Simon

George Sand


Simon

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Title: Simon
Author: George Sand
Release Date: April 18, 2006 [EBook #18205]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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SIMON
GEORGE SAND
NOUVELLE éDITION
PARIS
GARNIER FRèRES, LIBRAIRES
M DCCC XLVII
* * * * *
A MADAME LA COMTESSE DE ***.
Mystérieuse amie, soyez la patronne de ce pauvre petit conte. Patricienne, excusez les antipathies du conteur rustique. Madame, ne dites à personne que vous êtes sa soeur. Coeur trois fois noble, descendez jusqu'à lui et rendez-le fier. Comtesse, soyez pardonnée. étoile cachée, reconnaissez-vous à ces litanies.

I.
A quelque distance du chef-lieu de préfecture, dans un beau vallon de la Marche, on remarque, au-dessus d'un village nommé Fougères, un vieux chateau plus recommandable par l'ancienneté et la solidité de sa construction que par sa forme ou son étendue. Il parait avoir été fortifié. Sa position sur la pointe d'une colline assez escarpée à l'ouest, et les ruines d'un petit fort posé vis-à-vis sur une autre colline, semblent l'attester. En 1820, on voyait encore plusieurs bastions et de larges pans de murailles former une dentelure imposante autour du chateau; mais ces débris encombrant les cours de la ferme, les propriétaires en vendaient chaque année les matériaux, et même les donnaient à ceux des habitants qui voulaient bien prendre la peine de les emporter. Ces propriétaires étaient de riches fermiers qui habitaient une maison blanche à un étage et couverte en tuiles, à deux portées de fusil du chateau. Quelques portions de batiment, qui avaient été les communs et les écuries du chatelain, servaient désormais d'étables pour les troupeaux et de logement pour les gar?ons de ferme. Quant aux vastes salles du manoir féodal, elles étaient vides, délabrées, et seulement bien munies de portes et de fenêtres, car elles servaient de greniers à blé. Ce n'est pas que le pays produise beaucoup de grains; mais les cultivateurs qui avaient acheté les terres de Fougères comme biens nationaux, avaient amassé une assez belle fortune en s'approvisionnant, dans le Berry, de céréales qu'ils entassaient dans leur chateau, et revendaient dans leur province à un plus haut prix. C'est une spéculation dont le peuple se trouverait bien, si le spéculateur consentait à subir avec lui le déficit des mauvaises années. Mais alors, au contraire, sous prétexte du grand dommage que les rats et les charan?ons ont fait dans les greniers, il porte ses denrées à un taux exorbitant, et s'engraisse des derniers deniers que le pauvre se laisse arracher au temps de la disette.
Les frères Mathieu, propriétaires de Fougères, avaient, à tort ou à raison, encouru ce reproche de rapacité; il est certain qu'on entendit avec joie, dans le hameau, circuler la nouvelle suivante:
Le comte de Fougères, émigré, que le retour des Bourbons n'avait pas encore ramené en France, écrivait d'Italie à M. Parquet, ancien procureur, maintenant avoué au chef-lieu du département, pour lui annoncer qu'ayant relevé sa fortune par des spéculations commerciales, il désirait revenir dans sa patrie et reprendre possession du domaine de ses pères. Il chargeait donc M. Parquet d'entrer en négociation avec les acquéreurs du chateau et de ses dépendances, non sans lui recommander de bien cacher de quelle part venaient ces propositions.
Pourtant le comte de Fougères, las de la profession de négociant qu'il exer?ait depuis vingt ans au delà des Alpes, et voyant la possibilité de reprendre ses honneurs et ses titres en France, ne put s'empêcher d'écrire son espoir et son impatience à ses parents et à ses alliés, lesquels, pour leur part, ne purent s'empêcher de dire tout haut que la noblesse n'était pas tout à fait écrasée par la révolution, et que bient?t peut-être on verrait les armoiries de la famille refleurir au tympan des portes du chateau de Fougères.
Pourquoi la population re?ut-elle cette nouvelle avec plaisir? La famille de Fougères n'avait laissé dans le pays que le souvenir de d?ners fort honorables et d'une politesse exquise. Cela s'appelait des bienfaits, parce qu'une quantité de marmitons, de braconniers et de filles de basse-cour avaient trouvé leur compte à servir dans cette maison. Le bonheur des riches est inappréciable, puisqu'on se contentant de manger leurs revenus de quelque fa?on que ce soit, ils répandent l'abondance autour d'eux. Le pauvre les bénit, pourvu qu'il lui soit accordé de gagner, au prix de ses sueurs, un mince salaire. Le bourgeois les salue et les honore, pour peu qu'il en obtienne une marque de protection. Leurs
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