la raison que nous ne
prononçons pas aujourd'huy ces mesmes mots, comme on les
prononçoit le temps passé; Je m'estonne que l'on n'ait changé leur
Ortografe, en mesme temps que l'on a changé leur prononciation. Car
l'escriture estant, comme j'ay dit, l'image de la parole, l'Ortografe doit
suivre la prononciation, comme l'ombre suit le corps.
J'avoüe que dans ces mots, commàncemànt, commàndemànt,
contàntemànt, &c. l'a ne doit pas estre prononcé avec toute sa force.
Mais il est constant que ces mots, & leurs sàmblables, doivent estre
prononcez, par, a. Puis donc qu'il ne s'agit que de donner une
prononciation moins forte à cet, a; Il sufiroit ce me sàmble, de marquer
cete maniere plus douce, par un accent grave, tel que je l'ay mis sur
tous les, à, que j'ay changez pour des, e.
Je n'ay pas fait ce changemànt dans tous les mots, où suivant mon
raisonnemànt, il me sàmbloit que je le pouvois faire: Parce que l'on ne
peut pas changer d'abord, & tout à coup, ce qu'un usage inveteré s'est
acquis, par la longueur du temps qui l'autorise. Je me suis imposé cete
loy dans ce commàncemànt, de ne changer l'e, en a, par tout où l'e, se
prononce par a, que dans les noms, & dans les verbes. Dans les noms,
comme, sàntimànt, raisonnemànt, changemànt, &c. Dans les verbes,
comme, apràndre, sàntir, pànser, &c. Je laisse l'e, dans la preposition,
en, & dans les noms, & les verbes où cete preposition entre, & où elle
sert de composition. Dans les noms, comme, entàndemànt, engagemànt,
endommagemànt, &c. & dans les verbes, comme, enseigner, enfanter,
enquerir, &c. où je laisse, en, comme on l'escrit ordinairement, par, e.
Je laisse l'e, aussi, dans tous les adverbes, qui finissent en, ment; dont le
nombre est tres-grand. Je le laisse à, temps, sens, accent, dent, cent, &c.
J'escris ancore, par un a; parce qu'il est derivé de ancóra, que les
Italiens escrivent, & prononcent par un a.
J'ay retranché toutes les letres doubles, de tous les mots, où elles m'ont
sàmblé inutiles. Si l'on me dit, que ces letres doubles servent à alonger
les voyeles qui precedent les doubles consones. Je respondray qu'il sufit
de metre sur ces voyeles un accent circonflexe, pour marquer qu'elles
sont longues. Et les Estrangers qui apràndront nostre langue, y seront
bien moins embarassez, qu'à leur donner à deviner, quand il faudra
prononcer les letres doubles, comme des letres simples.
Je croy qu'il n'est pas necessaire de metre aucun accent sur l'e, de ces
mots, tele, quele, bele, fidele, nouvele, mortele, naturele, eternele, &c.
Parce que l'e qui devance la consone dans tous ces mots, se doit
prononcer comme l'e de leurs masculins, cet, tel, quel, bel, fidel, nouvel,
mortel, naturel, eternel, &c. Cele, doit estre prononcé comme, tele,
quele, bele, &c. Je laisse la double ll. aux pronoms, elle, & laquelle.
J'ay retranché l'h, de beaucoup de mots que nous prononçons sans
aspiration. Je l'ay retenüe à Christ, & à Chrestien, son derivé. J'ay fait
scrupule, pour ne pas dire religion, de toucher à un usage qu'un nom si
saint a comme sanctifié. Et nostre, f, ayant la mesme force, que le [Grec:
ph.] des Grecs, qui est nostre, ph, j'ay changé le ph, en f.
Quelque raison pourtant que j'aye aleguée; je n'ay pris cete liberté qu'en
atàndant le Dictionaire que Messieurs de l'Academie nous ont promis;
où j'espere qu'ils fixeront nostre Ortografe. Et à quoy je me fixeray
aussi.
[Illustration: L'ISLANDE Par P. Du Val Geographe du Roy A PARIS.]
RELATION DE L'ISLANDE.
A MONSIEUR DE LA MOTHE LE VAYER.
MONSIEUR,
I. Vous m'avez prié de vous escrire de ce païs du Nort, où nous errons
depuis quelque temps, ce que j'ay peû apràndre de l'Islande, & du
Groenland. Je n'ay point de plus grande passion au monde, que de
vous servir, & de vous plaire. Je vous escriray ce que je say de l'un &
de l'autre, le mieux qu'il me sera possible; mais ce sera s'il vous plaist,
l'un apres l'autre. L'Islande est une Isle celebre. Le Groenland est un
païs de tres-grande, & de tres vaste estànduë. Je commànceray la
premiere des deux Relations, que je vous ay destinées, par cele de
l'Islande: Dans laquelle vous verrez ce que j'ay leu de particulier
touchant cete Isle, chez divers Auteurs: Et principalement dans les
oeuvres d'Angrimus Jonas, Escrivain Islandois. J'escris Angrimus,
comme on le prononce, & non pas Arngrimus, comme il est imprimé;
parce qu'on a trop de pêne à le lire. Je vous raporteray ce que j'ay oüy
dire de plus curieux sur ce sujêt, dans les conversations que j'ay euës
en Danemark, avec des personnes de condition, & de savoir. Et ce que
m'en a dit bien particulierement, le Docteur Olaus Vormius, Medecin
de la faculté de Copenhague, qui possede
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