Pour cause de fin de bail | Page 8

Alphonse Allais
patron lui-m��me de l'��tablissement qui nous servit.
Pour dire quelque chose:
--Alors, on peut apporter son manger? dis-je.
--Parfaitement, monsieur, le monde sont libre d'apporter leur manger.
--Et leur boire?
--Ah! ?a non, par exemple! Si le monde apportaient leur manger et leur boire, alors, moi, avec quoi que je me les calerais? Avec des briques?
--C'est trop juste.
--Il y a bien, parbleu, des gens qui ont le culot d'apporter leur vin, leur saint-galmier, leur cognac et tout le tremblement. Mais, moi, je n'entends pas de cette oreille-l��; je leur fais payer un droit de bouchon de dix sous par bouteille introduite dans mon ��tablissement.
--C'est un peu cher.
--Si ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'�� ne pas revenir.
�� ce moment, un homme et une femme, cette derni��re charg��e d'un b��b��, s'install��rent �� une table du Rendez-vous des Rigolos.
L'homme demanda une chopine �� cinquante et deux verres.
Pendant qu'ils buvaient, la femme allaita l'enfant.
--Patron, cria l'homme d��salt��r��, payez-vous!
Et il jeta une pi��ce d'un franc sur la table.
--?a fait le compte, r��pondit le patron.
--Comment, ?a fait le compte? Mais je vous donne vingt sous!
--Eh bien! justement, une chopine cinquante, plus cinquante pour le bouchon de votre petit jeune homme!
Le prol��taire fit une t��te!

UNE ��TRANGE COMPLEXION
PROLOGUE
Ayant perdu, fort jeune, son p��re et sa m��re, Georges vivait avec sa vieille grand'-maman dont il ��tait la derni��re consolation, l'unique souci, la seule joie.
I
Or, un matin, Georges rencontra dans la rue le type m��me du charme f��minin et de l'irr��sistible s��duction.
Georges ne songea m��me pas �� r��sister: abandonnant son itin��raire, il suivit la jeune personne jusqu'au moment o�� elle s'engouffra dans un ��tablissement dit de bouillon.
Une minute ne s'��coula certainement point avant que Georges ne p��n��trat lui-m��me dans le restaurant.
D��j��, la jeune personne ne s'y trouvait plus mais, bient?t, elle r��apparaissait, affubl��e d'un joli petit bonnet blanc et d'un tablier de m��me couleur.
Georges (qui n'est pas une b��te) conclut que la jeune femme servait comme bonne dans la maison.
S'asseyant �� l'une des tables dont le service semblait d��volu �� la petite, il commanda, quoi donc! un bouillon, naturellement.
... Abr��geons.
D��s lors, le coeur de notre pauvre Georges fut pris dans le pire des engrenages.
Vingt fois par jour, il revenait s'asseoir �� l'une des tables d'Eug��nie (car vous avez devin��, n'est-ce pas, qu'elle s'appelait Eug��nie) pour absorber mille aliments divers qu'il s'appliquait �� choisir aussi l��gers que possible, mais dont l'ensemble ne laissait point que de le gaver tout de m��me, et solidement.
Ce qu'on peut appeler se nourrir de pr��textes.
Aussi, c'��tait, �� chaque repas familial, des d��solations sans tr��ve:
--Tu ne manges pas, mon pauvre petit!
--Je n'ai pas faim, bonne maman.
--Il faut se forcer, mon ch��ri.
--?a me ferait mal.
--Le plus dr?le, c'est que tu ne maigris pas, depuis le temps que tu ne manges plus... Tu n'as pas mal quelque part?
--Mais non, bonne maman.
--Tu dors bien?
--Comme le peintre Luigi Loir lui-m��me.
--Ah! tu as une ��trange complexion!
Et comme, en somme, Georges conservait sa bonne mine et sa belle humeur, la vieille grand'maman ne s'inqui��tait pas outre mesure de cet inexplicable manque d'app��tit.
II
Un jour, la petite bonne du restaurant dit �� Georges:
--Il y a du nouveau.
--Ah!
--Je quitte la bo?te.
--Ah!
--Oui, on m'a offert une place dans un magasin du boulevard o�� l'on vend un ap��ritif grec, le Kina Passonrigolo. C'est moi qui tiendrai le comptoir de d��gustation. Vous me viendrez voir?
Le reste, vous le devinez! (Vous avez bien devin�� que la petite s'appelait Eug��nie.)
Georges rempla?a son absorption d'aliments solides par une ��gale consommation d'ap��ritif breuvage.
Et sa bonne vieille grand'm��re fut radieuse de lui voir tant d'app��tit revenu!
Oui, mais voil��!
(Ou plut?t voici:)
Eug��nie, en changeant de fonction, ��galement changea d'ame. De vertueuse qu'elle ��tait, elle devint la plus lubrique des ma?tresses, et le pauvre Georges en vit de dures!
(Eug��nie aussi, comme de juste, mais n'insistons pas, rapport �� notre client��le de jeunes filles.)
Georges maigrit, maigrit, maigrit!
Et la bonne vieille maman disait tout ��plor��e:
--Je n'y comprends rien, mon pauvre Georges! Tant que tu ne mangeais pas, tu avais une mine superbe, et maintenant que tu d��vores, tu as l'air d'un d��terr��! Quelle dr?le de complexion!
��PILOGUE
(Pour rassurer les familles)
Un beau jour, Georges s'aper?ut qu'Eug��nie le trompait avec le Grec commanditaire du Kina Passonrigolo. Il plaqua froidement l'infame et se maria avec une jeune fille qui ne le poussa ni �� la suralimentation, ni �� l'extr��me ap��ritivit��, ni �� autre chose itou, comme disent les villageois.
Et la pauvre vieille grand'maman fut joliment contente.
Maintenant, elle peut mourir en paix, dit-elle.
Sans empressement, d'ailleurs.

SCEPTIQUE ENFANCE
--Eh bien! mon vieux Georges?
--Eh bien! mon vieux Fifi?
L'appellation de ?vieux Georges? d��signe un jeune gentleman, mon filleul, lequel cingle all��grement vers son huiti��me printemps.
Le ?vieux Fifi? n'est autre que l'honorable signataire de ces propres lignes.
--Et le niveau des ��tudes?
--?a se maintient �� peu pr��s... ?a ne casse rien, mais ?a se maintient.
--�� quelle branche de la science te voues-tu plus particuli��rement?
--Je n'ai pas de pr��f��rence, tu sais. C'est bien le m��me
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 39
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.