr��sente. Appelons associ��s, bien que ce ne soit pas l�� le mot propre, les deux collaborateurs, dont l'un s'impose et dont l'autre peut-��tre, n'accepte des offices ��trangers que crainte d'un mal pire. La rencontre est d'ailleurs des plus pacifiques. Le bousier propri��taire ne se d��tourne pas un seul instant de son travail �� l'arriv��e de l'acolyte; le nouveau venu semble anim�� des meilleures intentions et se met incontinent �� l'ouvrage. Le mode d'attelage est diff��rent pour chacun des associ��s. Le propri��taire occupe la position principale, la place d'honneur: il pousse �� l'arri��re de la charge, les pattes post��rieures en haut, la t��te en bas. L'acolyte occupe le devant, dans une position inverse, la t��te en haut, les bras dent��s sur la boule, les longues jambes post��rieures sur le sol. Entre les deux, la pilule chemine, chass��e devant par le premier, attir��e �� lui par le second.
Les efforts du couple ne sont pas toujours bien concordants, d'autant plus que l'aide tourne le dos au chemin �� parcourir, et que le propri��taire a la vue born��e par la charge. De l��, des accidents r��it��r��s, de grotesques culbutes dont on prend ga?ment son parti: chacun se ramasse �� la hate et
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