ce titre, il n'est pas une autre qui la vaille.
PRAXIAS.
Elle eût épouvanté l'orage,
ANTISTHÈNES.
Et les typhons.
_Xantippe s'éveille sans être vue des assistants, écoute les paroles de
son mari, avec étonnement d'abord, puis les boit avidement, et, comme
entraînée à mesure qu'il parle, tend les bras vers Socrate. À ce moment,
Myrrhine seule est près d'elle._
SOCRATE, suivant sa pensée.
Ainsi, vers la clarté des abîmes profonds Dans lesquels se répand la vie
universelle, Emportant mon esprit et ma force avec elle, Xantippe va
s'enfuir, et je la pleure. Mais D'ailleurs pourquoi ne pas le dire? Je
l'aimais!
XANTIPPE, à elle-même.
Que dit-il! Cette joie est pour moi la première. Il m'aime!
MYRRHINE, à Xantippe.
Puisqu'enfin tu revois la lumière, Vite, appelons le maître. Il faut le
consoler.
Appelant Socrate, qui ne l'entend pas.
Socrate!
XANTIPPE, _mettant sa main sur la bouche de Myrrhine
Ne dis rien. Non, laisse-le parler.
SOCRATE, avec un sentiment profond.
Je l'aimais, car fidèle épouse d'un pauvre homme, Elle vivait pour moi,
probe, sobre, économe. Ordonnant la maison, voyant tout par ses yeux,
Elle était ma compagne et me chérissait mieux Que ceux dont la
douceur louangeuse me flatte. Je l'aimais et je l'aime encore.
XANTIPPE, courant à Socrate.
Cher Socrate! Quoi! Tu m'aimais!
SOCRATE.
Xantippe! Elle, Dieux immortels!
ANTISTHÈNES.
L'enfer n'a pas voulu la prendre.
XANTIPPE, ravie, à Socrate.
Après de tels Aveux, comment ne pas renaître?
SOCRATE.
Elle! Xantippe! Vivante!
XANTIPPE.
Et corrigée. Oui, l'erreur se dissipe. Je n'avais rien de bon, je semais la
terreur Devant moi, je n'étais que rage et que fureur; J'étais folle,
cruelle, abominable, indigne, Farouche, noircissant la colombe et le
cygne, Plus méchante, en un mot, que le serpent Python. Mais tu m'en
puniras, ami.
Elle va prendre un bâton et l'apporte à Socrate.
Prends, ce bâton. Il ne faiblira pas, il est gros comme quatre.
SOCRATE.
En effet. Mais pourquoi ce bâton?
XANTIPPE.
Pour me battre! Oui, tu me battras.
SOCRATE.
Moi! Pourquoi?
XANTIPPE.
Pour châtier Mes colères, mes cris, mes pleurs, mon coeur altier, Ma
méchanceté rare et mes fureurs ingrates. Devant tous ces gens-là je
veux que tu me battes. Devant tous. Les petits pour voir tendront leurs
cous. Vite! Bats-moi. Je veux expirer sous tes coups. Alors que tu
m'aimais, je te battais moi-même: À présent, c'est mon tour, puisque
c'est moi qui t'aime! Cher mari, tu pleurais, tu pâlissais d'effroi, Me
croyant morte. Allons, pas de pitié. Bats-moi!
SOCRATE.
Non pas.
XANTIPPE.
Mon cher petit Socrate, bats-moi vite!
SOCRATE.
Je ne te battrai pas.
XANTIPPE.
De grâce! Je t'invite À me battre!
SOCRATE.
Mais non.
XANTIPPE.
Je t'en supplie.
SOCRATE, paternel.
Allons!
XANTIPPE, lui tendant le bâton.
Tiens, ne me soumets pas à des détours si longs! Socrate, bats-moi.
SOCRATE.
Pas du tout.
XANTIPPE.
Je t'en conjure!
SOCRATE.
Hé! Point!
XANTIPPE.
Me refuser serait me faire injure.
SOCRATE.
Mais non.
XANTIPPE, éclatant en pleurs.
Bats-moi!
SOCRATE.
Voilà qu'elle pleure à présent! Tu veux...
XANTIPPE.
Je veux cent coups.
SOCRATE.
Mais...
XANTIPPE.
Fais-moi ce présent. Donne-moi cent coups.
SOCRATE.
Non.
XANTIPPE.
Je n'en puis rien rabattre.
SOCRATE.
Voyons, bonne Xantippe, il faut...
XANTIPPE, frappant du pied. Avec colère.
Il faut me battre!
SOCRATE, levant les yeux au ciel.
Apollon! jour, esprit, clarté, protège-nous!
À Xantippe.
Quittons ce vain propos.
XANTIPPE, insistant.
J'embrasse tes genoux.
SOCRATE, doucement persuasif.
Te battre! ce serait folie!
XANTIPPE, s'animant.
Ô sort morose! Me va-t-il refuser encor si peu de chose? Quoi donc!
Ayant si bien pleuré sur mon trépas, Tu me dédaignerais! Tu ne me
battrais pas! Prends garde.
SOCRATE, avec bonhomie.
Que ton coeur pour le bien s'évertue, C'est admirable; mais vouloir être
battue Devant tous, apporter même un bâton, cela, Ma femme, c'est
tomber de Charybde en Scylla.
XANTIPPE, déjà furieuse.
En Scylla! Donc je suis un monstre. Je dévore Les nautonniers! Vas-tu
m'injurier encore? Veux-tu me battre, ou non?
Socrate ne répond pas.
Tu ne veux pas?
SOCRATE.
Non.
XANTIPPE.
Non? Si fait! Tu me battras, ou j'y perdrai mon nom.
SOCRATE.
Mais non.
XANTIPPE, exaspérée.
Bats-moi.
SOCRATE.
Non, par Hercule secourable!
XANTIPPE.
Tu ne veux pas?
SOCRATE.
Non.
XANTIPPE.
Non?
_Jetant le bâton et donnant un soufflet à Socrate._
Eh bien! Tiens!
_Xantippe, stupéfaite de sa propre action et comme foudroyée, tombe
aux pieds de Socrate._
XANTIPPE, à genoux. Avec confusion.
Misérable! Voilà que je retombe en mon égarement. Ta Xantippe n'est
rien que démence et tourment. Hélas! à quoi, taillée en une telle étoffe,
Peut-elle donc servir?
SOCRATE, la relevant et la prenant dans ses bras.
À faire un philosophe!
À Dracès.
Et toi, bon Dracès, prends Myrrhine par la main; Savourez à longs traits,
sans attendre à demain, Le bonheur que les Dieux offrent avec largesse,
Et vous aurez aussi, par surcroît, la sagesse.
XANTIPPE, dans les bras de Socrate. Au public.
Tout le mal est
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