On
relève bien encore chez lui des vestiges du style noble, 'mais on peut en
dire autant des débuts de V. Hugo et d'A. de Vigny.' Le premier, depuis
Ronsard, il ressuscite la poésie d'images. Il est ému; son _Hermès_
même affecte des allures d'épopée.
[Footnote 33: _Le Mouvement littéraire au XIXe siècle_, par G.
Pellissier, Paris, Hachette, 1889.]
Pour Anatole France[34], personne ne fut moins novateur.
[Footnote 34: _La vie littéraire_, par Anatole France, Paris, C. Lévy,
1889-97. 4 vol. (t. ii, 1890).]
Il fut la 'dernière expression d'un art expirant.' Il 'résume le style Louis
XVI et l'esprit encyclopédique,' et son influence 'n'est sensible chez
aucun des poètes de ce siècle.'
Pour E. Faguet[35], c'est un homme de la Pléiade en retard. Il est plus
grec que latin. Les petites pièces font songer aux frises, aux groupes
légers, sans profondeur, sans vigoureux relief... mais d'un dessin net,
d'une précision élégante. Dans les _Élégies_, on retrouve la rhétorique
laborieuse, la fadeur, l'abus de l'esprit, tous défauts du temps. Il a été
créateur en fait de style. Les Idylles et les fragments épiques sont d'une
nouveauté et d'une fraîcheur merveilleuses. Le principal mérite de cette
langue est la qualité du son. Il a le secret des vers 'amis de la mémoire,'
comme dit Sainte-Beuve, et c'est 'parce qu'ils sont amis de l'oreille.' En
versification, pour la liberté des coupes, il remontait à la Pléiade.
L'abus rapproche parfois ses vers de la prose.--C'est un isolé.
[Footnote 35: _Le XVIIIe siècle_, par E. Faguet, Paris, Lecène et
Oudin, 1890.]
Pour Haraszti[36], il n'a imité que les poètes de la décadence grecque,
ou même plutôt les imitateurs romains de la poésie alexandrine. 'Il
transforme inconsciemment tous ses emprunts selon le goût de son
temps.' Le critique voit une trace de l'esprit gaulois dans le sensualisme,
c'est-à-dire le caractère érotique de sa poésie. André Chénier a la
sentimentalité du XVIIIe siècle. Il ne se défend pas assez de la
mignardise. Ses paysages, il va les chercher dans les parcs. Il est le
poète de l'art pur. Le critique n'est pas tendre pour Chénier. Il lui
reproche son absence d'originalité et son excès d'imitation. Il fait une
analyse sévère de sa langue, de sa versification, de ses procédés de
style.
[Footnote 36: _La poésie d'André Chénier_, par Jules Haraszti,
professeur à l'école-réale du VIe arrondissement de Buda-Pest; traduit
du Hongrois par l'auteur, Paris, Hachette, 1892.]
Pour Brunetière[37], André Chénier est un homme de la fin du XVIIIe
siècle, admirateur de Buffon et contemporain de Parny. Seulement il se
sépare de son époque par ses rares qualités d'artiste.
[Footnote 37: _Le XVIIIe siècle_, par E. Faguet, Paris, Lecène et
Oudin, 1890.]
Pour P. Morillot[38], c'est un grand artiste, un Ronsard moderne, avec
plus de goût, plus de science, et l'expérience de Boileau et de Voltaire.
[Footnote 38: _André Chénier_, par Paul Morillot, Paris, Lecène et
Oudin, 1894 (Classiques populaires).]
Pour Louis Bertrand[39], c'est un dilettante, avec le sens esthétique plus
développé que le sens poétique. Il a le goût du dessin, même de la
couleur. C'est un dilettante à qui le don de l'invention a manqué; un
humaniste opprimé par ses souvenirs classiques.
[Footnote 39: _La fin du classicisme et le retour à l'antique dans la
seconde moitié du XVIIIe siècle et les premières années du XIXe en
France_, par Louis Bertrand, Paris, Hachette, 1897.]
Pour Henri Potez[40], il y a dans les _Élégies_ du Dorat, du Parny, du
Bertin, et une inspiration plus sincère dans les passages où André
Chénier chante l'amitié que dans sa note amoureuse.
[Footnote 40: _L'Élégie en France avant le Romantisme, de Parny à
Lamartine_ (1778-1820), par Henri Potez, Paris, C. Levy, 1898.]
Pour Petit de Julleville[41], les Bucoliques sont 'des récits pathétiques
enfermés dans un cadre antique.'
[Footnote 41: _Histoire de la Langue et de la Littérature françaises_,
par Petit de Julleville, Paris, A. Colin, 8 vol. (t. vi, 650-78, par Petit de
Julleville).]
Pour Brunetière[42], que nous retrouvons jugeant André Chénier,
André Chénier est artiste, dilettante, autant que poète: idées ou
sentiments n'ont pour lui de valeur que revêtus d'une forme somptueuse.
Il a contribué à la déformation de l'idéal classique[43]. C'est 'un
Ronsard qui aurait lu Voltaire, Montesquieu, Buffon.'
[Footnote 42: Revue des Deux Mondes_, 15 mars 1898. Classique ou
Romantique?_ (non signé).]
[Footnote 43: _Manuel de l'histoire de la littérature française_, par F.
Brunetière, Paris, Delagrave, 1898 (pp. 367-72, 375-9).]
On a vu comme avait été successive et échelonnée sur de longues
années la révélation de l'oeuvre d'André Chénier. En 1874 seulement
avait paru, donnée par le détenteur des manuscrits, l'édition qu'on
pouvait croire complète et définitive. Mais l'on sait aussi combien cette
oeuvre laissée en portefeuille était demeurée fragmentaire.
Or, l'éditeur de 1874 n'avait pas publié tous les fragments. Sa veuve,
qui était restée en possession des manuscrits, les
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