Simon | Page 8

George Sand
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--A Dieu ne plaise que j'en pense autrement! répondit Simon avec plus de douceur. Cependant, voisine, il me semble que votre père n'avait pas jugé convenable, ou du moins nécessaire, de vous emmener hier avec lui. D'où vient donc que vous voilà en route ce matin pour le rejoindre?
--C'est que j'ai re?u un exprès et une lettre de lui au point du jour, répondit Bonne.
--Si matin? répliqua Simon d'un air de doute.
--Tenez, monsieur le censeur! dit Bonne en tirant de son sein un billet qu'elle lui jeta.
--Oh! je vous crois, s'écria-t-il en voulant le lui rendre.
--Non pas, non pas, repartit la jeune fille; vous m'accusez de courir au-devant d'un homme malgré la défense de mon père, je veux que vous me fassiez des excuses.
--A la bonne heure, dit Simon en jetant les yeux sur le billet, qui était con?u en ces termes:
?Lève-toi vite, ma chère enfant, et viens me trouver. M. de Fougères n'est point un freluquet; ou, s'il l'est, son équipage du moins ne me donne pas de crainte. En outre, il m'a amené une dame que je suis fort en peine de recevoir convenablement. J'ai besoin de ta présence au logis. Apporte des fruits, des gateaux et des confitures.
Ton père qui t'aime.?
--En ce cas, chère voisine, dit Simon en lui rendant le billet, je vous demande pardon et déclare que je suis un brutal.
--Est-ce là tout? répondit Bonne en lui tendant la main.
--Je déclare, dit-il en la lui baisant, que vous êtes Bonne la bien baptisée. C'est le mot de ma mère toutes les fois qu'elle vous nomme.
--Et répondez-vous toujours amen?
--Toujours.
--Surtout quand vous ne pensez pas à autre chose?
--Pourquoi cela? que signifie ce reproche?? répondit Simon avec beaucoup d'étonnement.
Bonne rougit et baissa les yeux avec embarras. Elle e?t mieux aimé que Simon sout?nt cette petite guerre que de ne pas comprendre l'intérêt qu'elle y mettait. Elle n'avait pas assez de vivacité dans l'esprit pour continuer sur ce ton, et pour réparer son étourderie par une plaisanterie quelconque. Elle se troubla, et lui dit adieu en frappant le flanc de son cheval avec une branche de peuplier qui lui servait de cravache. Simon la suivit des yeux quelques minutes avec surprise; puis, haussant les épaules comme un homme qui s'aper?oit de l'emploi puéril de son temps et de son attention, il reprit en sifflant le cours de sa promenade solitaire. La pauvre Bonne avait eu un instant de joie et de confiance imprudente. Elle l'avait cru jaloux en le voyant blamer son empressement d'aller recevoir M. de Fougères; mais d'ordinaire elle s'apercevait vite, après ces lueurs d'espoir, qu'elle s'était abusée, et que Simon n'était pas même occupé d'elle.
La Marche est un pays montueux qui n'a rien de grandiose, mais dont l'aspect, à la fois calme et sauvage, m'a toujours paru propre à tenter un ermite ou un po?te. Plusieurs personnes le préfèrent à l'Auvergne, en ce qu'il a un caractère plus simple et plus décidé. L'Auvergne, dont le ciel me garde d'ailleurs de médire! a des beautés un peu empruntées aux Alpes, mais réduites à des dimensions trop étroites pour produire de grands effets. Le pays Marchois, son voisin, a, si je puis m'exprimer ainsi, plus de bonhomie et de na?veté dans son désordre; ses montagnes de fougères ne se hérissent pas de roches mena?antes; elles entr'ouvrent ?à et là leur robe de verdure pour montrer leurs flancs arides que ronge un lichen blanchatre. Les torrents fougueux ne s'élancent pas de leur sein et ne grondent pas parmi les décombres; de mystérieux ruisseaux, cachés sous la mousse, filtrent goutte à goutte le long des parois granitiques et s'y creusent parfois un bassin qui suffit à désaltérer la bécassine solitaire ou le vanneau à la voix mélancolique. Le bouleau allonge sa taille serrée dans un étui de satin blanc, et balance son léger branchage sur le versant des ravins rocailleux; là où la croupe des collines s'arrondit sous le pied des patres, une herbe longue et fine, bien coupée de ruisseaux et bien plantée de hêtres et de chataigniers, nourrit de grands moutons très-blancs et couverts d'une laine plate et rude, des poulains trapus et robustes, des vaches naines fécondes en lait excellent. Dans les vallées, on cultive l'orge, l'avoine et le seigle; sur les monticules, on engraisse les troupeaux. Dans la partie plus sauvage qu'on appelle la montagne, et où le vallon de Fougères se trouve jeté comme une oasis, on trouve du gibier en abondance, et on recueille la digitale, cette belle plante sauvage que la mode des anévrismes a mise en faveur, et qui élève dans les lieux les plus arides ses hautes pyramides de cloches purpurines, tigrées de noir et de blanc. Là aussi le buis sauvage et le houx aux feuilles d'émeraude tapissent les gorges où serpente la Creuse. La Creuse est une des plus
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