Souvenirs de voyage | Page 5

M. et Mme Mercier-Thoinnet
que le premier, qui
n'est soutenu par aucun poteau dans le fleuve: des grottes, protégées par
des piliers, donnent à ces lieux un aspect très-intéressant. Dans
plusieurs endroits, des digues seraient nécessaires; mais le
morcellement des propriétés semble être un obstacle aux grandes
entreprises: ne peut on pas former, suivant l'usage d'Écosse, des actions
et des associations? ou faire reconnaître, par le conseil municipal du
lieu, l'urgence des choses, puis recourir à la répartition cadastrale de
l'impôt, pour faire concourir chacun suivant ses forces; et intéresser les
masses à des oeuvres utiles à tous?
Les sites continuent d'être charmants: ce superbe Château, qu'on
aperçoit sur le littoral gauche, a le nom de son possesseur, M. de
Marcellus. Là, le courant est si rapide, qu'on est obligé, de remorquer
les bateaux avec des chevaux. Des ponts légers en fer, continuent de se
multiplier, et se présentent comme des arcs-en-ciel, jetés d'une rive à
l'autre.
Marmande nous démontre que, si les concurrences sont le tombeau des
fortunes particulières, elles présentent entre autres, grand nombre
d'avantages précieux de voyager à peu de frais. On s'arrête: nous
quittons le bateau à vapeur; à l'hôtel, partout autour de nous, nous
n'entendons qu'un patois désagréable. Nous sortons brusquement de la
Tête-Noire, ne pouvant nous faire comprendre, pour aller à la
Providence, où nous fûmes plus heureux. Restaurés par une nourriture
succulente, nous nous rendons au bureau des messageries; sept chevaux
sont attelés, avec une grande célérité, à notre diligence; nous allons
aussi vite que la pensée, mais non sans danger de nous briser à tous
moments. Les campagnes ne connaissent pas le repos, et ne se lassent
pas de donner de riches moissons; aussi, l'infatigable planteur les
cultive-t-il avec soin et beaucoup d'amendement. Partout les
perspectives sont des plus pittoresques; on est seulement fâché de voir
presque sans cesse de très-beaux arbres mutilés pour ainsi dire jusqu'à
la cime: la théorie de la sève, mal conçue, est cause de ces horribles

amputations; la pratique et la physiologie des arbres démontrent que les
feuilles et, les branches contribuent par leurs pores, les trachées et leurs
vaisseaux absorbants, autant que les racines, au développement et à la
prospérité de l'arbre; que là où l'on fait la section d'une branche, là on
provoque des éruptions de sève; il en résulte qu'un arbre mutilé ne
prend plus d'accroissement, et se couvre de branches dans les parties
qu'on voulait préserver de développement, au lieu de la consacrer toute
entière à donner à la cime une grande ascension.
Nous ne nous arrêtons pas à Agen: jusqu'à Toulouse, le terroir est une
plaine magnifique ornée de figuiers, plus belle que la Beauce, ayant, au
nord, une ligne de riches montagnes, au sud et à l'ouest, la Garonne
continuant de serpenter au milieu de la plus féconde culture; là le trèfle
prend une dimension considérable, et est graissé avec la chaux; le
tableau est encore animé par de nombreux troupeaux de moutons et de
porcs noirs qui paissent dans la plaine; partout on voit des nuées de
pigeons.
Nous descendons à Toulouse, près le canal du Midi; mais apprenant
que nous nous étions mal adressés, nous nous transportâmes
immédiatement à l'Hôtel du Nord, chez Mme Clouet, qui traite fort bien
les voyageurs et à bon marché.
De la Rochelle à Marmande, les femmes sont ornées du madras sur la
tête; à Blaye, elles renchérissent, et portent une coëffe sous le mouchoir
qui flotte comme un étendard. De Marmande à Toulouse, elles
reprennent les coëffes à forme de béguin: celles qui approchent de la
caducité, ont des chapeaux peu élégants. Arrivés le dimanche à
Toulouse, nous avons joui du coup d'oeil le plus enchanteur et le plus
magique: toute la population, même les militaires, étaient en
promenade sur la place et dans la rue Lafayette; sur la place du Capitole,
les maisons sont en briques variées de jolies silex: les rues, près de cet
édifice, sont pavées de cailloux symétrisés et bariolés, tout cela est
ravissant.
Nous avons visité le château d'Eau, dans lequel se trouve une machine
simple et ingénieuse, qui donne de l'eau à toute la ville; elle a la force
de cinquante chevaux, son bassin est à cent pieds de hauteur. De son

sommet, on découvre, dans un beau temps, la chaîne imposante des
Pyrénées. La machine consiste dans un volant, à aile de moulin à eau,
mû par un courant de la Garonne, très-ordinaire, puissance d'une pompe
aspirante et foulante, qui fait monter l'eau à soixante-dix pieds; dans
toutes les rues, des ruisseaux intarissables entraînent les ordures.
Pourquoi les départements de l'Ouest, dans le voisinage des fleuves,
restent-ils en arrière, et ne se livrent-ils pas à une rapide imitation?
Dans grand nombre de villes importantes, on ne connaît pas même de
fontaines publiques qu'on pourrait élever à peu de frais, et le système
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