Cl��ante du Tartufe. Non; Moli��re, le sage, l'Ariste pour les biens��ances, l'ennemi de tous les exc��s de l'esprit et des ridicules, le p��re de ce Philinte qu'eussent reconnu L��lius, ��rasme et Atticus, ne devait rien avoir de cette forfanterie libertine et cynique des Saint-Amant, Boisrobert et Des Barreaux. Il ��tait de bonne foi quand il s'indignait des insinuations malignes qu'�� partir de l'��cole des Femmes ses ennemis allaient r��pandant sur sa religion. Mais ce que je veux ��tablir, et ce qui le caract��rise entre ses contemporains de g��nie, c'est qu'habituellement il a vu la nature humaine en elle-m��me, dans sa g��n��ralit�� de tous les temps, comme Boileau, comme La Bruy��re l'ont vue et peinte souvent, je le sais, mais sans m��lange, lui, d'��p?tre sur l'Amour de Dieu, comme Boileau, ou de discussion sur le qui��tisme comme La Bruy��re[2]. Il peint l'humanit�� comme s'il n'y avait pas eu de venue, et cela lui ��tait plus possible, il faut le dire, la peignant surtout dans ses vices et ses laideurs; dans le tragique on ��lude moins ais��ment le christianisme. Il s��pare l'humanit�� d'avec J��sus-Christ, ou plut?t il nous montre �� fond l'une sans trop songer �� rien autre; et il se d��tache par l�� de son si��cle. C'est lui qui, dans la sc��ne du Pauvre, a pu faire dire �� don Juan, sans penser �� mal, ce mot qu'il lui fallut retirer, tant il souleva d'orages: ?Tu passes ta vie �� prier Dieu, et tu meurs de faim; prends cet argent, je te le donne pour l'amour de l'humanit��.? La bienfaisance et la philanthropie du XVIIIe si��cle, celle de d'Alembert, de Diderot, de d'Holbach, se retrouve tout enti��re dans ce mot-l��. C'est lui qui a pu dire du pauvre qui lui rapportait le louis d'or, cet autre mot si souvent cit��, mais si peu compris, ce me semble, dans son acception la plus grave, ce mot ��chapp�� �� une habitude d'esprit invinciblement philosophique: ?O�� la vertu va-t-elle se nicher?? Jamais homme de Port-Royal ou du voisinage (qu'on le remarque bien) n'aurait eu pareille pens��e, et c'e?t ��t�� plut?t le contraire qui e?t paru naturel, le pauvre ��tant aux yeux du chr��tien l'objet de graces et de vertus singuli��res. C'est lui aussi qui, causant avec Chapelle de la philosophie de Gassendi, leur ma?tre commun, disait, tout en combattant la partie th��orique et la chim��re des atomes: ?Passe encore pour la morale.? Moli��re ��tait donc simplement, selon moi, de la religion, je ne veux pas dire de don Juan ou d'��picure, mais de Chr��m��s dans T��rence: Homo sum. On lui a appliqu�� en un sens s��rieux ce mot du Tartufe: Un homme... un homme enfin! Cet homme savait les faiblesses et ne s'en ��tonnait pas; il pratiquait le bien plus qu'il n'y croyait; il comptait sur les vices, et sa plus ardente indignation tournait au rire. Il consid��rait volontiers cette triste humanit�� comme une vieille enfant et une incurable, qu'il s'agit de redresser un peu, de soulager surtout en l'amusant.
[Note 2: La Bruy��re a dit: ?Un homme n�� chr��tien et Fran?ois se trouve contraint dans la satire: les grands sujets lui sont d��fendus, il les entame quelquefois et se d��tourne ensuite sur de petites choses qu'il rel��ve par la beaut�� de son g��nie et de son style.?--Moli��re n'a pas du tout fait ainsi, il ne s'est beaucoup contraint ni devant l'��glise ni �� l'��gard de Versailles, et ne s'est pas ��pargn�� les grands sujets. Dix ou quinze ans plus lard seulement, au temps o�� paraissaient les Caract��res, cela lui e?t ��t�� moins facile.]
Aujourd'hui que nous jugeons les choses �� distance et par les r��sultats d��gag��s, Moli��re nous semble beaucoup plus radicalement agressif contre la soci��t�� de son temps qu'il ne crut l'��tre; c'est un ��cueil dont nous devons nous garder en le jugeant. Parmi ces illustres contemporains que je citais tout �� l'heure, il en est un, un seul, celui qu'on serait le moins tent�� de rapprocher de notre po?te, et qui pourtant, comme lui, plus que lui, mit en question les principaux fondements de la soci��t�� d'alors, et qui envisagea sans pr��jug�� aucun la naissance, la qualit��, la propri��t��; mais Pascal (car ce fut l'audacieux) ne se servit de ce peu de fondement, ou plut?t de cette ruine qu'il faisait de toutes les choses d'alentour, que pour s'attacher avec plus d'effroi �� la colonne du temple, pour embrasser convulsivement la Croix. Tous les deux, Pascal et Moli��re, nous apparaissent aujourd'hui comme les plus formidables t��moins de la soci��t�� de leur temps; Moli��re, dans un espace immense et jusqu'au pied de l'enceinte religieuse, battant, fourrageant de toutes parts avec sa troupe le champ de la vieille soci��t��, livrant p��le-m��le au rire la fatuit�� titr��e, l'in��galit�� conjugale, l'hypocrisie captieuse, et allant souvent effrayer du m��me coup la grave subordination, la vraie pi��t�� et le mariage;
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