��tre admirable pour feindre?
--H��, madame, reprit Entragues, l'imagination ne d��truit pas la sinc��rit��: elle la v��t de brocatelles et de rubis, lui pose un diad��me, mais sous le manteau royal comme sous les haillons, c'est toujours le m��me corps de femme. Orner la v��rit��, c'est la respecter. Cela me rappelle ces vieux ��vang��liaires si charg��s d'enluminures que des yeux profanes y cherchent en vain le texte saint.
--Il y a, reprit Sixtine, de difficiles ��critures.
--Quand on ne sait pas d��chiffrer, il faut savoir deviner. Les femmes, qui sont les illettr��es de l'amour, n'ont-elles pas aussi toutes les intuitions de l'ignorance? Voyons, si je vous disais: ?Le coeur sent battre le coeur?? On se laisse encore prendre �� quelques vieux aphorismes.
--Rien n'est bon comme de se laisser prendre!
��tonn��e toute la premi��re d'une hardiesse de paroles dont Entragues cherchait en ses yeux le sens pr��cis, elle riait.
Ce rire purement volontaire et dont pourtant il p��n��trait l'essence, le troubla. Prosateur strict et toujours �� la qu��te du mot juste, jeune ou vieux, rare ou commun, mais de signifiance exacte, il s'imaginait que tout le monde parlait comme il ��crivait, quand il ��crivait bien. C'��tait de bonne foi qu'il s'ent��tait �� r��fl��chir, arr��t�� soudain par une inqui��tude en face de tels mots de conversation, v��tements de vanit��s pures. La conscience de ce travers ne l'en avait pas gu��ri, ni la punition de se r��p��ter apr��s chaque faute, ce mea culpa, arrang�� d'apr��s Goethe �� son usage personnel: ?Quand il entend des mots, Entragues croit toujours qu'il y a une pens��e dedans.?
Cela compliquait beaucoup sa vie et ses dialogues, cela mettait dans ses actes et dans ses r��pliques de notables retards, mais il n'avait rien �� faire que de l'anatomie litt��raire, et il aimait �� rencontrer des mentalit��s complexes, des probl��mes dont, plus tard, il ��luciderait, par d��duction, l'herm��neutique momentan��e.
La noix ��tait peut-��tre vide, il jeta un caillou dans l'arbre pour en faire pleuvoir quelques autres:
--Il vaut mieux donner que de se faire voler.
--Oh! reprit Sixtine, la sensation est bien diff��rente. D'abord, n'est pas vol�� qui veut: il ne suffit m��me pas de laisser sa porte entr'ouverte, monsieur d'Entragues.
Elle pronon?a ces derni��res syllabes d'une voix insidieuse, croyait-il, mais pourquoi? En attendant de comprendre, il r��pondit:
--Ce serait m��me, un bien enfantin syst��me: on met, d'ordinaire, des sentinelles aux caisses du Tr��sor et aux coffres-forts, des serrures. Forcer, briser ou d��monter, ce sont les piments du plaisir de voler; quand il n'y a qu'�� forjetter la main, cela rebute les vrais artistes. Mais c'est de la tr��s ��l��mentaire ��thique: sans effort, pas de volupt��.
--Vous parlez des voleurs, moi des vol��s: vous ne pouvez ��tre que des uns, moi que des autres,--de ceux, de celles, qui sont �� la merci d'une ��ventuelle d��valisation. Je voulais expliquer ceci, qu'en plus de la porte entr'ouverte ou, enfin, facile �� ouvrir, car si on perfectionne trop la fermeture, on risque de s'assurer une s��curit�� vraiment d��sobligeante, eh bien! en plus de cela, il faut qu'il y ait �� voler des choses visibles ou soup?onn��es, il faut que par des apparences, d'ext��rieures et attirantes promesses, le voleur soit tent��.
--Vous m'avez devanc��, madame, en vous d��cernant ce compliment personnel, j'allais le faire. Mais vous connaissez mieux que moi vos fiefs et tout ce qui doit attirer vers le coffret r��v�� les mains curieuses et voleuses.
--Trop de franchise et trop d'ironie, monsieur d'Entragues, vous n'��tes pas n�� voleur.
--H��las, il n'y pas chez moi de cachette assez s?re pour de tels larcins. Ce que volerait ma main droite, ma main gauche ne saurait qu'en faire.
Elle ne parut pas froiss��e de la franchise un peu brutale de ce d��sint��ressement. Au contraire, elle songeait:
?Ce n'est pas un sot, un autre se serait jet�� sur mon imprudence, m'aurait tout de suite engag��e �� me laisser prendre!?
De son c?t��, Hubert, voyant que les noix, d��cid��ment, ��taient pleines et pas trop fades, se disait:
?Je vais m'amuser �� rucher encore quelques pierres vers les branches, comme on dit en ce pays.?
Sixtine le devan?a:
--A quel but pr��tendez-vous? L'amour est trop fuyant pour votre stabilit��, admettons. En ce cas, o�� s'achemine votre vie? Ah! po��te, au succ��s?
--Je ne suis pas po��te, je ne sais pas bien couper ma pens��e en petits morceaux ��gaux ou in��gaux, selon le hasard du hachoir: ma prose n'est rythm��e que par mon souffle; les coups d'��pingle de la sensation, seuls, en marquent les accents et la pu��rilit�� royale de la rime riche d��passe mon entendement...
Un vlouement d'ailes de corbeau troubla l'air au-dessus des arbres. Hubert se tut, ��coutant, puis:
--Vlouement, c'est ?a, vlouement d'ailes, avec bien le v v v. Est-ce le v v v ou le f f f? Le filement d'ailes? Non, vlouement est mieux. Fais-le encore, corbeau!
Sixtine, un peu effar��e, le fixait, la bouche ��panouie.
--Ces diables de bruit d'ailes, on ne peut pas les attraper!... Oh! le
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