Promenades autour dun village | Page 9

George Sand
vingt pieds de haut d'o�� l'on domine un des plus beaux sites de France, les ge?les obscures, et cet ��trange d��bris de la portion la plus belle et la plus moderne du manoir, le logis renaissance que, dans ma jeunesse, j'ai vu intact et merveilleusement frais et fleuri de sculptures, aujourd'hui trou��, informe, d��mantel�� et dressant encore dans les airs des atres �� encadrements fleuronn��s d'un beau travail.
Le marquis a achet��, dit-il, cette ruine pour la pr��server du vandalisme des bandes noires. Il s'y est pris un peu tard.
Telle qu'elle est, c'est un romantique d��bris o��, au clair de la lune, on voudrait entendre l'admirable symphonie de la Nonne sanglante de Gounod, ou mieux encore la Chasse infernale de Weber.
En plein midi, cette solitude avait encore quelque chose de solennel.
Une multitude de tiercelets et de chev��ches effarouch��s se croisaient dans les airs, sur nos t��tes, avec des milliers de martinets glapissants. C'��taient des cris aigus, des rales ��tranges, une agitation sauvage et des querelles inou?es.
Nous f?mes ��tonn��s de voir des moineaux nich��s effront��ment au beau milieu de cette soci��t�� d'oiseaux de proie, toujours en chasse par centaines autour d'eux. Cela faisait penser au petit vassal du temps pass�� virant dans la caverne des seigneurs f��odaux et abritant ses petites rapines sous les grandes.
Nous f?mes t��moins d'un drame entre tous ces pillards.
Un pauvre scarab��e, ��chapp��, demi-mort, au large bec d'un martinet, fut happ�� au passage, sur le haut d'une tour, par une femelle de moineau. Survint l'��poux �� l'air mutin, �� la moustache noire, h��rissant ses plumes, faisant grand bruit et menace au martinet, qui voulait reprendre sa proie, quand survint �� son tour le troisi��me larron, la cr��cerelle, attir��e par la voix imprudente de ces petites gens. Elle sortit, muette et agile, du sommet d'une tour voisine, n'osa s'attaquer au martinet, qui ne paraissait pas la craindre, et se dirigea sur les moineaux d'une aile si rapide et si s?re, que tout semblait fini pour eux. Mais, s'ils ne l'avaient pas vue guetter, ils l'avaient sentie. Ils disparurent tout �� coup. Le brigand tourna d'une mani��re sinistre autour de la crevasse o�� ils ��taient r��fugi��s dans leur nid, mais l'entr��e ��tait trop petite pour qu'il y p?t p��n��trer. Il retourna �� son guettoir. Les moineaux ressortirent aussit?t, et, plant��s sur leur petit seuil, l'accabl��rent d'injures et de railleries. Il revint plusieurs fois �� la charge. Toujours apr��s avoir lestement battu en retraite, ces audacieux oisillons reparurent pour le provoquer, l'insulter et le maudire.
Que lui fut-il reproch��? De quelles repr��sailles le menac��rent-ils? Il faut bien croire que quelques chose de sanglant lui fut dit, car l'oiseau de proie se lassa de les tourmenter, et, quelques moments apr��s, nous v?mes les moineaux, pleins de gaiet��, sautiller sur la muraille et picorer dans les plantes pari��taires, sans aucun souci de l'ennemi terrible, et ne manquant jamais d'adresser quelque impertinence aux martinets qui les effleuraient de leur vol, et avec lesquels, du reste, ils ne paraissent avoir qu'une guerre de gros mots.
Les v��ritables victimes de ces grandes hirondelles noires, aux griffes ac��r��es, sont probablement les l��zards, dont les squelettes dig��r��s tout entiers jonchaient les ruines du donjon.
Ainsi les faibles passereaux, dont les moyens de d��fense seraient nuls contre tant et de si redoutables ennemis, viennent �� bout d'��lever leur famille au milieu d'eux et de lui enseigner encore le caquet et le sarcasme de la dispute au sein de l'��ternel danger. D'o�� vient cela? De la sup��riorit�� d'intelligence apparemment. Michelet nous l'e?t expliqu��, lui qui a daign�� ��tudier la vie des oiseaux avec presque autant d'amour et d'��motion que celle des hommes.
Nous renvoyames le gamin et son ane, et, apr��s un d��jeuner copieux dans les ruines, nous e?mes �� descendre au fond du ravin pour retourner au village en suivant le bord de la Creuse.
Je n'avais jamais eu le loisir de faire cette marche qui est de quatre heures au moins, la plupart du temps sans chemin fray�� sur le roc tranchant ou sur les pierres aigu?s. Mais, malgr�� l'effroyable chaleur engouffr��e dans les m��andres de la gorge, nous ne songeames point �� regretter d'avoir entrepris cette dure promenade.
C'est le paradis et le chaos que l'on trouve tour �� tour; c'est une suite ininterrompue de tableaux adorables ou grandioses, changeant d'aspect �� chaque pas, car la rivi��re est fort sinueuse, et, comme en bien des endroits elle bat le rocher, il faut monter et descendre souvent, par cons��quent voir de diff��rents plans, toujours heureux, ces sites merveilleusement compos��s et encha?n��s les uns aux autres comme une suite de rives po��tiques.
La verdure ��tait dans toute sa puissance, et, cette ann��e-ci, elle est remarquablement vigoureuse. C'��tait l'heure de l'effet, le baisser lent et toujours splendide du soleil.
Ah! monsieur, je ne souhaite au plus m��chant homme de la terre que la fatigue de cette course, et, si
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