Réflexions sur le sort des Noirs dans nos colonies | Page 9

Daniel Lescallier
un neuvieme des produits nets, pour
éprouver encore si par ce sacrifice les revenus se soutiendroient au
même taux pour le propriétaire.
Comme on ne doute pas de l'effet, on assure ici que cette gratification
ou part dans les revenus accordée aux Nègres pourra être augmentée
d'année en année, & portée successivement à un huitième, à un
septième, à un sixième, à un cinquième, à un quart & enfin à un tiers
des revenus nets, & que ce sera sans que le propriétaire lui-même
éprouve une diminution. Ce tiers accordé aux vassaux ne feroit
qu'assurer davantage ses propres revenus, & les exportations de la
Colonie augmenteroient de ce tiers au moins qui seroit mis de plus dans
la masse du commerce. Le commerce d'importation augmenteroit en
même proportion par les consommations que seroient les Nègres
jouissant alors d'une petite aisance: & cette population si mal traitée
jusqu'à présent commenceroit à voir le bonheur à sa portée, & à aimer
ses Maîtres.

SEPTIÈME MOYEN.
_Nouveau Code Colonial._

On juge que les diverses gradations indiquées dans les moyens
précédemment donnés, pourront exiger un espace au moins de neuf ans.
La dixième année, (ou aussi-tôt que cette expérience auroit été bien
constatée, & que les bons effets de ce régime seroient reconnus) on
consolideroit cet arrangement par une législation ou contrat qui
regleroit avec équité les droits des propriétaires & ceux des vassaux,
par un nouveau code colonial substitué au code noir, loi de dureté &
fondée sur un principe barbare qui ne peut plus subsister. Ce n'est pas
ici le lieu de donner là dessus un plus grand détail: il suffit que les âmes
honnêtes (& il y en a sans doute parmi les Colons) soient convaincues
que ce qu'on leur propose n'est ni impossible, ni nuisible à leurs
intérêts.

HUITIÈME MOYEN.
Affranchissement successif & entier des Familles de Noirs, &
formation de propriétés particulières._
Il est aisé de concevoir qu'en adoptant successivement les moyens
qu'on vient d'exposer rapidement, aucune grande propriété ne seroit
dérangée; que la population augmenteroit sous un régime plus humain;
que des familles créoles & anciennes des vassaux, se racheteroient de
tems en tems de cette espèce de servitude de la glèbe, substituée dans
les premiers tems à l'esclavage. Cet heureux changement se seroit opéré
sans causer de choc ni de commotion; ces vassaux se seroient
accoutumés petit à petit, & comme insensiblement, à une certaine
aisance & à une existence meilleure fondées sur leur bonne conduite,
leur activité & leur industrie: il ne se seroit fait aucune révolution trop
subite dans leurs idées qui pût faire craindre aucuns mauvais effets,
puisque les premiers moyens ne sont que des grâces accordées
conditionnellement & que le Maître auroit toujours pu retirer, dans le
cas où les Nègres s'en fussent rendus indignes.
Les familles qui de bon accord auroient fait sur leurs profits les
épargnes suffisantes pour se racheter, auroient par-là fait preuve de leur
capacité & de la bonne conduite dont ils seroient capables dans l'état de
liberté: Elles se racheteroient, soit par une somme une fois payée, soit
par une redevance annuelle.
Ces émigrations successives de vassaux affranchis, qui sortiroient ainsi
des grandes habitations pour former de petites propriétés par familles,

seroient amplement remplacées dans les habitations par l'accroissement
immanquable de leur population. Les revenus de ces grands
établissemens augmenteroient même à mesure de ces affranchissemens
par les cens ou redevances modérées dont le propriétaire conviendroit
avec eux, sanctionné par la loi, ou par le remboursement d'argent.
Ces familles affranchies établiroient, sur les terreins que leur auroit
concédés le propriétaire, ou le Gouvernement, des huttes (ou
ménageries de gros & de menu bétail) des places à vivres, des
plantations de coton, de café, de cacao, d'indigo, de tabac; ils
exerceroient des arts & métiers dans la Colonie, etc.; & on ne voit point
impossible, quand ces affranchissemens auroient assez augmenté, qu'il
s'établît de nouvelles Sucreries par des associations faites entr'eux.
Il semble qu'un régime si évidemment prospère pour le Colon & pour le
Cultivateur Nègre, tendant à l'avancement des Colonies, devroit être
saisi avec empressement par tous les Colons. On a lieu de croire qu'il le
seroit en effet par quelques-uns; mais le plus grand nombre des
personnes qui possèdent des biens dans les Colonies n'est pas de cette
trempe, & se laisse entraîner par une routine établie & un usage
héréditaire. S'il n'y avoit dans les Colonies que de grands propriétaires,
que des gens raisonnables & humains pour posséder les esclaves & les
diriger, le sort des Noirs étant par-tout semblable à celui qu'on cite par
exception sur quelques habitations sagement conduites, il seroit facile
de persuader à ces personnes choisies de faire un pas de plus vers
l'amélioration du sort de leurs Cultivateurs; elles sentiroient aisément
que ce n'est pas tout faire que de les nourrir
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