d��sappoint��s voyaient le brig naviguer �� son aise dans la crique situ��e en dedans des r��cifs.
* * * * *
Les riverains, pourtant, n'��taient pas les plus d��sappoint��s.
Du balcon de son antique[NT1] chateau, le jeune seigneur don Ramon de Gerba venait, �� l'aide d'une lunette d'approche, de suivre tous les mouvements du brig et de l'amazone, son imprudente soeur.
--Mort de mon ame! grommela-t-il en bon espagnol, un excellent cheval tu��, le brig sauv�� encore une fois, ma soeur l'Indienne en t��te-��-t��te avec cet aventurier fran?ais, et une occasion rare perdue!...
La qualification d'Indienne donn��e avec amertume �� dona Isabelle par son a?n�� pourrait d��montrer jusqu'�� quel point ��taient fraternels les regrets de don Ramon pour la rare occasion qu'il perdait. Certes, il n'aurait pas eu grand souci de l'excellent cheval, si Sans-Peur le Corsaire n'avait pu arriver �� temps.
--Mais aussi, pourquoi le marquis de Garba y Palos, son p��re, le laissant tout enfant en Espagne, avait-il ��pous��, au P��rou, une femme de race trop illustre et trop ardemment ��prise de l'amour de ses infortun��s compatriotes?
Cette femme ��tait la m��re d'Isabelle, la c��l��bre Catalina de Sa?ri.
En 1780, lors de la derni��re insurrection des P��ruviens indig��nes, elle avait p��ri massacr��e par les soldats espagnols. Isabelle, ag��e alors de sept ans, conservait le cruel souvenir d'une journ��e d'horreur qui lui rendait odieux les oppresseurs de sa nation.
Depuis pr��s d'une ann��e, la jeune fille avait ferm�� les yeux du marquis son p��re, mort au chateau de Garba;--elle n'aspirait maintenant qu'�� retourner au P��rou et �� s'��loigner d'un fr��re qui la regardait au moins comme une ��trang��re, sinon comme une ennemie.
Don Ramon rentra dans son appartement avec humeur et se rapprocha du brasero rempli de charbons ardents, car la brise ��tait froide. Puis, roulant entre les doigts un papelito catalan, il songea aux biens consid��rables que le marquis son p��re avait laiss��s au P��rou.--Sans Isabelle, qui en ��tait la seule h��riti��re, il les aurait fait vendre et serait devenu le plus riche seigneur des c?tes de Galice.
On reconna?tra que Sans-Peur le Corsaire avait assez mal m��rit�� de don Ramon de Garba y Palos en sauvant la vie �� sa soeur. Sans-Peur le Corsaire, il est vrai, tenait fort peu aux bonnes graces de Sa Seigneurie don Ramon de Garba y Palos.
III
RECONNAISSANCE.
Par un mouvement soudain qui n'��tait ni de la timidit��, ni de la retenue, ni de la fiert��, dona Isabelle, l'amazone p��ruvienne, s'��tait recul��e. Immobile, silencieuse, plus troubl��e peut-��tre qu'�� l'instant o�� elle s'��tait vue suspendue sur l'ab?me, elle contemplait comme une vision d'outre-tombe le h��ros qui lui disait:
--Mademoiselle, ce n'est point un hasard qui m'a fait choisir cette crique pour lieu d'abri. J'��tais au P��rou, il y a deux ans... il y a deux ans, quand vous en partiez...
La voix maternelle retentissait dans le coeur de l'intr��pide jeune fille:--?C'est lui! c'est bien lui! c'est le Lion de la mer, vivant encore!...?
--Je vous revis alors, avec une joie et une douleur sans ��gales; votre noble p��re ��tait rendu �� la libert��, vous ��tiez �� son bras, radieuse, profond��ment ��mue et fi��re des clameurs enthousiastes qui saluaient votre d��livrance, mais une barri��re infranchissable nous s��parait...
--Oh! oui, c'est lui! c'est bien le Lion de la mer, vivant encore! murmurait dona Isabelle, qu'une r��miniscence vague, mais constante, n'avait cess�� de pr��occuper depuis l'instant o�� elle s'��tait rencontr��e, huit ou dix jours auparavant, avec le capitaine du brig le Lion.
Le corsaire, mouill�� sous les murs du chateau, n'en ��tait pas assez loin pour que, de sa fen��tre, dona Isabelle ne v?t parfaitement L��on chaque fois qu'il ��tait sur le pont de son bord.
D��s le premier jour, il s'inclina respectueusement �� sa vue.
Elle se recula ��tonn��e de la fixit�� de son regard et du geste ��loquent qu'il fit comme pour remercier le Ciel de ce qu'elle lui apparaissait.
Le soir, une guitare p��ruvienne modula les airs qui avaient berc�� son enfance.
Le lendemain, le capitaine fran?ais, de crainte de l'intimider, ne se montra point; mais il n'eut point de peine �� voir avec quelle attention elle regarda plusieurs pavillons aux embl��mes, connus d'elle seule, que d��roul��rent et repli��rent successivement quelques hommes du bord.
Elle avait ressenti coup sur coup d'ind��finissables impressions.
Les airs du pays natal retentissaient dans le silence de la nuit, et en fermant les yeux, elle vit en ses plus lointains souvenirs d'enfance cet ��tranger �� grands cheveux blonds, aux traits aquilins, au teint blanc et ardemment color��, au sourire doux et fier, ce corsaire fran?ais qui l'avait salu��e en levant les mains au ciel.
Les jours suivants, elle ne se permit m��me plus d'entr'ouvrir ses rideaux; mais attir��e par un charme secret et puissant, elle ne cessait d'observer �� la d��rob��e. Et toujours se reproduisait en elle la m��me impression, la m��me r��miniscence myst��rieuse qui se transformant en vision se traduisit en ces paroles de Catalina, sa m��re:--?Oui! ma fille, c'est bien lui!
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