Relation de lIslande | Page 4

Isaac de la Peyrère
leurs sàmblables, doivent estre prononcez, par, a. Puis donc qu'il ne s'agit que de donner une prononciation moins forte à cet, a; Il sufiroit ce me sàmble, de marquer cete maniere plus douce, par un accent grave, tel que je l'ay mis sur tous les, à, que j'ay changez pour des, e.
Je n'ay pas fait ce changemànt dans tous les mots, où suivant mon raisonnemànt, il me sàmbloit que je le pouvois faire: Parce que l'on ne peut pas changer d'abord, & tout à coup, ce qu'un usage inveteré s'est acquis, par la longueur du temps qui l'autorise. Je me suis imposé cete loy dans ce commàncemànt, de ne changer l'e, en a, par tout où l'e, se prononce par a, que dans les noms, & dans les verbes. Dans les noms, comme, sàntimànt, raisonnemànt, changemànt, &c. Dans les verbes, comme, apràndre, sàntir, pànser, &c. Je laisse l'e, dans la preposition, en, & dans les noms, & les verbes où cete preposition entre, & où elle sert de composition. Dans les noms, comme, entàndemànt, engagemànt, endommagemànt, &c. & dans les verbes, comme, enseigner, enfanter, enquerir, &c. où je laisse, en, comme on l'escrit ordinairement, par, e. Je laisse l'e, aussi, dans tous les adverbes, qui finissent en, ment; dont le nombre est tres-grand. Je le laisse à, temps, sens, accent, dent, cent, &c. J'escris ancore, par un a; parce qu'il est derivé de ancóra, que les Italiens escrivent, & prononcent par un a.
J'ay retranché toutes les letres doubles, de tous les mots, où elles m'ont sàmblé inutiles. Si l'on me dit, que ces letres doubles servent à alonger les voyeles qui precedent les doubles consones. Je respondray qu'il sufit de metre sur ces voyeles un accent circonflexe, pour marquer qu'elles sont longues. Et les Estrangers qui apràndront nostre langue, y seront bien moins embarassez, qu'à leur donner à deviner, quand il faudra prononcer les letres doubles, comme des letres simples.
Je croy qu'il n'est pas necessaire de metre aucun accent sur l'e, de ces mots, tele, quele, bele, fidele, nouvele, mortele, naturele, eternele, &c. Parce que l'e qui devance la consone dans tous ces mots, se doit prononcer comme l'e de leurs masculins, cet, tel, quel, bel, fidel, nouvel, mortel, naturel, eternel, &c. Cele, doit estre prononcé comme, tele, quele, bele, &c. Je laisse la double ll. aux pronoms, elle, & laquelle.
J'ay retranché l'h, de beaucoup de mots que nous pronon?ons sans aspiration. Je l'ay retenüe à Christ, & à Chrestien, son derivé. J'ay fait scrupule, pour ne pas dire religion, de toucher à un usage qu'un nom si saint a comme sanctifié. Et nostre, f, ayant la mesme force, que le [Grec: ph.] des Grecs, qui est nostre, ph, j'ay changé le ph, en f.
Quelque raison pourtant que j'aye aleguée; je n'ay pris cete liberté qu'en atàndant le Dictionaire que Messieurs de l'Academie nous ont promis; où j'espere qu'ils fixeront nostre Ortografe. Et à quoy je me fixeray aussi.

[Illustration: L'ISLANDE Par P. Du Val Geographe du Roy A PARIS.]

RELATION DE L'ISLANDE.
A MONSIEUR DE LA MOTHE LE VAYER.
MONSIEUR,
I. Vous m'avez prié de vous escrire de ce pa?s du Nort, où nous errons depuis quelque temps, ce que j'ay pe? apràndre de l'Islande, & du Groenland. Je n'ay point de plus grande passion au monde, que de vous servir, & de vous plaire. Je vous escriray ce que je say de l'un & de l'autre, le mieux qu'il me sera possible; mais ce sera s'il vous plaist, l'un apres l'autre. L'Islande est une Isle celebre. Le Groenland est un pa?s de tres-grande, & de tres vaste estàndu?. Je commànceray la premiere des deux Relations, que je vous ay destinées, par cele de l'Islande: Dans laquelle vous verrez ce que j'ay leu de particulier touchant cete Isle, chez divers Auteurs: Et principalement dans les oeuvres d'Angrimus Jonas, Escrivain Islandois. J'escris Angrimus, comme on le prononce, & non pas Arngrimus, comme il est imprimé; parce qu'on a trop de pêne à le lire. Je vous raporteray ce que j'ay oüy dire de plus curieux sur ce sujêt, dans les conversations que j'ay eu?s en Danemark, avec des personnes de condition, & de savoir. Et ce que m'en a dit bien particulierement, le Docteur Olaus Vormius, Medecin de la faculté de Copenhague, qui possede les plus beles & les plus doctes connoissances de tout le Septàntrion. Je vous diray aussi ce que Blefkenius Danois, qui a eu la curiosité d'aler en Islande, a escrit de plus remarcable, dans la Relation qu'il en a faite. Je ne croy pas tout ce qu'il a escrit, & ne m'arresteray qu'aux choses qu'il dit y avoir veües. Car j'y adjoute la mesme foy que je fay à Herodote, aux endroits où Herodote dit qu'il a veu. N'estant pas croyable que des gens d'honneur & de letres, ayent voulu prostituer
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