Portraits litteraires, Tome II. | Page 3

C.-A. Sainte-Beuve
Il ajoute �� l'��clat de cette forme majestueuse du grand si��cle; il n'en est ni marqu��, ni particularis��, ni r��tr��ci; il s'y proportionne, il ne s'y enferme pas.
Le XVIe si��cle avait ��t�� dans son ensemble une vaste d��composition de l'ancienne soci��t�� religieuse, catholique, f��odale, l'av��nement de la philosophie dans les esprits et de la bourgeoisie dans la soci��t��. Mais cet av��nement s'��tait fait �� travers tous les d��sordres, �� travers l'orgie des intelligences et l'anarchie mat��rielle la plus sanglante, principalement en France, moyennant Rabelais et la Ligue. Le XVIe si��cle eut pour mission de r��parer ce d��sordre, de r��organiser la soci��t��, la religion, la r��sistance; �� partir d'Henri IV, il s'annonce ainsi, et dans sa plus haute expression monarchique, dans Louis XIV, il couronne son but avec pompe. Nous n'essayerons pas ici d'��num��rer tout ce qui se fit, d��s le commencement du XVIIe si��cle, de tentatives s��v��res au sein de la religion, par des communaut��s, des congr��gations fond��es, des r��formes d'abbayes, et au sein de l'Universit��, de la Sorbonne, pour rallier la milice de J��sus-Christ, pour reconstituer la doctrine. En litt��rature cela se voit et se traduit ��videmment. A la litt��rature gauloise, grivoise et irr��v��rente des Marot, des Bonaventure Des Periers, Rabelais, Regnier, etc.; �� la litt��rature pa?enne, grecque, ��picurienne, de Ronsard, Ba?f, Jodelle, etc., philosophique et sceptique de Montaigne et de Charron, en succ��de une qui offre des caract��res bien diff��rents et oppos��s. Malherbe, homme de forme, de style, esprit caustique, cynique m��me, comme M. de Buffon l'��tait dans l'intervalle de ses nobles phrases, Malherbe, esprit fort au fond, n'a de chr��tien dans ses odes que les dehors; mais le g��nie de Corneille, du p��re de Polyeucte et de Pauline, est d��j�� profond��ment chr��tien. D'Urf�� l'est aussi. Balzac, bel esprit vain et fastueux, savant rh��teur occup�� des mots, a les formes et les id��es toutes rattach��es �� l'orthodoxie. L'��cole de Port-Royal se fonde; l'antagoniste du doute et de Montaigne, Pascal appara?t. La d��testable ��cole po��tique de Louis XIII, Boisrobert, M��nage, Costar, Conrart, d'Assoucy, Saint-Amant, etc., ne rentre pas sans doute dans cette voie de r��forme; elle est peu grave, peu morale, �� l'italienne, et comme une r��p��tition affadie de la litt��rature des Valois. Mais tout ce qui l'��touffe et lui succ��de sous Louis XIV se range par degr��s �� la foi, �� la r��gularit��: Despr��aux, Racine, Bossuet. La Fontaine lui-m��me, au milieu de sa bonhomie et de ses fragilit��s, et tout du XVIe si��cle qu'il est, a des acc��s de religion lorsqu'il ��crit la Captivit�� de saint Malc, l'��p?tre �� madame de La Sabli��re, et qu'il finit par la p��nitence. En un mot, plus on avance dans le si��cle dit de Louis XIV, et plus la litt��rature, la po��sie, la chaire, le th��atre, toutes les facult��s m��morables de la pens��e, rev��tent un caract��re religieux, chr��tien, plus elles accusent, m��me dans les sentiments g��n��raux qu'elles expriment, ce retour de croyance �� la r��v��lation, �� l'humanit�� vue dans et par J��sus-Christ; c'est l�� un des traits les plus caract��ristiques et profonds de cette litt��rature immortelle. Le XVIIe si��cle en masse fait digue entre le XVIe et le XVIIIe qu'il s��pare.
Mais Moli��re, nous le disons sans en porter ici ��loge ni blame moral, et comme simple preuve de la libert�� de son g��nie, Moli��re ne rentre pas dans ce point de vue. Bien que sa figure et son oeuvre apparaissent et ressortent plus qu'aucune dans ce cadre admirable du si��cle de Louis le Grand, il s'��tend et se prolonge au dehors, en arri��re, au del��; il appartient �� une pens��e plus calme, plus vaste, plus indiff��rente, plus universelle. L'��l��ve de Gassendi, l'ami de Bernier, de Chapelle et de Hesnault se rattache assez directement au XVIe si��cle philosophique, litt��raire; il n'avait aucune antipathie contre ce si��cle et ce qui en restait; il n'entrait dans aucune r��action religieuse ou litt��raire, ainsi que firent Pascal et Bossuet, Racine et Boileau �� leur mani��re, et les trois quarts du si��cle de Louis XIV; il est, lui, de la post��rit�� continue de Rabelais, de Montaigne, Larivey, Regnier, des auteurs de la Satyre M��nipp��e; il n'a ou n'aurait nul effort �� faire pour s'entendre avec Lamothe-le-Vayer, Naud�� ou Guy Patin m��me, tout docteur en m��decine qu'est ce mordant personnage. Moli��re est naturellement du monde de Ninon, de madame de La Sabli��re avant sa conversion; il re?oit �� Auteuil Des Barreaux et nombre de jeunes seigneurs un peu libertins. Je ne veux pas dire du tout que Moli��re, dans son oeuvre ou dans sa pens��e, f?t un esprit fort d��cid��, qu'il e?t un syst��me l��-dessus, que, malgr�� sa traduction de Lucr��ce, son gassendisme originel et ses libres liaisons, il n'e?t pas un fonds de religion mod��r��e, sens��e, d'accord avec la coutume du temps, qui repara?t �� sa derni��re heure, qui ��clate avec tant de solidit�� dans le morceau de
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