Poil De Carotte | Page 3

Jules Renard
dans le plus gras d'une fesse. Elle a fait choix de ce moyen.
Le cri de Poil de Carotte r��veille brusquement M. Lepic, qui demande:
--Qu'est-ce que tu as?
--Il a le cauchemar, dit madame Lepic.
Et elle chantonne, �� la mani��re des nourrices, un air berceur qui semble indien.
Du front, des genoux poussant le mur, comme s'il voulait l'abattre, les mains plaqu��es sur les fesses pour parer le pin?on qui va venir au premier appel des vibrations sonores, Poil de Carotte se rendort dans le grand lit o�� il repose, �� c?t�� de sa m��re, au fond.

Sauf votre Respect
Peut-on, doit-on le dire? Poil de Carotte, �� l'age o�� les autres communient, blancs de coeur et de corps, est rest�� malpropre. Une nuit, il a trop attendu, n'osant demander.
Il esp��rait, au moyen de tortillements gradu��s, calmer le malaise.
Quelle pr��tention!
Une autre nuit, il s'est r��v�� commod��ment install�� contre une borne, �� l'��cart, puis il a fait dans des draps, tout innocent, bien endormi. Il s'��veille. Pas plus de borne pr��s de lui qu'�� son ��tonnement!
Madame Lepic se garde de s'emporter. Elle nettoie, calme, indulgente, maternelle. Et m��me, le lendemain matin, comme un enfant gat��, Poil de Carotte d��jeune avant de se lever.
Oui, on lui apporte sa soupe au lit, une soupe soign��e, o�� madame Lepic, avec une palette de bois, en a d��lay�� un peu, oh! tr��s peu.
A son chevet, grand fr��re F��lix et soeur Ernestine observent Poil de Carotte d'un air sournois, pr��ts �� ��clater de rire au premier signal. Madame Lepic, petite cuiller��e par petite cuiller��e, donne la becqu��e �� son enfant. Du coin de l'oeil, elle semble dire �� grand fr��re F��lix et �� soeur Ernestine:
--Attention! pr��parez-vous!
--Oui, maman.
Par avance, ils s'amusent des grimaces futures. On aurait d? inviter quelques voisins. Enfin, madame Lepic, avec un dernier regard aux a?n��s comme pour leur demander:
--Y ��tes-vous?
l��ve lentement, lentement la derni��re cuiller��e, l'enfonce jusqu'�� la gorge, dans la bouche grande ouverte de Poil de Carotte, le bourre, le gave, et lui dit, �� la fois goguenarde et d��go?t��e:
--Ah! ma petite salissure, tu en as mang��, tu en as mang��, et de la tienne encore, de celle d'hier.
--Je m'en doutais, r��pond simplement Poil de Carotte, sans faire la figure esp��r��e.
Il s'y habitue, et quand on s'habitue �� une chose, elle finit par n'��tre plus dr?le du tout.

Le Pot
I
Comme il lui est arriv�� d��j�� plus d'un malheur au lit, Poil de Carotte a bien soin de prendre ses pr��cautions chaque soir. En ��t��, c'est facile. A neuf heures, quand madame Lepic l'envoie se coucher, Poil de Carotte fait volontiers un tour dehors et il passe une nuit tranquille.
L'hiver, la promenade devient une corv��e. Il a beau prendre, d��s que la nuit tombe et qu'il ferme les poules, une premi��re pr��caution, il ne peut esp��rer qu'elle suffira jusqu'au lendemain matin. On d?ne, on veille, neuf heures sonnent, il y a longtemps que c'est la nuit, et la nuit va durer encore une ��ternit��. Il faut que Poil de Carotte prenne une deuxi��me pr��caution.
Et ce soir, comme tous les soirs, il s'interroge.
--Ai-je envie? se dit il; n'ai-je pas envie?
D'ordinaire il se r��pond "oui", soit que, sinc��rement, il ne puisse reculer, soit que la lune l'encourage par son ��clat. Quelquefois M. Lepic et grand fr��re F��lix lui donnent l'exemple. D'ailleurs la n��cessit�� ne l'oblige pas toujours �� s'��loigner de la maison, jusqu'au foss�� de la rue, presque en pleine campagne. Le plus souvent il s'arr��te au bas de l'escalier; c'est selon.
Mais, ce soir, la pluie crible les carreaux, le vent a ��teint les ��toiles et les noyers ragent dans les pr��s.
--?a se trouve bien, conclut Poil de Carotte, apr��s avoir d��lib��r�� sans hate, je n'ai pas envie.
Il dit bonsoir �� tout le monde, allume une bougie, et gagne au fond du corridor, �� droite, sa chambre nue et solitaire. Il se d��shabille, se couche et attend la visite de madame Lepic. Elle le borde serr��, d'un unique renfoncement, et souffle la bougie. Elle lui laisse la bougie et ne lui laisse point d'allumettes. Et elle l'enferme �� clef parce qu'il est peureux. Poil de Carotte go?te d'abord le plaisir d'��tre seul. Il repasse sa journ��e, se f��licite de l'avoir fr��quemment ��chapp�� belle, et compte, pour demain, sur une chance ��gale. Il se flatte que, deux jours de suite, madame Lepic ne fera pas attention �� lui, et il essaie de s'endormir avec ce r��ve.
A peine a-t-il ferm�� les yeux qu'il ��prouve un malaise connu.
--?'��tait in��vitable, se dit Poil de Carotte.
Un autre se l��verait. Mais Poil de Carotte sait qu'il n'y a pas de pot sous le lit. Quoique madame Lepic puisse jurer le contraire, elle oublie toujours d'en mettre un. D'ailleurs, �� quoi bon ce pot, puisque Poil de Carotte prend ses pr��cautions?
Et Poil de Carotte raisonne, au lieu de se lever.
--T?t ou tard, il faudra que je c��de, se
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 43
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.