passer la vie,--ne jamais monter dedans que pour battre les coussins.
Un peu plus loin.--Les trains ont un but; la vie n'en a pas. Mais c'est pr��cis��ment l'originalit�� de la vie de n'en pas avoir, de but. Parfois je lui trouve, ainsi qu'�� une vieille dentelle, le charme m��me de l'inutilit��.
Un peu plus loin.--Jusqu'�� Dreux, j'ai consid��r�� le paysage: l'inconscience v��g��tale est, d��cid��ment, un n��ant trop attristant. Il faut, pour s'y int��resser, la faire vivre en s'incorporant soi-m��me aux arbres, aux herbes: mettre dans un corps de ch��ne son ame sensible d'homme: je suis ch��ne, je suis houx, je suis coquelicot, mais je le sais et le ch��ne l'ignore, et le houx et le coquelicot: �� cause de cela ils n'existent pas. Les panth��istes sont de bien braves gens.
Nonancourt.--Ces syllabes chant��es le long du train ��voquent un joli couvent de nonnettes, un peu dissolues avant la r��forme de Borrom��e; apr��s, tout �� Dieu jusqu'�� l'��parpillement r��volutionnaire. Maintenant la maison, pl��b��e �� jamais, sert de grange, d'��table, de porcherie. Comme dit le notaire, qui en fit la derni��re vente, elle est �� usage de ferme, et c'est un grand progr��s que l�� o�� des femmes priaient, des vaches ruminent.
Tilli��res.--Un ravin coupe en deux la plaine, comme une lachet��, la vie.
Verneuil.--J'��tais seul depuis Paris. Un monsieur s'installe, ouvre un journal et s'��panouit �� une gauloiserie. Si c'��tait le soir, pr��s de sa moiti��, ou si, �� ma place, quelque complaisante montrait un bas de jambe! P��nibles vraiment pour un homme calme, ces mont��es d'animalit��: voil�� que l'��panouissement se resserre; la flamme joyeuse des yeux s'avive en une f��rocit�� croissante; la cruelle luxure entr'ouvre la bouche et montre les dents. R��veil: un regard qu��teur: la mimique peu �� peu s'��teint et c'est l'ennui d��sappoint�� d'une excitation vaine. Non, je ne veux pas servir d'aphrodisiaque �� des bourgeois. Songer �� cela vous engagerait vers une litt��rature monacale, dure, m��prisante pour les charnalit��s viles.--Viles? Elles sont essentielles.
Bourth ou environs.--Le monsieur parle. Cela devait arriver. Il parle de lui, plein du besoin de se faire conna?tre, d'introduire le passant dans son petit univers. Il voyage pour une librairie eccl��siastique. De cure en cure, bien re?u par les cur��s qui le font d?ner: bonne client��le, bons payeurs. Son centre est Verneuil: de l��, il rayonne, ap?tre. D'ordinaire, un cheval et une voiture, lou��s pour la saison, l'acheminent d'��glise en ��glise; ayant affaire �� Laigle, il a pris le train pour se distraire; pour se distraire, est mont�� en premi��res avec un billet de secondes. (Il n'y a pas de contr?le �� ces heures-ci.) ?Verneuil, une agr��able ville: chose rare, en province (entre nous, n'est-ce pas?), ce gros bourg poss��de une maison tr��s bien tenue, tr��s renouvel��e.? Il est libre-penseur, mais tol��rant, enveloppe dans la m��me piti�� sympathique les enfants, les femmes, les pr��tres, les d��vots, plus b��tes que m��chants, assure-t-il. Pour lui, s'il y a un Dieu, il ira au ciel tout droit, n'ayant jamais fait de mal �� une mouche. L'instruction int��grale, peu �� peu, nous gu��rira de la religion; l��-dessus il est sans crainte et, la conscience bien tranquille, place au mieux ses _Corneille de la Pierre_. Point mari��, mais d��sirant le mariage, afin de procr��er de braves petits r��publicains, vigoureux d��fenseurs de la Patrie: l'Alsace et la Lorraine, Gambetta, etc.
Laigle.--Il m'offre quelque chose. Poliment, je me r��cuse, il s'��loigne. De par le monde, cela touche au milliard le nombre des cervelles ainsi organis��es: pauvres inconscientes abeilles, pour qui travaillez-vous? L'esp��ce? Mais l'intelligence de quelques-uns balance-t-elle l'universelle sottise?
Rai-Aube.--Village que je ne verrai jamais, village au nom si joli, aurore et rayon, composition pimpante de lumineux vocables, alliance de syllabes mari��es par un matinal sourire, herbes arros��es par la fra?cheur de l'aiguille, transparence des sources, murmurante fluidit�� des eaux courantes sous les joncs fleuris, Rai-Aube, tout cela, et l'oubli��, et l'indicible, palpite dans les lettres blanches de ton nom, attirant et fuyant r��bus coll�� au pignon de la gare! Ressouvenance plut?t que vision: en ma jeunesse, je v��cus dans ces d��lices printani��res et je m'en impr��gnai. Je ne suis pas des villes et le terrain bati ne m'incite pas �� des joies excessives. Tout demeure jeune, qui fut cr���� par de jeunes yeux, et la campagne a encore souvent, pour moi, le sexe de son orthographe, m��me sous un surplis de neige. De mes ann��es premi��res il ne me reste que cela: tout est mort, de la r��elle mort ou de la mort du souvenir. L'attendrissement de figures vagues pench��es sur ma pr��coce orphanit��, tel est le plus lointain; du coll��ge l'horreur m'en est encore dure �� renouveler, dantesque et inutile horreur inflig��e �� ma pitoyable enfance. Mais d��j��, un peu �� ma volont��, le monde s'absentait de moi et par une lente ou soudaine r��cr��ation, je me refaisais une vie plus harmonieuse �� mon sens intime;
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