les conciliabules pr��sid��s par P��trachevsky. Cette s��dition intellectuelle n'alla pas bien loin; des r��criminations, des menaces vagues, de beaux projets d'utopie. Il y a impropri��t�� de mot �� appeler cette effervescence d'id��es, comme on le fait habituellement, la conspiration de P��trachevsky; de conspiration, il n'y en eut pas, au sens terrible que ce terme a re?u depuis lors en Russie. En tout cas, Dosto?evsky y prit la moindre part; toute sa faute ne fut qu'un r��ve d��fendu; l'instruction ne put relever contre lui aucune charge effective. Chez nous, il eut ��t�� au centre gauche; en Russie, il alla au bagne.
Englob�� dans l'arr��t commun qui frappa ses complices, il fut jet�� �� la citadelle, condamn�� �� mort, graci�� sur l'��chafaud, conduit en Sib��rie; il y purgea quatre ans de fers dans la ?section r��serv��e?, celle des criminels d'��tat. Le romancier y laissa des illusions, mais rien de son honneur; vingt ans apr��s, en des temps meilleurs, les condamn��s et leurs juges parlaient de ces souvenirs avec une ��gale tristesse, la main dans la main; l'ancien for?at a fait une carri��re glorieuse, remplie de beaux livres, et termin��e r��cemment par un deuil quasi officiel. Il ��tait n��cessaire de pr��ciser ces points, pour qu'on ne fit pas confusion d'��poques; il n'y eut rien de commun entre le proscrit de 1848 et les redoutables ennemis contre lesquels le gouvernement russe s��vit aujourd'hui de la m��me fa?on, mais �� plus juste titre.
Un des compagnons d'infortune de l'exil��, Yastrjemsky, a consign�� dans ses M��moires le r��cit d'une rencontre avec Dosto?evsky, au d��but de leur p��nible voyage. Le hasard les r��unit une nuit dans la prison d'��tapes de Tobolsk, o�� ils trouv��rent aussi un de leurs complices les plus connus, Dourof. Ce r��cit peint sur le vif l'influence bienfaisante du romancier.
?On nous conduisit dans une salle ��troite, froide et sombre. Il y avait l�� des lits de planches avec des sacs bourr��s de foin. L'obscurit�� ��tait compl��te. Derri��re la porte, sur le seuil, on entendait le pas lourd de la sentinelle, qui marchait en long et en large par un froid de 40 degr��s.
?Dourof s'��tendit sur le lit de camp, je me pelotonnai sur le plancher �� c?t�� de Dosto?evsky. �� travers la mince cloison, un tapage infernal arrivait jusqu'�� nous: un bruit de tasses et de verres, les cris de gens qui jouaient aux cartes, des injures, des blasph��mes. Dourof avait les doigts des pieds et des mains gel��s; ses jambes ��taient bless��es par les fers. Dosto?evsky souffrait d'une plaie qui lui ��tait venue au visage dans la casemate de la citadelle, �� P��tersbourg. Pour moi, j'avais le nez gel��.--Dans cette triste situation, je me rappelai ma vie pass��e, ma jeunesse ��coul��e au milieu de mes chers camarades de l'Universit��; je pensai �� ce qu'aurait dit ma soeur, si elle m'e?t aper?u dans cet ��tat. Convaincu qu'il n'y avait plus rien �� esp��rer pour moi, je r��solus de mettre fin �� mes jours... Si je m'appesantis sur cette heure douloureuse, c'est uniquement parce qu'elle me donna l'occasion de conna?tre de plus pr��s la personnalit�� de Dosto?evsky. Sa conversation amicale et secourable me sauva du d��sespoir; elle r��veilla en moi l'��nergie.
?Contre toute esp��rance, nous parv?nmes �� nous procurer une chandelle, des allumettes et du th�� chaud qui nous parut plus d��licieux que le nectar. La plus grande partie de la nuit s'��coula dans un entretien fraternel. La voix douce et sympathique de Dosto?evsky, sa sensibilit��, sa d��licatesse de sentiment, ses saillies enjou��es, tout cela produisit sur moi une impression d'apaisement. Je renon?ai �� ma r��solution d��sesp��r��e. Au matin, Dosto?evsky, Dourof et moi, nous nous s��parames dans cette prison de Tobolsk, nous nous embrassames les larmes aux yeux, et nous ne nous rev?mes plus.
?Dosto?evsky appartenait �� la cat��gorie de ces ��tres dont Michelet a dit que, tout en ��tant les plus forts males, ils ont beaucoup de la nature f��minine. Par l�� s'explique tout un c?t�� de ses oeuvres, o�� l'on aper?oit la cruaut�� du talent et le besoin de faire souffrir. ��tant donn�� cette nature, le martyre cruel et imm��rit�� qu'un sort aveugle lui envoya devait profond��ment modifier son caract��re. Rien d'��tonnant �� ce qu'il soit devenu nerveux et irritable au plus haut degr��. Mais je ne crois pas risquer un paradoxe en disant que son talent b��n��ficia de ses souffrances, qu'elles d��velopp��rent en lui le sens de l'analyse psychologique.?
C'��tait l'opinion de l'��crivain lui-m��me, non-seulement au point de vue de son talent, mais de toute la suite de sa vie morale. Il parlait toujours avec gratitude de cette ��preuve, o�� il disait avoir tout appris. Encore une le?on sur la vanit�� universelle de nos calculs! �� quelques degr��s de longitude plus �� l'ouest, �� Francfort ou �� Paris, cette incartade r��volutionnaire e?t r��ussi �� Dosto?evsky, elle l'e?t port�� sur les bancs d'un Parlement, o�� il e?t fait
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