blanc,
Je la
comparerais, dans ma course auprès d'elle,
À quelque fugitive et
sauvage hirondelle.
Ritournelle
Dans la plaine blonde et sous les allées,
Pour mieux faire accueil au
doux messidor,
Nous irons chasser les choses ailées,
Moi, la
strophe, et toi, les papillons d'or.
Et nous choisirons les routes
tentantes,
Sous les saules gris et près des roseaux,
Pour mieux
écouter les choses chantantes,
Moi, le rythme, et toi, le choeur des
oiseaux.
Suivant tous les deux les rives charmées
Que le fleuve bat
de ses flots parleurs,
Nous vous trouverons, choses parfumées,
Moi,
glanant des vers, toi, cueillant des fleurs.
Et l'amour, servant notre
fantaisie,
Fera, ce jour-là, l'été plus charmant:
Je serai poète, et toi
poésie;
Tu seras plus belle, et moi plus aimant.
La ferme
La maison, aujourd'hui ferme, jadis château,
A bon air. Un fossé
l'entoure; un vieux bateau,
Plein de feuillage mort, pourrit là, sous le
saule.
Par l'étroit pont de pierre où la volaille piaule
Répondant à
grands cris aux canards du fossé,
Et par la voûte sombre au cintre
surbaissé,
On entre dans la cour spacieuse et carrée
Que jonchent le
fumier et la paille dorée.
Avant le déjeuner, parfois j'en fais le tour.
Je regarde rentrer les bêtes de labour,
Gros chevaux pommelés, les
pieds velus, la queue
Troussée, avec le lourd collier de laine bleue,
Le gland rouge à l'oreille, et le grossier harnais.
Je fus un paysan jadis,
je m'y connais,
Je parle aux laboureurs, je leur dis ma recette
Pour
extirper du blé la nielle et la luzette
Et que le temps humide est
meilleur pour faucher.
La grosse cuisinière alors vient me chercher;
Je rentre dans la salle à manger confortable
Où je trouve Suzanne
arrangeant sur la table
Les fruits de la saison dans un grand plat de
Gien.
On déjeune gaîment. Quelquefois le vieux chien
Qu'on tolère
au logis, car il n'est plus ingambe,
Vient poser en grondant sa gueule
sur ma jambe
Pour avoir un morceau qu'il avale d'un coup.
En
prenant le café, nous fumons, pas beaucoup.
Puis mes hôtes vont voir
leurs travaux de campagne,
Ils prennent le panier, et je les
accompagne.
La voiture d'osier a trois places. Devant,
La chère
blonde, avec son voile brun au vent,
-- Tandis que le papa maintient
au trot Cocotte, --
Se retourne, voulant mettre dans la capote
Son
parasol doublé de vert et ses bouquets.
Moi, derrière, occupant le
siège du laquais,
Pour l'aider je m'incline, et je la touche presque.
--
Et nous suivons alors un chemin pittoresque,
Où souvent, par-dessus
les grands épis penchés,
Nous regardent de loin les pointes des
clochers.
La cueillette des cerises
Espiègle! j'ai bien vu tout ce que vous faisiez,
Ce matin, dans le
champ planté de cerisiers
Où seule vous étiez, nu-tête, en robe
blanche.
Caché par le taillis, j'observais. Une branche,
Lourde sous
les fruits mûrs, vous barrait le chemin
Et se trouvait à la hauteur de
votre main.
Or, vous avez cueilli des cerises vermeilles,
Coquette!
et les avez mises à vos oreilles,
Tandis qu'un vent léger dans vos
boucles jouait.
Alors, vous asseyant pour cueillir un bleuet
Dans
l'herbe, et puis un autre, et puis un autre encore,
Vous les avez piqués
dans vos cheveux d'aurore;
Et, les bras recourbés sur votre front fleuri,
Assise dans le vert gazon, vous avez ri;
Et vos joyeuses dents
jetaient une étincelle.
Mais pendant ce temps-là, ma belle demoiselle,
Un seul témoin, qui vous gardera le secret,
Tout heureux de vous
voir heureuse, comparait,
Sur votre frais visage animé par les brises,
Vos regards aux bleuets, vos lèvres aux cerises.
Le rêve du poète
Ce serait sur les bords de la Seine. Je vois
Notre chalet, voilé par un
bouquet de bois.
Un hamac au jardin, un bateau sur le fleuve.
Pas
d'autre compagnon qu'un chien de Terre-Neuve
Qu'elle aimerait et
dont je serais bien jaloux.
Des faïences à fleurs pendraient après des
clous;
Puis beaucoup de chapeaux de paille et des ombrelles.
Sous
leurs papiers chinois les murs seraient si frêles
Que même, en
travaillant, à travers la cloison
Je l'entendrais toujours errer par la
maison
Et traîner dans l'étroit escalier sa pantoufle.
Les miroirs de
ma chambre auraient senti son souffle
Et souvent réfléchi son visage,
charmés.
Elle aurait effleuré tout de ses doigts aimés.
Et ces bruits,
ces reflets, ces parfums, venant d'elle,
Ne me permettraient pas d'être
une heure infidèle.
Enfin, quand, poursuivant un vers capricieux,
Je
serais là, pensif et la main sur les yeux,
Elle viendrait, sachant
pourtant que c'est un crime,
Pour lire mon poème et me souffler ma
rime,
Derrière moi, sans bruit, sur la pointe des pieds.
Moi, qui ne
veux pas voir mes secrets épiés,
Je me retournerais avec un air
farouche;
Mais son gentil baiser me fermerait la bouche.
-- Et dans
les bois voisins, inondés de rayons,
Précédés du gros chien, nous
nous promènerions,
Moi, vêtu de coutil, elle, en toilette blanche,
Et
j'envelopperais sa taille, et sous sa manche
Ma main caresserait la
rondeur de son bras.
On ferait des bouquets, et, quand nous serions
las
On rejoindrait, toujours suivis du chien qui jappe,
La table mise,
avec des roses sur la nappe,
Près du bosquet criblé par le soleil
couchant;
Et, tout en s'envoyant des baisers en mangeant,
Tout en
s'interrompant pour se dire: Je t'aime!
On assaisonnerait des fraises à
la crème,
Et l'on bavarderait comme des étourdis
Jusqu'à ce que
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