indiqué, je débutai par aller, avec ma fille et le vicomte de Lespignière, me promener sur une montagne des environs, d'où l'on découvre une vue magnifique, et sur laquelle se trouvent beaucoup de cyprès. Ma fille, en les regardant, me dit: ?Ces arbres-là invitent au silence.? Je fus si surprise qu'un enfant de sept ans p?t avoir une idée de ce genre, que je n'ai jamais oublié cela.
Malgré le désir extrême que j'avais d'arriver à Rome, il m'était impossible de ne pas séjourner un peu dans cette charmante ville. J'allai voir avant tout la célèbre galerie que les Médicis ont enrichie avec tant de magnificence. En entrant par le vestibule, on aper?oit d'abord une quantité de tombeaux antiques[5]; et contre la porte, se trouve placée la fameuse statue du Gladiateur. De ce vestibule, on entre dans la galerie qui renferme tant de superbes statues. La Vénus de Médicis, les deux Lutteurs, le Remouleur, un jeune Faune, le Satyre et le Bacchus de Jean de Bologne, et la belle scène de la Niobé. Ces principales figures ornent la salle de la tribune, qui est aussi décorée par plusieurs beaux tableaux, dont trois sont de Rapha?l, un d'André del Sarte, et d'autres de divers grands ma?tres. Dans une seconde salle, on voit en sculpture: Euphrosine couchée, Alexandre mourant; en peinture: une Vénus du Titien, un très beau Vanderveft, de superbes paysages de Salvator Rosa, et cent autres chefs-d'oeuvre que je ne cite point; car il faudrait un volume pour entrer dans quelques détails sur toutes les richesses que j'eus le bonheur d'admirer dans ce lieu de délices pour un artiste.
J'allai le lendemain au palais Pitti, où, dans la première salle, je distinguai surtout la Charité, peinte par le Guide, le portrait d'un philosophe par Rembrandt, un tableau à la fois très fin et très vigoureux de Carlo Dolce, une sainte famille de Louis Carrache, et la vision d'ézéchiel, admirable petit tableau de Rapha?l. On y remarque aussi le portrait d'une femme habillée en satin cramoisi, peint par le Titien avec autant de vigueur que de vérité.
La seconde salle renferme quatre beaux tableaux du vieux Palme; et de Rubens, un grand tableau allégorique, une Sainte Famille, ainsi que son tableau des Philosophes, qui est superbe; le portrait d'un cardinal, peint par Vandick, dont la belle couleur et la grande vérité sont remarquables. C'est aussi dans cette salle que l'on voit la Madone à la Seggiola, Léon X et Jules II, par Rapha?l, trois chefs-d'oeuvre, si dignes de leur haute renommée.
On trouve dans la troisième salle un grand et beau tableau d'André del Sarte représentant la Vierge, Jésus et saint Jér?me; Paul III, du Titien, admirable de vérité; un tableau allégorique, deux paysages, et la fameuse fête de village, par Rubens; enfin, une Sainte Famille assise sur des ruines, magnifique tableau de Rapha?l.
Dans le jardin du palais Pitti, au-dessus d'un bassin qui a vingt pieds de diamètre, on voit une statue colossale de Neptune, et trois Fleuves qui versent de l'eau en abondance; toutes ces figures, d'une très belle composition, sont de Jean de Bologne.
Dès que je pus m'arracher à la jouissance de parcourir la galerie des Médicis et le palais Pitti; j'allai voir les autres beautés que renferme Florence. D'abord, les portes du baptistère de Guilberti, dont les sujets, en dix compartimens, sont d'une composition admirable. Ces sujets sont pris dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Le relief des figures, le style des draperies, les accessoires, arbres, fabriques, tout est d'une exécution si parfaite, qu'on pourrait en faire des tableaux, car il n'y manque que la couleur; aussi Michel-Ange les nommait-il les portes du paradis.
à l'église de Saint-Laurent, je m'arrêtai long-temps dans la chapelle des Médicis, dont plusieurs tombeaux ont été exécutés d'après les dessins de Michel-Ange. On ne peut rien voir de plus beau que ces tombeaux. Quelques-uns sont en granit oriental, d'autres en granit égyptien. Dans des niches en marbre noir on a placé des statues en bronze doré. C'est dans l'église Santa-Croce que se trouve le mausolée de Michel-Ange. Là, il faut se prosterner.
Je suis montée au clo?tre de l'Annonciate, peint par André del Sarte. Ces diverses compositions sont d'un style simple, qui convient au sujet, et qui tient même de l'antique. Les figures pleines d'expression et de vérité sont d'une excellente couleur. Il est bien malheureux que l'on n'ait pas soigné ces chefs-d'oeuvre, qui auraient suffi à la réputation de ce grand peintre. La Vierge, nommée la Madona del Sacco, est divine. On la prendrait pour une vierge de Rapha?l.
On sent bien que je ne pouvais quitter Florence sans aller au palais Altoviti pour voir le beau portrait que Rapha?l a fait de lui-même. Ce portrait a été mis sous verre afin de le conserver, et cette précaution a fait noircir les ombres, mais tous les clairs de la
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