Poignet-dacier | Page 9

Émile Chevalier
se venger. Il attendit durant plusieurs ann��es une occasion favorable. Elle arriva enfin. Un soir, le mari d��laiss�� rencontra sa femme �� quelques milles du fort. Il lui arracha le nez avec ses dents [9], lui creva un oeil, et, apr��s lui avoir fait plusieurs blessures hideuses aux seins et �� diff��rentes parties du corps, il l'abandonna toute sanglante sur le th��atre de cette boucherie.
[Note 9: Cette coutume est fort en usage, dans de telles circonstances parmi le? Indiens de l'Am��rique septentrionale.]
On rapporta l'��toile-Blanche �� la factorerie. Elle passa de la chambre du gouverneur �� la cuisine. Cependant, M. Mac Carthy continua de pourvoir aux besoins de leur enfant.
Dou�� d'une facilit�� d'imitation extraordinaire, James fit des progr��s rapides dans ses ��tudes, quoique les horizons de son intelligence fussent assez born��s. Mais il ��tait flatteur, insinuant, et, de plus, il poss��dait quelques arts d'agr��ment; il obtint �� vingt ans des succ��s marqu��s �� la cour du Gouverneur-G��n��ral du Canada. C'est alors qu'il fit la connaissance d'Alfred Robin et se lia d'amiti�� avec lui.
Nature franche et loyale, Robin ne se doutait pas qu'il r��chauffait une vip��re �� son foyer.
James s'��prit de Victorine; il eut l'audace de l'entretenir de son amour. La jeune femme aimait trop son mari pour lui causer la plus l��g��re contrari��t��. Elle commit une faute que commettent bien souvent les personnes de son sexe; et, au lieu de pr��venir Alfred des intentions perfides de Mac Carthy, elle se fit un scrupule de les lui d��voiler, tout en mena?ant ce dernier de le faire s'il ne cessait de la pers��cuter par ses d��clarations.
Rappel�� �� la factorerie par son p��re, James ne se sentait pas dispos�� �� ob��ir. Mais le d��part de madame Robin pour l'Angleterre et d'autres motifs que nous ne tarderons pas �� faire conna?tre, l'y d��cid��rent.
On peut juger de sa stup��faction, de sa joie, en la voyant arriver au fort, alors qu'il la croyait morte. Sa passion pour elle se ralluma plus ardente, plus imp��rieuse que jamais. Oubliant la sc��ne terrible qu'il venait d'avoir avec son p��re et qui peut-��tre avait tu�� celui-ci, il se disait, la voix palpitante, l'oeil humide de luxure:
--Oh! cette fois, je la tiens, elle sera �� moi.... �� moi seul, et ses enivrantes caresses me paieront de tous les d��dains dont elle m'a abreuv��!....
Comme il savourait ses voluptueuses esp��rances, on gratta �� la porte.
--Qui est l��? demanda-t-il, en saisissant le revolver pos�� sous son traversin.
--Alanck-ou-a-bi, fut-il r��pondu.
--Vous ��tes seule?
--Je suis seule.
Apr��s cette r��plique, James sauta �� bas de son lit, et alla tirer te verrou.
La porte s'ouvrit, et une Indienne dont le visage coutur�� de profondes cicatrices ��tait horrible �� voir, parut dans l'entrebaillement.

CHAPITRE IV
L'��TOILE-BLANCHE
Elle ��tait jeune encore, et, par une am��re ironie, avait conserv�� des vestiges d'une beaut�� rare, au milieu des affreux ravages que le ressentiment de son mari avait faits sur sa face. Grand, pur et d'un ovale parfait, l'oeil qui lui restait faisait doublement regretter celui qu'on lui avait arrach��. Sa bouche avait d? ��tre rose, d'un dessin aimable, un nid �� baisers, mais les l��vres tourment��es et lac��r��es, comme si on les e?t tortill��es en forme de vis avec une tenaille de fer, ne montraient plus que des lambeaux informes et charnus, qui servaient de cadre �� quelques dents d'une blancheur ��burn��enne, �� demi bris��es.
Elle portait le costume des squaws septentrionales: un chaud bonnet de peau de cygne, sur lequel ��tait ��tendue une couverte brune, �� lis��r�� jaune, en un tissu de poil de daim et de buffle.
A la vue de son fils, le regard d'Alanck-ou-a-bi prit une expression de tendresse inexprimable.
Les siens, au contraire, s'arm��rent de duret��.
James, dans son orgueil insens��, ne pouvait supporter l'id��e qu'il devait sa naissance �� une Indienne: il maudissait ouvertement la pauvre femme qui lui avait donn�� le jour.
D��s qu'elle fut entr��e, il referma la porte et s'assit au bord de son lit, tandis que sa m��re s'accroupissait sur les talons devant lui.
La couverte de la squaw, s'entr'ouvrant alors, laissa voir une tunique ��l��gamment brod��e et un fort joli collier de coquillages; car, par un reste de coquetterie f��minine, la malheureuse cr��ature avait conserv�� du go?t pour la parure et les colifichets brillants.
--Comment avez-vous laiss�� cette dame? demanda James.
--Elle voyage dans le monde des esprits, r��pondit Alanck-ou-a-bi d'une voix singuli��rement harmonieuse, quoique le manque de dents la fit b��gayer un peu.
--C'est-��-dire qu'elle dort, reprit James.
L'Indienne inclina affirmativement sa t��te.
--Vous l'avez plac��e dans la chambre que je vous ai d��sign��e!
--Oui.
--Et vous en avez pris la double cl��?
--Cette femme blanche est bien belle; mon fils l'aime-t-il donc? interrogea Alanck-ou-a-bi, sans r��pondre �� la question.
--Cela ne vous regarde pas, repartit s��chement James; o�� est la clef de sa chambre, r��pondez-moi?
--La voici, dit-elle d'un ton m��lancolique, mais r��sign��, en lui tendant une cl�� qu'elle tenait cach��e sous sa couverte.
Le jeune homme serra vivement l'objet dans sa
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