Rose dAmour | Page 5

Alfred Assollant
dix, et que ceux qui reviendraient dans leurs foyers seraient estropi��s �� jamais.
Quand on nous dit tout cela, et que les rempla?ants co?teraient au moins trois mille francs pi��ce, la somme ��tait si grosse qu'elle fit reculer les parents de Bernard, et qu'il fut r��solu qu'on s'en remettrait au hasard, et qu'on ne prendrait aucune pr��caution contre le mauvais num��ro. Je ne sais pas ce que pensa Bernard; mais il fit bonne contenance devant moi et me dit: ?Rose-d'Amour, compte sur moi comme je compte sur toi, et ne crains rien. S'il faut partir, je partirai, je resterai sept ans en Afrique, ou en Allemagne, ou en Italie; mais dans le pays o�� l'on m'enverra, je ne penserai qu'�� toi, je n'aimerai que toi, et si tu m'aimes encore dans sept ans nous serons heureux tout comme aujourd'hui, foi de Bernard!? Je le crus sur parole, mais je ne pus m'emp��cher de pleurer. Sept ans! H��las! madame, quand on est jeune et qu'on aime, sept ans, c'est la vie enti��re.
Parmi les larmes, je ne pus m'emp��cher de dire: ?Ah! la maudite conscription!? Sur quoi mon p��re, le vieux _Sans-Souci_, me dit en me prenant sur ses genoux: ?Mon enfant, c'est la loi. Ce n'est pas nous qui l'avons faite, mais que veux-tu? c'est la loi... Et apr��s tout, Bernard, s'il y a guerre, tu reviendras peut-��tre colonel, ou g��n��ral, ou mar��chal comme au temps de l'autre?.
Pauvre p��re! il cherchait �� me consoler, mais je voyais bien sa tristesse qui ��tait peut-��tre plus forte que la mienne parce que les vieilles gens d��sesp��rent ais��ment de tout; les jeunes, au contraire, croient toujours que le bon Dieu va venir �� leurs secours.
Enfin arriva le jour du tirage, et mon pauvre Bernard, plus mort que vif, s'en alla tirer le billet de l'urne. 19? Ah! madame, quand nous v?mes ce malheureux num��ro, je sentis mon coeur d��faillir, et je serais tomb��e �� la renverse au milieu de la salle o�� se faisait le tirage, si mon p��re ne m'avait pas soutenue. Bernard s'avan?a vers nous:
?Eh bien! ma pauvre Rose-d'Amour, dit-il tout pale, c'est fini: je vais partir.
--Tu vas partir, lui r��pondit assez rudement mon p��re, mais tu ne vas pas mourir. Allons, donne-lui le bras et ram��ne-la �� la maison?.
Quel retour! Il me semblait voir Bernard pour la derni��re fois. Vous auriez cru assister �� un enterrement.
?Encore s'il ��tait borgne ou bossu! disait toujours mon p��re, qui faisait semblant de rire pour secouer notre tristesse. Mais non, ce gaillard-l�� est droit comme un I, il est joli gar?on, il ferait trois lieues �� l'heure: jamais le gouvernement ne voudra s'en priver pour toi, ma pauvre enfant.?
Le soir, on d��lib��ra dans les deux familles sur ce qu'il fallait faire.

III
Bernard et moi nous assistions au conseil.
?Ah! dit le p��re Bernard, il est bien dur de travailler toute sa vie et d'amasser avec beaucoup de peine quatre ou cinq mille francs pour en faire cadeau au gouvernement ou n'importe �� qui, quand on est vieux et quand on ne peut plus travailler?.
Mon p��re, qui ��tait l��, ne r��pliqua rien. Comme il n'avait pas de dot �� me donner, il ��tait trop fier pour engager les parents de Bernard �� faire donner un rempla?ant �� leur fils. Ce fut la m��re de Bernard qui r��pondit �� son mari.
?��coute, mon vieux. Ces trois mille francs qu'il nous faudra donner nous mettront sur la paille, c'est vrai; mais aimerais-tu mieux que Bernard part?t pour l'arm��e, qu'il tint un fusil dans les mains, qu'il allat tuer l'ennemi, qu'il en f?t tu�� ou estropi��, pendant que nous jouirions ici bien tranquillement de l'argent gagn��, et que nous aurions de bonne viande �� manger et de bon vin �� boire tous les jours que Dieu nous donne?
A chaque bouch��e ne penserais-tu pas que Bernard est l��-bas, qu'il a froid, qu'il a faim peut-��tre, qu'on nous le tue? Et cette pens��e ne te couperait-elle pas l'app��tit? Pour moi, je suis vieille, infirme, je n'ai pas longtemps �� vivre, je n'ai pas d'autre enfant que Bernard, et je veux voir les siens avant de mourir. Qu'il en co?te ce qu'il pourra, il faut lui donner un rempla?ant.
--Comme tu voudras, dit le vieux. Crois-tu que je n'aime pas Bernard autant que toi, et que je n'ai pas envie de voir une demi-douzaine de marmots grimper sur mes genoux et me tirer les cheveux et la barbe? Va, va, je ne regrette pas plus mon argent que toi. Allons, viens ici, Bernard, et toi, ma petite Rose-d'Amour, ne pleure pas comme une fontaine, tu auras ton amoureux. C'est convenu: embrassez-vous, et que ce soient l�� vos fian?ailles. Demain, je vais chercher quelqu'un �� qui je puisse vendre ma maison.
--Mais je ne veux pas que tu la vendes! s'��cria mon pauvre Bernard. Je ne veux pas que
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