Sous le burnous | Page 5

Hector France
malsaines, criaient au brigadier de spahis:
--Encore un Kroumir, ?grand champ��tre!? A quoi bon le conduire �� Tebessa? D��molis-le donc dans la broussaille, imb��cile. Ce sera toujours une canaille de moins.
--Marche, marche, homme! disait Bel-Kassem, sans m��me daigner jeter un regard sur cette gueusaille.
Et l'homme passait, la t��te haute, l'oeil fixe, plein de d��dain aussi, mais pressant le pas, car il sentait siffler �� ses oreilles, lui, le hardi voleur arabe, les rires et les insultes des laches filous chr��tiens.
On sortait du village; on s'engageait sur le sentier pierreux de Tebessa, au milieu des gen��ts des palmiers nains et des bruy��res, ce que les mercantis appellent la broussaille, sous les morsures d��j�� br?lantes du soleil du matin.
L'homme marchait vite. Il n'entendait plus les rires des roumis, mais il sentait sur sa nuque le souffle chaud du cheval.
Bient?t une bonne odeur d'eau fra?che montait avec un bruit de cascade. Il y avait l��, o�� le chemin fait un coude, une place ravissante, envelopp��e de lauriers-roses.
Quand les fleurs s'��panouissaient ��clatantes sur le vert sombre, c'��tait un coin du paradis. Les papillons, les scarab��es d'or et les libellules s'y donnaient rendez-vous, et les souffles de la brise y avaient d'��nervantes mollesses. Il n'y manquait que les houris, et on les voyait parfois d��valer en groupe des douars, jambes et bras nus, pour puiser l'eau dans la rivi��re qui clapotait au-dessous, au milieu des quartiers de roc d��tach��s de ses flancs pendant le dernier orage. Des chutes, des bouillonnements, des ��cumes iris��es des sept couleurs. Les perdrix rouges venaient y boire, tandis que les grands li��vres au poil fauve regardaient curieusement, oreilles dress��es, au milieu des touffes de diss.
C'��tait l�� o�� nous attendions, dans les ��touffantes apr��s-midi, les filles des chaouias et o�� nous faisions l'amour, le pistolet �� port��e de la main et au poignet la bride du cheval.
C'��tait la fronti��re, �� trois quarts d'heure du bordj et du village d'El-Meridj, et Ali-bel-Kassem, l'oeil aux aguets, ralentissait son allure.
Et l'autre ralentissait aussi son pas, et, ne sentant plus le naseau du cheval sur sa nuque, reprenait haleine.
Il humait l'air frais, heureux de ce coin d'ombre, et, se retournant, disait:
--Je te prie, Sidi, depuis huit jours, tu le sais, j'��tais enterr�� vivant et priv�� d'eau dans les ordures d'un silo; au nom du Proph��te, permets que je fasse l'oudou el serir.
Un vrai serviteur de Dieu peut-il refuser �� un prisonnier qui passe pr��s d'une rivi��re le droit �� la petite ablution? L'ablution est sainte et obligatoire comme la pri��re, et ce n'est pas le d��vot Bel-Kassem, qui e?t song�� �� s'y opposer.
--Fais, r��pondait-il en d��tachant le chapelet de son cou, je te donnerai tout te temps que je mettrai �� prononcer les quatre-vingt-dix-neuf noms d'Allah!
Et il ��grenait les grains d'ivoire un �� un, sans se presser, murmurant sur chaque, un des noms de Dieu:
Dieu le Grand; Dieu le Mis��ricordieux; Dieu le Juste; Dieu l'Immuable; Dieu le Ma?tre de l'heure.
Pendant que le b��douin se laissant glisser le long de la pente crayeuse, et s'accroupissant, baignait sa face et plongeait avec d��lices ses jambes et ses bras dans l'eau.
Du haut de sa monture, immobile sur le bord, le grand champ��tre ne le quittait pas de l'oeil, continuant sa litanie:
Dieu le Vivant; Dieu le Tr��s-Haut; Dieu le Cl��ment,
Et quand il avait fini, il se r��citait le verset:
.... Le Proph��te a dit: ?Celui que la mort surprendra la pri��re au l��vres ou au moment d'une action louable ou d'un acte religieux, celui-l�� est b��ni.?
Puis il repla?ait m��thodiquement le chapelet �� son cou, par dessus son burnous rouge, portait la main sur la poign��e de son pistolet, le tirait lentement de sa gaine, et l'armait sans bruit.
Et le corps pench��, l'avant-bras appuy�� sur l'��paule du cheval, il visait �� son aise pendant une ou deux secondes.
--Les chr��tiens maudits l'ordonnent, mais, par le Koran glorieux, tu te feras leur accusateur lorsque le soleil sera ploy�� et qu'on d��roulera la feuille du Livre. Alors leur compte sera affreux, leur demeure la g��henne. Et tu te f��liciteras, car tu auras pass�� le Sirak! Adieu, homme, l'archange Gabriel va te prendre pour que tu contemples la face du Ma?tre.
Il marmottait cela entre ses dents, comme un d��vot qui prie, tout en ajustant la nuque.
--Va, mon fils, c'��tait ��crit.
Et il lui cassait la t��te. Rarement il manquait son but. En ce cas, il achevait la besogne �� coups de sabre. Le corps roulait et s'ab?mait dans le torrent. Quelquefois, le vent qui soufflait des cr��tes du Bou-Djaber apportait jusqu'au village d'El-Meridj le bruit de la d��tonation.
--Entendez-vous? disaient les mercantis. Encore ces cochons de Kroumirs qui assassinent en plein jour. Ont-ils du toupet, ces gueux-l��!

III
LA POULE VOL��E
I
--La quatri��me, nom de Dieu! la quatri��me en huit jours! s'��cria le lieutenant Fortescu apr��s avoir bien constat�� qu'il manquait une poule au poulailler de la popote des officiers de
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