Poignet-dacier | Page 3

Émile Chevalier
tu ne dis rien �� notre ami James, qui a bien voulu venir partager notre d?ner? fit Alfred en se retournant.
Le front de la jeune femme se couvrit d'un nuage.
--Monsieur est bien bon, murmura-t-elle en baissant les yeux.
--Ah ?a, est-ce que vous nous bouderiez, par hasard? s'��cria gaiement Robin, remarquant l'air contraint de Mac Carthy et de Victorine.
--Je viens d'��tre pris d'un mal de dents..., commen?a le premier.
--Mal de dents, mal d'amour, r��pliqua Alfred. Tenez, je vous prie, compagnie �� ma femme, ajouta-t-il en souriant; j'ai laiss�� dans la voiture certains objets...
--Quelque nouveau pr��sent, je gage, dit Victorine, essayant de prendre un ton d��gag��.
--Tu verras, ch��re, tu verras, r��pondit Alfred, qui courut aussit?t vers la remise.
D��s qu'il eut disparu, Mac Carthy se rapprocha vivement de la jeune femme, et, lui saisissant la main, avant qu'elle e?t pu s'opposer �� son dessein:
--Madame, lui dit-il, vous savez que je vous aime...
--Taisez-vous, monsieur! je ne souffrirai pas ce langage! r��pliqua-t-elle avec un brusque effort pour retirer les doigts qu'il pressait dans les siens.
--Je vais partir...
--Tant mieux!
--Partir pour la baie d'Hudson; mais avant...
--Encore un mot, monsieur, et j'appelle mon mari!
D��j�� Alfred reparaissait, un paquet sous le bras, en criant:
--Voil��! voil��!
La face de Mac Carthy ��tait devenue livide, hideuse de m��chancet��
--Ah! vous ne voulez pas m'entendre! vous ne voulez pas m'entendre! eh bien, je saurai vous r��duire, et vous serez ma ma?tresse, madame la prude! grommela-t-il sourdement.
Robin se rapprochait, en d��faisant son paquet.
--Que dit-on de ce set [4] de pelleteries?
[Note 4: Terme anglais francis�� par les Canadiens: il signifie assortiment, garniture.]
--C'est ravissant! Mais vous vous ruinez pour moi, mon ami, r��pliqua la jeune femme se penchant, pour dissimuler son trouble, sur une palatine en peau de renard argent�� qu'il ��talait complaisamment sous ses yeux.
A ce moment, la sonnette de la porte d'entr��e retentit.
--Une lettre d'Angleterre, madame, dit une servante qui avait ouvert.
--Une lettre d'Angleterre! balbutia madame Robin en palissant.
On lui remit la missive.
--C'est de ma m��re! s'��cria-t-elle apr��s avoir vu la suscription.
Tremblante, elle d��chira l'enveloppe, cachet��e de noir.
--Mon p��re est mort et ma m��re est dangereusement malade... Elle me demande... reprit madame Robin d'une voix mouill��e, en parcourant la lettre.
--Excusez-moi, dit alors Mac Carthy �� Alfred, je crois qu'il est convenable que je me retire...
Son h?te voulut le retenir; ce fut en vain. James se fit imm��diatement reconduire �� Qu��bec.
Demeur��s seuls, les deux ��poux se consult��rent. Non que Victorine h��sitat �� se rendre �� l'appel de sa m��re: malgr�� la duret�� de celle-ci �� son ��gard, elle n'avait pas oubli�� son devoir filial. Mais elle e?t voulu qu'Alfred l'accompagnat. Chose impossible en ce moment, car le jeune homme, affili�� aux soci��t��s secr��tes du Canada, qui pr��paraient un grand mouvement annexionniste, avait donn�� sa parole d'honneur de ne pas quitter la province avant l'ex��cution de ce mouvement.
Quoi qu'il e?t le coeur gros de larmes et l'esprit agit�� par de noirs pressentiments, il r��sista aux supplications de sa femme.
Victorine partit le surlendemain de Qu��bec, et alla ?'embarquer �� New-York.
Trois mois apr��s, elle apprenait �� Alfred que sa m��re avait succomb�� et qu'elle se remettait en route pour le Canada.
Mais comme le jeune homme attendait �� chaque heure, avec une impatience fi��vreuse, le retour de sa femme, apr��s une s��paration qui lui avait paru ��ternelle, une d��p��che t��l��graphique, dat��e d'Halifax, annon?a que le vapeur sur lequel Victorine avait pris passage s'��tait perdu corps et biens dans le d��troit de Belle-Isle.
Je n'entreprendrai pas de peindre le d��sespoir d'Alfred Robin.
D��sormais sans parents avou��s, sans affection s��rieuse, le coeur bris��, il r��solut, apr��s avoir ��nergiquement repouss�� l'id��e du suicide, d'aller terminer ses jours dans les solitudes du d��sert am��ricain.

CHAPITRE II
LE FORT DU PRINCE-DE-GALLES
Situ�� sur la rivi��re Churchill, �� son embouchure dans la baie d'Hudson, environ par les 58�� de latitude et 97�� de longitude, le fort du Prince-de-Galles fut ��lev��, vers 1718, par la Compagnie de la baie d'Hudson.
Divers combats l'ont rendu, c��l��bre dans l'histoire de nos luttes avec la Grande-Bretagne, durant le si��cle dernier.
On le construisit dans un but de commerce avec les Esquimaux et tous les Indiens du Nord en g��n��ral, mais principalement, je crois, pour devenir l'entrep?t des richesses que la Compagnie esp��rait recueillir dans les mines d'une rivi��re fameuse qui prit, �� cause de ses productions min��rales, le nom de rivi��re de la Mine de Cuivre (Copper-Mine-River).
On m'a accus�� d'avoir, dans mes pr��c��dents ouvrages, montr�� pour la Compagnie de la baie d'Hudson une malveillance outr��e. J'avoue volontiers qu'elle ne se comporte pas et ne s'est jamais comport��e vis �� vis des aborig��nes du Nord-Ouest am��ricain comme les Espagnols se comport��rent vis �� vis des Mexicains; je me plais �� reconna?tre qu'elle ne les ��gorgea point par millions, au nom d'un Dieu de paix, et qu'on ne saurait trouver parmi ses honorables membres autant de cruelle rapacit�� que chez un Cortez, un Pizarre ou un Soto [5]: mais
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