Sganarelle | Page 9

Molière


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SCÈNE XXII. - Célie, Lélie, Sganarelle, la femme de Sganarelle, la
suivante de Célie.

- La femme de Sganarelle -
Je ne suis point d'humeur à vouloir contre vous Faire éclater, Madame,
un esprit trop jaloux ; Mais je ne suis point dupe, et vois ce qui se
passe : Il est de certains feux de fort mauvaise grâce ; Et votre âme
devrait prendre un meilleur emploi, Que de séduire un coeur qui doit

n'être qu'à moi.
- Lélie -
La déclaration est assez ingénue.
- Sganarelle -
(à sa femme.)
L'on ne demandait pas, carogne, ta venue : Tu la viens quereller
lorsqu'elle me défend, Et tu trembles de peur qu'on t'ôte ton galant.
- Célie -
Allez, ne croyez pas que l'on en ait envie.
(Se tournant vers Lélie.)
Tu vois si c'est mensonge ; et j'en suis fort ravie.
- Lélie -
Que me veut-on conter ?
- La suivante -
Ma foi, je ne sais pas Quand on verra finir ce galimatias ; Déjà depuis
longtemps je tâche à le comprendre, Et si, plus je l'écoute (13), et moins
je puis l'entendre, Je vois bien à la fin que je m'en dois mêler.
(Elle se met entre Lélie et sa maîtresse.)
Répondez-moi par ordre, et me laissez parler.
(A Lélie.)
Vous, qu'est-ce qu'à son coeur peut reprocher le vôtre ?
- Lélie -
Que l'infidèle a pu me quitter pour un autre ; Que lorsque, sur le bruit
de son hymen fatal, J'accours tout transporté d'un amour sans égal,
Dont l'ardeur résistait à se croire oubliée, Mon abord en ces lieux la
trouve mariée.
- La suivante -
Mariée ! à qui donc ?
- Lélie -
(Montrant Sganarelle.)
A lui.
- La suivante -
Comment, à lui ?
- Lélie -
Oui-dà !
- La suivante -
Qui vous l'a dit ?

- Lélie -
C'est lui-même, aujourd'hui.
- La suivante -
(à Sganarelle.)
Est-il vrai ?
- Sganarelle -
Moi ? J'ai dit que c'était à ma femme, Que j'étais marié.
- Lélie -
Dans un grand trouble d'âme, Tantôt de mon portrait je vous ai vu saisi.
- Sganarelle -
Il est vrai : le voilà.
- Lélie -
(à Sganarelle.)
Vous m'avez dit aussi Que celle aux mains de qui vous aviez pris ce
gage était liée à vous des noeuds du mariage.
- Sganarelle -
(montrant sa femme.)
Sans doute. Et je l'avais de ses mains arraché ; Et n'eusse pas sans lui
découvert son péché.
- La femme de Sganarelle -
Que me viens-tu conter par ta plainte importune ? Je l'avais sous mes
pieds rencontré par fortune ; Et même, quand, après ton injuste
courroux,
(Montrant Lélie.)
J'ai fait, dans sa faiblesse, entrer monsieur chez nous, Je n'ai pas
reconnu les traits de sa peinture.
- Célie -
C'est moi qui du portrait ai causé l'aventure ; Et je l'ai laissé choir en
cette pâmoison,
(À Sganarelle.)
Qui m'a fait par vos soins remettre à la maison.
- La suivante -
Vous voyez que sans moi vous y seriez encore, Et vous aviez besoin de
mon peu d'ellébore.
- Sganarelle -
(à part.)
Prendrons-nous tout ceci pour de l'argent comptant ? Mon front l'a, sur

mon âme, eu bien chaude pourtant.
- la femme de Sganarelle -
Ma crainte toutefois n'est pas trop dissipée, Et, d'où que soit le mal, je
crains d'être trompée.
- Sganarelle -
(à sa femme.)
Hé ! mutuellement, croyons-nous gens de bien ; Je risque plus du mien
que tu ne fais du tien. Accepte sans façon le parti qu'on propose.
- la femme de Sganarelle -
Soit. Mais gare le bois si j'apprends quelque chose !
- Célie -
(à Lélie, après avoir parlé bas ensemble.)
Ah ! dieux ! s'il est ainsi, qu'est-ce donc que j'ai fait ? Je dois de mon
courroux appréhender l'effet. Oui, vous croyant sans foi, j'ai pris pour
ma vengeance Le malheureux secours de mon obéissance ; Et depuis un
moment, mon coeur vient d'accepter Un hymen que toujours j'eus lieu
de rebuter. J'ai promis à mon père ; et ce qui me désole... Mais je le
vois venir.
- Lélie -
Il me tiendra parole.

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SCÈNE XXIII. - Gorgibus, Célie, Lélie, Sganarelle, la femme de
Sganarelle, la suivante de Célie.

- Lélie -
Monsieur, vous me voyez en ces lieux de retour, Brûlant des mêmes
feux ; et mon ardent amour Verra, comme je crois, la promesse
accomplie Qui me donna l'espoir de l'hymen de Célie.
- Gorgibus -
Monsieur, que je revois en ces lieux de retour, Brûlant des mêmes feux,
et dont l'ardente amour Verra, que vous croyez, la promesse accomplie
Qui vous donne l'espoir de l'hymen de Célie, Très humble serviteur à
Votre seigneurie.
- Lélie -
Quoi ?
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