d'orgueil que de repentir dans ses aveux, et qu'il prend la scélératesse pour du génie. L'hommage qu'il semble rendre à la morale ne saurait compenser le dommage qu'il lui porte par ses confessions mêmes. Son livre est élémentaire en matière de crime. Nulle part on n'a développé avec plus d'impudence de plus odieuses théories. Voilà un livre vraiment mauvais, un livre où l'on n'apprend rien que le mal; c'est un procès-verbal d'atrocités, en trois volumes.
C'en est un de sottes fredaines, que les Mémoires de ces femmes qui, publiant dans leur confession-générale la confession de tout le monde, avouent avoir fait une sottise avec mille et un complices, ce qui fait mille et une sottises pour le compte de l'héro?ne. Elles croient, en publiant ces faits, n'avoir dit de mal de personne: ne médisent-elles donc pas des gens dont elles disent du bien, par cela même qu'elles en parlent? En se déshabillant, ne déshabillent-elles pas aussi les autres? Henriette Wilson, pour la nommer, Henriette Wilson en dévergondage, comme le comte de Tilly en dépravation, ne rivalise-t-elle pas avec les romanciers les plus éhontés? L'un et l'autre se vantent d'avoir effectué ce qui avant eux n'avait été rêvé que par des cerveaux en délire. Quelque plaisir que de pareils Mémoires puissent donner aux gens qu'ils n'instruisent pas, ne serait-il pas à souhaiter que ces deux rudimens du vice n'eussent pas vu le jour?
Que pensez-vous donc des Mémoires de Vidocq? me dira-t-on. Si les moeurs dépeintes dans les aveux ingénus de la femme libre vous répugnent, quels sentimens celles que vous dévoilent les confidences d'un for?at libéré ne soulèvent-elles pas en vous?
Pas un sentiment qui ne me soit pénible, mais pas un sentiment qui soit dangereux; bien plus, pas un sentiment qui ne soit utile.
Ce n'est pas sans profit pour la société que le moins honnête de ses membres lira cette confession qui lui dénonce des mystères qu'autrement il n'e?t pu conna?tre qu'en s'y faisant affilier, ce procès-verbal d'une autopsie qui lui montre à découvert les parties les plus ignobles du corps social dans l'état de putréfaction où le vice les a réduites. Le vice là est si peu aimable, il est accompagné, dans ses succès même, de tant de tortures, ses inévitables conséquences sont si épouvantables, qu'il n'y a pas à craindre que les aveux de ce pécheur repentant pervertissent personne. Je les crois, au contraire, de nature à convertir plusieurs; je crois de plus qu'ils offrent au législateur plus d'une le?on de haute morale: une courte analyse suffit pour le prouver.
Le héros de cette histoire était incontestablement un mauvais sujet; ses penchans le faisaient tel; mais il n'était que cela: la justice des hommes a pensé en faire un scélérat. Il n'était détenu que pour un de ces délits qui ne sont passibles que de peines correctionnelles, quand, sur une accusation calomnieuse, à laquelle certaines circonstances donnaient un caractère de vraisemblance, il fut condamné à une peine infamante, les travaux forcés.
Traité dès lors comme les scélérats auxquels il est encha?né, que d'efforts ne lui faut-il pas faire pour ne pas devenir semblable à eux? Il ne peut recouvrer sa liberté qu'en se faisant aider par eux, et ne peut se faire aider par eux sans contracter l'engagement tacite de les aider dans leurs plus exécrables projets.
Dans quelle affreuse dépendance cette nécessité ne le jette-t-elle pas! C'est pour vivre en honnête homme qu'il s'est échappé; c'est pour reprendre leur vie de scélérats que ceux-ci s'échappent. Placé, par son évasion, entre les atroces exigences de ces supp?ts du crime et l'impitoyable surveillance des supp?ts de la justice, que de peines il lui faut prendre pour se sauver des uns et des autres! Sa vie se consume entre ces deux terreurs; et, malgré la probité avec laquelle il exerce successivement plusieurs métiers, il n'a véritablement que l'existence d'un brigand, parce qu'un jugement injuste, mais irrévocable, lui a imprimé le sceau de la réprobation.
Il me semble que ce tableau des misères où Vidocq a été entra?né par son inconduite, loin de rien offrir d'immoral, doit provoquer aux réflexions les plus salutaires des hommes dont les principes ne seraient pas encore déterminés.
De plus, ces Mémoires donnent sur le régime des prisons et des bagnes des renseignemens de la plus haute importance. On n'y verra pas sans trembler à quel degré les surveillans de ces infames ateliers poussent l'insouciance. Occupés uniquement de deux intérêts, tout ce qui ne tend pas à favoriser l'évasion de leurs prisonniers, ou à augmenter les odieux profits qu'ils font sur ces misérables, n'est pour eux qu'un objet d'indifférence; ce que font les for?ats dans leur cha?ne, pourvu qu'ils ne les brisent pas, ne leur importe en rien. Aussi, loin d'être des maisons de correction ou d'amendement, ces maisons ne sont-elles que des écoles normales en matière de crime, écoles de perfectionnement où,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.