grosseur.
V. Lors que ces glaces destachées du Nort, sont jointes à celes de
l'Islande, les habitâns de l'Isle courent à la queste du bois, & à la
chasse de quantité de bestes, qui s'estant trop avant engagées dans la
mer glacée, voguent dessus, & abordent où les glaces les portent:
comme des Renards, roux & blancs; des Loûs Cerviers; des Ours
blancs & noirs; & des Licornes. La grande & precieuse corne que le
Roy de Danemark garde à Frederisbourg, qui est son Fontaine-bleau,
est d'une Licorne (à ce que l'on ma dit) prise sur les glaces d'Islande.
Elle est plus longue & plus grosse, que cele de S. Denis. Monsieur le
Conte Wlfeld, Grand Maistre de Danemark, en a une entiere, & petite,
de deux pieds de long, prise sur les mesmes glaces. Il m'a fait l'honneur
de me la montrer, & de me dire, que lors qu'on la luy donna, il y avoit
ancore à la racine, de la chair, & du poil de la beste.
VI. L'Islande est montagneuse, & pierreuse. Les pasturages y sont si
excellàns, qu'il en faut chasser le bestial, de peur qu'il ne créve. Et
l'herbe y sànt si bon, que les estrangers la recueillent, & la font secher,
pour la metre parmy leur linge. On dit neanmoins que leurs chairs de
boeuf ne sont pas bonnes, & que leurs moutons puënt le bouc. Les
Islandois y sont accoustumez. Ils durcissent & conservent leurs viandes,
en les exposant au vànt, & au Soleil. Ce qui les rànd & de meilleur
goust, & de meilleure garde, que si on les avoit salées. Ils font quantité
de beurres, qu'ils reservent dans des vaisseaux; & a defaut de
vaisseaux, ils l'amoncelent dans leurs maisons, comme des piles de
chaux. Leur bruvage ordinaire est de lait, & de petit lait, qu'ils boivent
pur, ou meslé avec de l'eau. L'Isle porte de bons chevaux, que l'on
nourrit en hyver, de poissons secs, aussi bien que les boeufs, & les
moutons, quand le foin leur a manqué: Et dont les hommes mesme font
de la farine, & du pain, quand ils n'ont plus de farines de bled; & que
les rigueurs d'un long hyver empeschent l'abord de leur Isle, aux
estrangers qui ont commerce avec eux. Si bien que l'on peut dire des
bestes de ce païs là, qu'elles sont Ictiofages, aussi bien que les hommes.
VII. Il y a dans l'Islande quantité de fontaines froides, dont les eaux
sont claires, & agreables à boire; d'autres, qui sont saines &
nourrissantes comme de la biere; quantité de sources chaudes &
salutaires, pour les bains; quantité de beaux & grâns Estangs
poissonneux; quantité de beles, & grandes Rivieres navigables; dont je
ne vous escriray pas les noms, non plus que des Ports, & des
Promontoires, parce qu'ils sont imprimez dans les livres.
VIII. Blefkenius raconte, qu'il y a dans la partie Occidàntale de
l'Islande, un Lac qui fume toujours; & qui est neanmoins si froid, qu'il
petrifie tout ce que l'on y jete. Si l'on y fiche un baston, le baston
devient fer à l'endroit qu'il est fiché dans la terre; ce qui touche l'eau,
se petrifie; & ce qui est au dessus de l'eau, demeure bois. Blefkenius dit
l'avoir esprouvé par deux fois: Et qu'ayant mis au feu ce qui luy
sàmbloit fer, ce fer brûla comme du charbon. Il dit aussi, qu'au milieu
de l'Islande, il y a un autre Lac, qui exhale une vapeur si dangereuse,
qu'elle tuë les Oiseaux qui volent par dessus. Et ce Lac est comme
l'Averne des Grecs, dont Virgile parle au 6. de l'Eneïde.
Quem super haud ullæ poterant impune volantes Tendere iter pennis,
talis sese halitus atris Faucibus effundens, supera ad convexa ferebat.
Unde locum Graii dixerunt nomine Aornon.
Blefkenius adjoute, a ce qu'à dit Angrimus des fontaines chaudes de
l'Islande, qu'il y en a de si chaudes en des endroits, que qui les touche
s'y brule. Quand cete eau se rafroidit, elle laisse du soufre au dessus de
sa superficie; tout ainsi qu'aux marais salans, l'eau de la mer y laisse
du sel. On voit des plongeons rouges sur ces eaux, que l'on perd de
veuë, si tost que l'on s'en aproche, & qui remontent sur l'eau pour peu
que l'on s'en esloigne. Le mesme dit ancore, qu'en un endroit de l'Isle,
que l'on apele Turloskhaven, il y a deux fontaines, l'une froide, &
l'autre chaude, que l'on fait venir par divers canaux dans un mesme
bassin. Et que les eaux de ces deux fontaines meslées ensàmble,
composent un bain tres excellant. Assez pres de là, dit-il, il y a un autre
fontaine, dont l'eau a le goust du blé: Et qui a cete vertu, de guerir les
maux veneriens, que Blefkenius asseure estre fort ordinaires dans cete
Isle.
IX. Il
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.