en tenter l'escalade; mais nous passames sans nous y arrêter. Nous avions hate d'arriver aux Bosquets de Maglans. Les séduisantes descriptions qu'on nous en avait faites absorbaient toute notre curiosité.
Nous les cherchions des yeux, quand un forgeron sortant d'une chaumière dont une vigne luxuriante dissimulait le délabrement, s'avan?a à notre rencontre. Ce brave homme cumulait avec son métier de forgeron, l'office de cicérone. Il s'était haté, dès qu'il nous avait aper?us, de déposer son tablier de cuir, et de venir à nous, tête nue, ayant les manches de sa chemise roulées au-dessus du coude. Son nez légèrement aviné ressortait sur les lignes noires de sa figure. Ses yeux ternes, et sa démarche pesante annon?aient la bonhomie, et l'indifférence pour les beautés de la nature dont il se faisait l'interprète. Il nous invita à le suivre dans un clos dont une petite barrière fermait l'entrée. Ce lieu n'était rien moins que pittoresque. Un chemin sablé par une poussière noire, bordé par de petits tas de scories et de limaille de fer, résidus du fourneau de la forge, un aspect inculte et sordide annon?aient plut?t l'approche des ateliers de Vulcain, que l'entrée du riant élysée qu'on nous avait promis. Notre guide fut presqu'aussit?t rejoint par un grand dadais, au ton familier et goguenard, qu'il nous présenta comme son fils. Nous cheminames péniblement à leur suite, dans un labyrinthe de passages tortueux et inégaux, tracés au hasard entre des fragments de roches et d'épaisses touffes de bruyères. Quelques arbres noueux et tortus, couverts de lichens et de plantes parasites, étalaient leur mesquine vieillesse sur un terrain marécageux, semé de cailloux inaper?us que cachait une mousse trompeuse, mais dont nos pieds sentaient vivement la présence. Nous trébuchions sur ce sol rocailleux, prenant nos tribulations en patience, soutenus par l'espoir que ces sentiers apres et durs, comme on nous représente le chemin de la vertu, nous conduisaient dans un nouvel éden. Nous demandames enfin à nos guides qui paraissaient s'oublier dans ce lieu de plaisance, de nous introduire dans les bienheureux bosquets de Maglans. Que dev?nmes-nous, en entendant leur réponse!
De ces retraites merveilleuses, Que notre esprit trop enivré Nous peignait si délicieuses, Nos pieds foulaient le sol tant désiré!
Comment exprimer notre désappointement? Nous rebroussames chemin au plus vite, oubliant de remercier nos guides du pompeux présent qu'ils nous avaient fait d'une petite plante, produit de cette terre désolée, dont ils vantaient les merveilleux effets contre la fièvre et les douleurs de l'enfantement. Nous trouvames que les admirateurs de ces prétendus lieux de délices, tant célébrés par leur plume sentimentale, et comparés, par l'un d'eux aux jardins enchantés d'Armide, avaient usé un peu trop largement du privilège des voyageurs. Mais ces lieux devaient être pour nous ce que fut la terre promise pour le législateur des hébreux. Et s'il était permis de poursuivre la comparaison, nous n'e?mes pas, comme Mo?se, des conducteurs célestes qui nous en donnèrent au moins la perspective. Nous n'avions en effet visité que le vestibule des bosquets de Maglans. Plus patients ou conduits par de meilleurs guides, nous serions arrivés, en faisant quelques pas de plus, comme nous l'appr?mes trop tard, dans un joli vallon, tapissé d'une pelouse émaillée de fleurs, entrecoupé de clairs ruisseaux, orné de bouquets d'arbres et de bosquets fleuris, et animé par le ramage de nombreux oiseaux, enfin dans une autre vallée de Tempé.
à deux pas de là se présente, adossé à la montagne, le village de Maglans. Les blocs épars dans la prairie qui étale ses riches tapis au pied de ce village, attestent que ses habitants ont cherché sous les rochers suspendus sur leurs toits, une protection quelquefois infidèle. Mais quoique menacés par la chute de ces énormes masses, leur sécurité n'en est pas troublée.
De ce danger la menace incessante, Loin de troubler leur vie insouciante, Peut-être les attache encor plus au clocher. Nos pères, disent-ils, sont nés sous ce rocher Qui de nos fils a protégé l'enfance; Leurs enfants y na?tront. Dieu qui dans sa clémence Préserva leurs parents, saura veiller sur eux. Là se bornent leur prévoyance, Leur avenir, leurs soucis et leurs voeux.
Nous arrivames bient?t en vue du Nant-d'Arpenaz, cascade tombant du haut d'une montagne qui est à gauche de la route. Des grands aspects que nous venions admirer, c'était le premier que rencontrait notre vue. Nous espérions jouir d'un magnifique spectacle: notre curiosité fut médiocrement satisfaite. Pour voir cette cataracte avec tous ses avantages, il e?t fallu, nous dit-on, venir au moment de la fonte des neiges. Notre imagination dut donc faire seule les frais des magnificences absentes qu'elle emprunte à la crue des eaux. Le Nant-d'Arpenaz, glissant modestement le long des parois de la montagne, était alors terne et décoloré. Ses eaux rencontraient en tombant quelques saillies de rochers qu'elles couvraient d'une rare écume: puis se divisant en filets limpides, elles
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