Souvenirs de voyage | Page 9

M. et Mme Mercier-Thoinnet
a servi de modèle pour la construction de la bourse de Paris.
Dans le Jardin Public tracé en amphithéâtre aux pieds de la Tour
Magne, est un second temple de Diane, bâti depuis 2,500 ans, en
pierres très-grosses du pays, sans chaux ni ciment; les oracles y
rendaient leurs augures en trompant la crédulité par des souterrains et
des conduits cachés, encore très-visibles. Quelle honteuse profession
que de faire le métier, la jonglerie et le trafic d'abuser à son profit de
l'ignorance des peuples! Présentement, les mystères d'Isis, les prestiges
fantasmagoriques, sont dévoilés. À côté est une galerie où l'on
égorgeait les victimes, puis un jet d'eau pour laver le sang. Le temple
de Diane est soutenu par des colonnes en pierres du pays d'un seul

morceau; auprès sont les Bains romains, objet d'un prix infini, aussi
curieux dans leur genre que les chefs-d'oeuvre de Saint-Cloud. La mer,
qui était à trois lieues de distance, est actuellement retirée à quelques
milles d'Aigues-Mortes, où Saint Louis s'embarqua pour la Terre-Sainte,
et à six lieues de Montpellier. Le moite élément quitte donc peu à peu
un continent, et s'empare progressivement d'un autre; car aux
inondations générales qui ont dû envahir le globe, et qui laissent tant de
vestiges de leur existence, il est certain que les eaux dégradent et
détériorent sans cesse les montagnes; que ces débris minéralogiques et
végétaux, se déposant dans le bassin des mers, forment des continents,
en exhaussent le fond, et obligent l'eau à se refouler sur d'autres plages,
par conséquent, à faire des envahissements: aussi le fond des mers
redevient, par suite, montagnes et terre habitable, montagnes que les
volcans et les eaux, par des dégradations, peuvent élever à la hauteur
des Andes et des Cordilières. La tour Magne, qui s'élève en forme de
pyramide, servit jadis de phare aux navires; présentement, on y voit un
télégraphe. C'est proche le coteau voisin du temple de Diane que
jaillissent les sources d'eau qui alimentent les fontaines de la ville et le
joli canal qui fait le tour du jardin. Les promenades sont charmantes,
les églises n'ont rien de remarquable. Tout le monde admire la
modération du jeune maire, qui, par sa conciliation et la sagesse de ses
lumières, a su réunir les partis dissidents, et empêcher des flots de sang
de couler.
Nous voici à Avignon; si calme, et dont l'existence a été si orageuse. La
ville est belle et en général bien bâtie; son principal commerce est le
produit des vers à soie, qu'on y élève avec succès. Napoléon a répandu
partout les trésors de son génie, il est peu d'endroits qui ne se ressentent
de ses munificences; c'est encore lui qui a fait construire le fameux pont
en bois d'Avignon, mais, qui aujourd'hui a peu de solidité: les voituriers
sont obligés d'user de beaucoup de précautions. Nous avons été
parfaitement accueillis par les Invalides, en visitant leur établissement.
Ces vieux défenseurs de la patrie, couverts de lauriers, n'ont rien
conservé de la sévérité qu'impose l'habitude de la victoire; ils sont
pleins de modestie, de courtoisie, et se plaisent à associer les vertus
civiles aux vertus guerrières; la ville et la Cathédrale renferment
beaucoup d'antiquités; la Cathédrale a le tombeau de Jean XXII; le

Palais où résidèrent une longue suite de Papes ressemble à une
forteresse, vaste bâtiment irrégulier flanqué de hauts donjons: nous y
avons joui d'un magnifique panorama. Les rues sont sinueuses, étroites
et pavées de silex aigu. Nous examinâmes avec curiosité le beau
système militaire des remparts. La nouvelle salle de spectacle et
l'aspect du jardin des plantes sont fort beaux. La fontaine de Vaucluse,
à peu de distance de la route, immortalisée par Pétrarque, est située
dans une gorge profonde, surmontée d'énormes rochers d'une couleur
argileuse; ces eaux limpides mugissent et roulent avec beaucoup de
vitesse dans un petit bassin dont la surface est unie, et semble un lac
que nul souffle n'effleure, empruntant au ciel les plus belles couleurs, le
vert pâle et l'azur.
Nous sommes à Aix; aux fontaines d'eau chaude, très-remarquables,
ainsi que les bains à vapeur de Sextius, si propices intérieurement et
extérieurement aux affections cutanées et rhumatismales. L'humanité
consacre un de ces bassins aux misères et aux infirmités: là les
disgraciés et les malades se livrent à de sanitaires immersions. Les
bains de Marius, anciens vestiges romains, sont très-curieux. L'eau
traverserait-elle des charbons de terre enflammés par du soufre et du
bitume, traces volcaniques non encore épuisées?
La façade de la Cathédrale est fort belle. On voit dans cette église le
tombeau de saint Mitre: le baptistère est formé par huit gracieuses
colonnes antiques de marbre et de granit, qui ont appartenu à un temple
d'Apollon bâti sur le même emplacement. La place des palais de justice
a une belle fontaine ornée d'un obélisque surmonté par un aigle. La tour
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