Rose dAmour | Page 2

Alfred Assollant
bient?t seule. J'avais alors dix ans, et ce fut vers ce temps-l��, comme je vous le disais en commen?ant, que je fis pour la premi��re fois connaissance avec Bernard, dit l'_��veill��_ et le _Vire-Loup_. Car vous savez, madame, que c'est assez la coutume chez nous de donner des surnoms aux gar?ons comme aux filles, et que ces surnoms font souvent oublier le nom que nous a donn�� notre p��re. Moi, par exemple, quoiqu'�� l'��glise et �� la mairie l'on m'ait appel��e Marie, je n'ai jamais, depuis l'age de douze ans, r��pondu qu'au nom de _Rose-d'Amour_, que les filles de mon age me donnaient par d��rision, et que les gar?ons r��p��taient par habitude.
Car il faut vous dire, madame, et vous devez le voir aujourd'hui, que je n'ai jamais ��t�� jolie, m��me au temps o�� l'on dit commun��ment que toutes les filles le sont, c'est-��-dire entre seize et dix-huit ans. J'avais les cheveux noirs, naturellement, les yeux bleus et assez doux, �� ce que disait quelquefois mon p��re, qui ne pouvait pas se lasser de me regarder; mais tout le reste de la figure ��tait fort ordinaire, et si j'ajoute que je n'��tais ni boiteuse, ni manchotte, ni malade, ni mal conform��e, que j'avais des dents assez blanches, et que je riais toute la journ��e, vous aurez tout mon portrait.
Du reste, on m'aimait assez dans le voisinage, parce que je n'avais jamais fait un mauvais tour ni donn�� un coup de langue �� personne ce qui est rare parmi les pauvres gens, et plus rare encore, dit-on, chez les riches.
Il ne faudrait pas croire que je fusse le moins du monde malheureuse de vivre avec mon p��re, quoiqu'il ne me dit pas six paroles par jour, si ce n'est pour les soins du m��nage, et que nous n'eussions pas toujours de quoi vivre. Les gens qui se portent bien et qui travaillent n'ont pas de tr��s-grands besoins: un petit ��cu leur suffit pour la moiti�� d'une semaine, et s'il ne suffit pas, ils prennent patience, sachant bien que la vie est courte, que la bonne conscience est m��re de la bonne humeur, et que la gait�� vaut tous les autres biens.
Tous les soirs, apr��s souper, dans la belle saison, j'allais me promener avec mon p��re et quelques voisins dans la campagne; nous montions dans ce bois de chataigniers que vous connaissez et qui est sur la hauteur, �� une demi-lieue de la ville. L��, mon p��re se couchait sur le gazon, les yeux tourn��s vers les ��toiles, et moi je courais autour de lui avec les enfants de mon age. L'hiver, nous restions au coin du feu, tant?t chez nous, tant?t chez le p��re Bernard, dit _Tape-��-l'Oeil_, afin de m��nager le bois, qui ne se donne pas dans notre pays, et qui co?te aussi cher que le pain.
Un soir, c'��tait au mois d'avril, mon p��re ne voulut pas venir avec nous, et me laissa aller au bois avec plusieurs autres gar?ons et filles sous la conduite de la m��re Bernard, qui ��tait une femme tr��s respectable et ag��e. Tout en courant, je m'��garai un peu dans le bois qui n'��tait pas toujours s?r; les loups y venaient quelquefois de la grande for��t de la Renarderie, qui n'est qu'�� six lieues de l��. Justement, ce jour-l�� des chasseurs avaient fait une battue dans la for��t, et un vieux loup, pour ��chapper aux chiens, s'��tant jet�� dans la campagne, avait cherch�� un asile dans le bois o�� je courais.
J'��tais seule, avec un jeune gar?on plus ag�� que moi de trois ans, qu'on appelait Bernard l'_��veill��_, lorsqu'au d��tour du sentier je vois venir �� moi le loup, une grande et ��norme b��te, avec une gueule ��cumante et des yeux ��tincelants que je vois encore. Je pousse des cris affreux et je veux fuir: mais le loup, qui peut-��tre ne songeait pas �� moi, courait pourtant de mon c?t�� et allait m'atteindre; j'entendais d��j�� le bruit de ses pattes qui retombaient lourdement sur la terre et froissaient les feuilles des arbres dont les chemins ��taient couverts depuis l'hiver, lorsque tout �� coup Bernard l'_��veill��_ se jette au-devant de lui. Comme il n'avait ni arme ni baton, il quitte sa veste, attend le loup, et, le voyant �� port��e, la lui jette sur la t��te pour l'��touffer.
En m��me temps il m'appelle �� son secours; mais j'��tais bien embarrass��e, et pendant qu'avec les manches de sa veste il cherchait �� ��touffer le loup, je poussais des cris effrayants au lieu de l'aider. Le loup, tout envelopp�� dans la veste de Bernard, poussait de sourds hurlements, se dressait contre lui, et cherchait �� le mordre et �� le d��chirer. Je ne sais pas comment l'affaire aurait fini, si les chasseurs et les chiens qui le poursuivaient depuis plusieurs lieues n'��taient pas arriv��s en ce moment pour d��livrer Bernard. Le
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 32
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.