Célie -
Et lorsque tu sauras Par quel motif j'agis, tu m'en estimeras.
- La suivante -
Cela pourrait bien être.
- Célie -
Apprends donc que Lélie A pu blesser mon coeur par une perfidie ;
Qu'il était en ces lieux sans...
- La suivante -
Mais il vient à nous.
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SCÈNE XX. - Lélie, Célie, la suivante de Célie.
- Lélie -
Avant que pour jamais je m'éloigne de vous, Je veux vous reprocher au
moins en cette place...
- Célie -
Quoi ! me parler encore ! avez-vous cette audace ?
- Lélie -
Il est vrai qu'elle est grande ; et votre choix est tel, Qu'à vous rien
reprocher je serais criminel. Vivez, vivez contente, et bravez ma
mémoire, Avec le digne époux qui vous comble de gloire.
- Célie -
Oui, traître, j'y veux vivre ; et mon plus grand désir, Ce serait que ton
coeur en eût du déplaisir.
- Lélie -
Qui rend donc contre moi ce courroux légitime ?
- Célie -
Quoi ? tu fais le surpris, et demandes ton crime ?
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SCÈNE XXI. - Célie, Lélie, Sganarelle, armé de pied en cap ; la
suivante de Célie.
- Sganarelle -
Guerre ! guerre mortelle à ce larron d'honneur Qui, sans miséricorde, a
souillé notre honneur !
- Célie -
(à Lélie, lui montrant Sganarelle.)
Tourne, tourne les yeux, sans me faire répondre.
- Lélie -
Ah ! je vois...
- Célie -
Cet objet suffit pour te confondre.
- Lélie -
Mais pour vous obliger bien plutôt à rougir.
- Sganarelle -
(à part.)
Ma colère à présent est en état d'agir ; Dessus ses grands chevaux est
monté mon courage (12), Et si je le rencontre, on verra du carnage. Oui,
j'ai juré sa mort ; rien ne peut l'empêcher. Où je le trouverai, je le veux
dépêcher.
(Tirant son épée à demi, il approche de Lélie.)
Au beau milieu du coeur il faut que je lui donne...
- Lélie -
(se retournant.)
A qui donc en veut-on ?
- Sganarelle -
Je n'en veux à personne.
- Lélie -
Pourquoi ces armes-là ?
- Sganarelle -
C'est un habillement Que j'ai pris pour la pluie.
(à part.)
Ah ! quel contentement J'aurais à le tuer ! Prenons-en le courage.
- Lélie -
(se retournant encore.)
Hai ?
- Sganarelle -
Je ne parle pas.
(A part, après s'être donné des soufflets pour s'exciter.)
Ah ! poltron, dont j'enrage, Lâche, vrai coeur de poule !
- Célie -
(à Lélie.)
Il t'en doit dire assez, Cet objet dont tes yeux nous paraissent blessés.
- Lélie -
Oui, je connais par là que vous êtes coupable De l'infidélité la plus
inexcusable Qui jamais d'un amant puisse outrager la foi.
- Sganarelle -
(à part.)
Que n'ai-je un peu de coeur !
- Célie -
Ah ! cesse devant moi, Traître, de ce discours l'insolence cruelle !
- Sganarelle -
(à part.)
Sganarelle, tu vois qu'elle prend ta querelle ! Courage, mon enfant, sois
un peu vigoureux. Là, hardi ! tâche à faire un effort généreux, En le
tuant tandis qu'il tourne le derrière.
- Lélie -
(faisant deux ou trois pas sans dessein, fait retourner Sganarelle qui
s'approchait pour le tuer.)
Puisqu'un pareil discours émeut votre colère, Je dois de votre coeur me
montrer satisfait, Et l'applaudir ici du beau choix qu'il a fait.
- Célie -
Oui, oui, mon choix est tel qu'on n'y peut rien reprendre.
- Lélie -
Allez, vous faites bien de le vouloir défendre.
- Sganarelle -
Sans doute, elle fait bien de défendre mes droits. Cette action,
Monsieur, n'est point selon les lois : J'ai raison de m'en plaindre ; et, si
je n'étais sage, On verrait arriver un étrange carnage.
- Lélie -
D'où vous naît cette plainte, et quel chagrin brutal... ?
- Sganarelle -
Suffit. Vous savez bien où le bât me fait mal ; Mais votre conscience et
le soin de votre âme Vous devraient mettre aux yeux que ma femme est
ma femme : Et vouloir, à ma barbe, en faire votre bien, Que ce n'est pas
du tout agir en bon chrétien.
- Lélie -
Un semblable soupçon est bas et ridicule. Allez, dessus ce point n'ayez
aucun scrupule : Je sais qu'elle est à vous, et, bien loin de brûler...
- Célie -
Ah ! qu'ici tu sais bien, traître, dissimuler !
- Lélie -
Quoi ? me soupçonnez-vous d'avoir une pensée De qui son âme ait lieu
de se croire offensée ? De cette lâcheté voulez-vous me noircir ?
- Célie -
Parle, parle à lui-même, il pourra t'éclaircir.
- Sganarelle -
(à Célie.)
Vous me défendez mieux que je ne saurais faire : Et du biais qu'il faut
vous prenez cette affaire.
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